Lors du Forum de Davayé, le 31 janvier, Eric Meistermann, de l'ITV de Colmar, a expliqué que les tests de stabilité protéique sur moûts ne sont pas toujours fiables. Il propose deux seuils : l'un au-dessous duquel le vin est stable, l'autre au-dessus duquel il ne l'est pas.
'On pensait que le problème des protéines dans le vin était réglé, qu'on savait tout ', résume Eric Meistermann, de la station de l'ITV de Colmar (Haut-Rhin) et coordonnateur d'un groupe national de travail sur la stabilité protéique. Puis est arrivé le millésime 2003, avec son lot de vins difficiles à stabiliser.
' Depuis, il y a eu d'autres cas de vins tellement difficiles à stabiliser que même des doses énormes de bentonite n'y suffisaient pas , poursuit-il. Surtout, ce sont souvent des vins issus de maturités élevées, comme des vendanges tardives ou des sélections de grains nobles. Les viticulteurs n'ont donc pas envie de les abîmer, ni d'en perdre de trop grandes quantités au cours du collage. '
Un groupe de travail a été constitué en 2001, sous l'égide de l'Onivins, pour tenter d'élucider ces problèmes de stabilité. Eric Meistermann en a présenté les premiers résultats lors d'un colloque à Mâcon (Côte-d'Or), le 31 janvier.
Son premier travail a été d'évaluer le risque d'instabilité le plus précocement possible. En effet, le collage à la bentonite est moins nocif en cours de fermentation, au moins pour les blancs et les rosés de rotation rapide. Les pertes de vin sont moindres et la qualité est mieux préservée. Reste à déterminer dans quel cas il faut traiter et quelle dose appliquer.
Pour le savoir, les stations ITV de Colmar, de Bordeaux, de Midi-Pyrénées, de Rhône-Méditerrannée, du Val de Loire, ainsi que la chambre d'agriculture de Gironde et l'Institut coopératif du vin ont mis en place un protocole commun. Entre 2001 et 2004, ils ont examiné 380 échantillons de moûts, auxquels ils ont appliqué des tests de tenue à la chaleur (80°C pendant trente minutes) et à l'acide trichloracétique. Ils les ont vinifiés en bidons de 5 l. Ils ont renouvelé ces tests après fermentation alcoolique, puis encore une fois juste avant la mise en bouteilles, de 37,5 cl, fermées par un bouchon en liège ou synthétique. Après deux mois à 35°C, ils ont mesuré la turbidité des vins dans l'idée de la corréler avec celle obtenue lors des tests sur les moûts.
Premier constat : la stabilité protéique des moûts n'est pas toujours bien corrélée à celle des vins après la fermentation ou avant la mise en bouteilles. ' S'il n'y a pas de réaction du moût, il n'y a pas de trouble après la fermentation alcoolique, assure Eric Meistermann. Par contre, il y a des cas où les moûts se troublent beaucoup, alors que plus rien ne se passe après la fermentation ou en bouteilles. ' Le risque est alors de coller un moût qui n'en a pas besoin. L'interprétation des résultats est encore plus problématique après le conditionnement. Des moûts qui paraissaient stables donnent des vins qui se troublent en bouteilles.
Comment décider alors de coller ou non un moût ? ' Nous avons réussi à établir un début de règle de décision ', avance Eric Meistermann. En examinant de plus près les résultats obtenus lors de ces essais, il s'est rendu compte qu'il pouvait distinguer deux seuils dans les résultats des tests à la chaleur.
Si la turbidité d'un moût augmente de moins de 50 NTU après le test à la chaleur, on est presque sûr que le vin sera stable. A l'inverse, si elle augmente de plus de 140 NTU, il sera instable. Mieux vaut alors coller les moûts, si l'on n'envisage pas l'élevage sur lies. Ces seuils restent à peu près les mêmes pour les tests à l'acide trichloracétique. Reste à régler les cas intermédiaires.
' Ces résultats sont à moduler en fonction du cépage. Ils correspondent bien aux variétés alsaciennes. Pour le sauvignon blanc, il faut peut-être des seuils plus faibles. L'expérience nous le dira. ' Et dans tous les cas, si l'on a fait le test sur moût, il faut en refaire un après la fermentation pour valider la décision prise. On traite alors s'il est instable.