Cet été, l'Alsace a découvert de mauvais chiffres de vente. Des entreprises ont cassé les prix. Le syndicat a imposé une baisse des rendements. Mais le salut ne viendra que du dynamisme commercial des entreprises.
Les viticulteurs alsaciens sont sortis sonnés de l'été. Fin août, les statistiques leur ont mis les points sur les ' i '. Elles faisaient état d'un recul des ventes de 5 % sur les sept premiers mois de 2005, dont 9 % pour le seul mois de juin. Le vignoble n'échappe plus à la crise. Des vignerons indépendants comme des coopératives viennent grossir les rangs des vendeurs de vrac. D'autres relancent la course à l'achat de foncier pour rattraper, par la surface, ce qu'ils perdent par la baisse du rendement autorisé. Ceux dont les caves restent pleines jalousent ceux dont les ventes progressent. La bataille sur les prix fait rage entre coopératives.
' En grande distribution, les opérateurs se piquent les marchés. A l'exportation, certains tarifs sont qualifiés de 'suicidaires' par les importateurs. Le vignoble vit une période de 'hara-kiri' qui déprécie fortement le fonds de commerce 'vins d'Alsace'. Seules les maisons bien établies ne sont pas touchées ', dit le directeur d'une des premières entreprises du vignoble.
' Diminuer le prix ne rassure pas le consommateur. Il devient attentiste par peur d'acheter trop cher ', prévient Gérard Boesch, président de l'Association des viticulteurs d'Alsace (Ava). A la veille des vendanges, l'association a pris des mesures d'urgence : baisse des rendements et échelonnement de la mise en marché. Ce qui laisse sceptique Pierre Heydt, président du Groupement des producteurs négociants en vins d'Alsace (GPNVA) et membre du conseil de direction du Comité interprofessionnel des vins d'Alsace (Civa) : ' Des mesurettes. Le problème de fond est que tout le monde veut plus de vigne, mais sans avoir la structure commerciale pour vendre. '
Il n'existe pas vraiment de plan pour sortir de cette crise, mais une réflexion canalisée par l'interprofession. Elle a consulté les trois familles professionnelles, quant aux infléchissements à apporter à sa stratégie. Il semble acquis que la cigogne conservera sa place de vecteur de l'image des vins d'Alsace, bien qu'elle soit décriée par la base. Depuis 1997, elle apparaît sur toutes les publicités de l'interprofession. ' Elle reste le meilleur symbole de l'identité alsacienne. Il faut la faire évoluer, mais non l'abandonner ', plaide Jean-Louis Vézien, directeur du Civa. ' Les entreprises l'exploitent trop peu, voire s'en démarquent ', regrette Gérard Boesch.
Les autres pistes envisagées conduiraient le Civa à soutenir les actions de terrain, par exemple en continuant à nouer des partenariats avec la grande distribution ou en remettant plus de kits de promotion des ventes aux restaurateurs. Le consensus s'arrête là. ' Le rôle du Civa est de stimuler la demande et de drainer de nouveaux consommateurs, pas de se substituer aux entreprises. A elles de mettre de la qualité dans la bouteille et d'investir pour la vendre ', martèle Pierre Heydt. La proposition de la production de créer, au sein du Civa, une cellule d'assistance à l'exportation pour les petits et moyens metteurs en marché a peu de chance d'aboutir. ' Cela existe déjà à la chambre de commerce ', remarque le Civa.
D'autres idées circulent. Comme celle de créer des réseaux à l'exportation ou d'initier des regroupements d'entreprises, afin qu'elles réunissent leurs moyens de marketing pour attaquer des marchés ciblés. Mais rien n'a encore été mis en forme. La crise a plutôt mis l'interprofession sur la sellette. Un audit de son fonctionnement est en cours. Ses conclusions devraient être rendues en mai 2006.
La principale modification attendue n'est plus un secret : il s'agirait de renforcer le lien entre le conseil de direction et la base en réservant une place, dans cette instance, aux présidents en exercice des coopératives, des vignerons indépendants et de l'Ava. Le vignoble s'est accordé le temps de la réflexion. Le tout est de savoir s'il en dispose encore...
' Les metteurs en marché refusent de voir la réalité en face, dit Gérard Boesch. Si une grosse récolte arrive en 2006, la crise risque d'être amplifiée. On peut aussi se demander si le fait d'avoir rentré 270 000 hl de crémant en 2005 (170 000 hl en 2004) ne va pas rompre l'équilibre des marchés des vins tranquilles et du crémant. ' Là où le Syndicat des producteurs de crémant d'Alsace est optimiste, d'aucuns voient dans cette grosse récolte ' une bombe à retardement ' .
Pour qu'elle n'éclate pas, selon Gérard Boesch, ' l'Alsace doit plus que jamais avoir confiance en ses produits et ne pas céder à la sinistrose. Il faut que les ventes redémarrent '.