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Un cognac ne peut pas goûter plus que son âge

La vigne - n°174 - mars 2006 - page 0

Une entreprise a prétendu que ses cognacs goûtaient vingt ou vingt-cinq ans. Or, elle n'avait pas de stock aussi ancien. La justice l'a condamnée : une eau-de-vie ne peut pas goûter vingt ans bien avant d'avoir cet âge.

Pour certains alcools bruns, l'ancienneté en dit long sur la qualité gustative. Dire à un connaisseur que tel cognac goûte trente ans, c'est lui faire la promesse d'un agréable moment de dégustation... Les fabricants et autres marchands le savent bien : ils ne manquent pas de mettre en avant cet atout de l'âge sur l'étiquette et dans leur publicité. Reste qu'ils doivent le faire dans le respect du règlement communautaire (1).
Aux termes de ce texte, ' l'étiquetage, la présentation ou la publicité des boissons spiritueuses ne peuvent indiquer une durée de vieillissement qu'à la condition que le produit ait vieilli sous un contrôle fiscal ou sous un contrôle présentant des garanties équivalentes '.
Le 6 septembre 2005, la chambre criminelle de la Cour de cassation a eu à appliquer ce texte à l'encontre d'un négociant de Cognac.
Les faits sont les suivants : les services de l'administration prennent connaissance d'une nouvelle publicité, intitulée ' Fiche de dégustation '. Lancée par une société anonyme de commercialisation de cognac, l'opération de communication présente une série de cognacs offerts à la vente. Chacun répond à une dénomination plus ou moins prometteuse de délices gustatifs, et toujours suivie de l'affirmation de l'âge du produit proposé.

Par exemple, il est question d'un VSOP Alliance qui ' goûte vingt ans ', d'un XO qui ' goûte vingt-cinq ans ' et d'un autre ayant passé ' quarante-cinq ans de vie en fûts '. Encore plus tentant pour l'amateur : une eau-de-vie dénommée Héritage ' du début du siècle ', ou encore un cognac répondant au doux nom de Paradis, défini comme ' l'association subtile de 90 % d'eau-de-vie du début du siècle et de 10 % d'avant la crise phylloxérique ', étant précisé que celle-ci remonte à 1870...
Peu de temps après la diffusion de cette publicité, les fraudes débarquent au siège de la société, se font remettre le registre d'inventaire... et n'y trouvent aucun cognac antérieur à 1972. La majorité du stock date de 1990-1998. Par ailleurs, elles notent qu'il n'y a pas de registre pour la coupe et les assemblages des eaux-de-vie en vue des embouteillages.
Pour parfaire leur enquête, ils procèdent à des prélèvements pour analyser en laboratoire le taux de radioactivité des eaux-de-vie ayant fait l'objet de la publicité, afin d'en déterminer l'âge. Les conclusions du laboratoire sont sans appel : les échantillons correspondent à des années situées entre 1960 et 1981. Point d'eaux-de-vie antérieures !
La prévenue, PDG de la société, est poursuivie devant le tribunal correctionnel pour délits de tromperie et de publicité fausse ou de nature à induire en erreur sur les qualités substantielles du produit. Pour se défendre, cette femme d'affaires tente de faire valoir sa bonne foi. Elle explique notamment que la formulation ' goûte ', suivie d'une indication d'âges, fait référence à une propriété gustative, et non à une durée de vieillissement... Elle argumente que les années de production des eaux-de-vie sont indiquées directement sur les fûts et que c'est sur cette base que le maître de chai procède aux assemblages...
Les juges ne vont pas la suivre. Ils rappellent le principe réglementaire, à savoir : ' L'étiquetage, la présentation ou la publicité de boissons spiritueuses ne peuvent indiquer une durée de vieillissement qu'à la condition que le produit ait vieilli sous contrôle fiscal '. Or, en l'espèce, pour le cognac, il n'existe pas de vieillissement sous contrôle pour les eaux-de-vie ayant plus de neuf ans. Ils en concluent qu'il ' n'est donc pas possible d'indiquer des durées de vieillissement supérieures sur les étiquettes ' et autres publicités... Ils confirment la condamnation.

(1) N° 1 576/89 du 29 mai 1989 et son décret d'application national du 11 mars 1993, devenu art. L.214-1 du code de la consommation.
Référence : Cour de cassation, chambre criminelle du 6 septembre 2005, n° 04-86 919

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