ImprimerPiquée par l'émergence de concurrents, la Provence suit de plus près ses marchés. Pour garder son avance, elle perfectionne des vinifications et améliore son image auprès des consommateurs.
'Les Côtes de Provence viennent d'entrer dans le classement des dix premières AOC citées spontanément par les Français ', lance non sans fierté Alain Baccino, président du Conseil interprofessionnel des vins de Provence (CIVP), en se référant à un récent sondage Ipsos. L'engouement pour le rosé a largement participé à l'essor de cette appellation, la première de France dans cette couleur. En quinze ans, les volumes ont bondi de 600 000 hl à 900 000 hl, sans incident majeur sur les stocks et les cours. Au contraire, les prix ont atteint des niveaux records ces dernières années.
Les appellations voisines, Bandol, Coteaux d'Aix-en-Provence, Coteaux Varois en Provence, ont aussi profité de l'engouement pour les rosés. ' Il est devenu un vin à part entière, indique Daniel Di Placido, président du Syndicat des Coteaux varois. Il se boit désormais quasiment toute l'année. '
D'autres vignobles sont venus sur ce créneau. Cette concurrence a crispé le marché du rosé provençal, surtout en 2005. Néanmoins, la région, tirée par les Côtes de provence, reste la référence en rosé. C'est elle qui donne le ' la '. C'est ici qu'est née la mode des rosés très pâles. Le consommateur y voit une forme de légèreté en alcool et est séduit.
Les efforts fournis en amont sont à l'origine de ce leadership envié. Ici, on a coutume de dire que ' l'on produit du rosé par tradition, et non par opportunisme. ' Ces dernières années, en plus de la restructuration du vignoble (réencépagement, redélimitation parcellaire, amélioration des conduites culturales...), les techniques de vinification ont été perfectionnées. La vinification à froid, qui permet une meilleure préservation des arômes, s'est généralisée.
' Les vignerons sont aussi attentifs à l'oxydation des raisins, expose François Millo, directeur du Conseil des vins de Provence. Le principe de la vendange de nuit gagne du terrain. ' Pour conserver son avance, la Provence s'est dotée du Centre de recherche et d'expérimentation sur le rosé. Depuis trois ans, il divulgue le contenu de ses travaux aux professionnels (conservation de la couleur, récupération des arômes, relation des cépages au terroir...) lors des Soirées du rosé.
L'arrivée d'investisseurs étrangers - nombreux dans la région - a aussi joué en faveur de cette dynamique. ' Ils abordent le métier avec un regard neuf et sont souvent très ouverts au marketing , commente François Millo. De plus, ils orientent une partie de leurs débouchés à l'export, dans leur pays d'origine. '
Par ailleurs, les campagnes publicitaires et les efforts de marketing déployés par l'interprofession ont rehaussé l'image. De 1990 à 1997, les Côtes de Provence ont été ' l'appellation d'élégance '. De 1997 à 2004, elles se sont vues associer à ' l'art de vivre ' méditerranéen, très en vogue auprès du public.
Faute de moyens, les Coteaux d'Aix-en-Provence et les Coteaux varois en Provence n'ont pas réalisé de campagne de communication d'envergure. Ce faisant, leur notoriété est bien moins importante. Les grandes surfaces n'ont pas hésité à réduire la place qu'elles leur consacraient au profit de nouveaux intervenants : vins de pays d'Oc, appellations du Val de Loire ou du Sud-Ouest...
Dans ce contexte, les opérateurs provençaux ont pris conscience de la fragilité de leur situation. ' Le rosé a un cycle de vie court, explique Alain Baccino. Pour éviter les turbulences, il faut que les stocks soient au plus bas en fin de saison. ' Les volumes produits ailleurs mettent à mal cet équilibre. La Provence cherche donc de nouveaux débouchés à l'export. L'objectif est d'atteindre 20 % à court terme.
Pour y parvenir, l'interprofession organise des salons et des mini-expositions en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, en Belgique, en Allemagne, en Suisse, aux Etats-Unis, au Canada et en Chine. Elle a par ailleurs fondé le Club rosé UK. Il réunit seize entreprises qui décident des actions de promotion collectives à engager dans le pays. Sur ce modèle, un Club Brésil d'une dizaine d'entreprises va être lancé.
Cela étant, la vigilance reste de mise. L'an dernier, l'interprofession a mis en place une veille économique. En fonction des sorties, elle prévoit le stock de fin de campagne. Elle remet régulièrement ses prévisions à jour et les divulgue aux opérateurs. ' Ils peuvent les utiliser pour adapter leur politique commerciale, commente Alain Baccino. Cela a été le cas l'an dernier. A fin avril, les sorties étaient en recul par rapport à l'an passé. Elles sont reparties à la hausse en août et en septembre. ' Depuis, une commission économique se réunit tous les mois. En peu de temps, la Provence a acquis beaucoup de maturité.
