A la demande de sa clientèle de restaurateurs, Jean-Daniel Debart a changé ses méthodes de vinification. Il produit des vins fruités et expressifs, à boire avec tout type de cuisine. Il gomme l'effet millésime pour qu'ils soient constants.
Jean-Daniel Debart croise les doigts et rêve de l'après-crise, bien qu'il continue d'engranger des résultats positifs. ' O n tient le coup, mais on reste prudent. ' En 1992, après un BTA et un BTS viti-oeno, il rejoint son père sur le domaine de 45 ha à Saint-Pey-de-Castets (Gironde). Ils quittent la cave coopérative du village, où ils livraient jusqu'alors la production.
Petit à petit, ils construisent un chai : d'abord six cuves sans toit, puis dix. Ensuite, ils construisent le toit. Ainsi de suite, ils achètent de nouvelles cuves jusqu'à 12 000 hl de cuverie. En 1997, Jean-Daniel s'installe en nom propre sur 12 ha de vigne. Là, il fait du vrac et ' du rendu- mise à un négociant ', sous le nom de Château Micaire. En même temps, il conserve la gérance du Château Cablanc, la propriété de son père. Fin 2006, les deux structures seront réunies au sein d'une SCEA. ' Quand j'ai commencé, j'étais tout fier d'élaborer un vin avec un goût de terroir assez marqué, un peu fort, puissant, avec des tanins bien présents ', se souvient Jean-Daniel Debart. Mais il réalise que ses clients n'apprécient pas forcément. Il sent ' l a nécessité de faire des vins abordables et faciles ' et ' pas des champions pour des dégustateurs internationaux '.
Pour s'adapter au marché, il évolue rapidement vers ' un vin fruité avec un nez très expressif, rond, souple, léger et pas tannique. Le vin doit être un passe-partout, digne de Bordeaux ', explique-t-il. Jean-Daniel Debart garantit à ses clients ' une constance dans la qualité. Chacun de mes vins a un goût que je dois retrouver tous les ans. Je dois gommer l'effet millésime. Je ne peux pas m'autoriser de pic qualitatif sous peine d'être sanctionné par le marché '.
Pour parvenir à cette régularité, il utilise la règle des 85/15, ' un outil indispensable '. Il accorde une grande attention à l'assemblage, surtout à celui de ses quatre cuvées principales : Murailles destinée à la grande distribution, Château Cablanc, léger et fruité, Rubis, boisé à 20 %, et Prestige, une sélection des meilleures cuves, élevée à 100 % en barriques pendant un an. Il joue également avec la vente en vrac pour alimenter sa trésorerie.
Jean-Daniel Debart définit les dates de vendange en fonction d'objectifs idéaux. A la récolte, il vise 12° naturels, un pH de 3,5, une acidité totale de 4,5 et une teneur en anthocyanes supérieure à 1 000 mg/l. Au chai, il pratique des extractions douces et des macérations courtes. Il levure avec des levures de base. Il enzyme systématiquement, là aussi avec des enzymes de base. Pour la cuvée Prestige, il en emploie une plus haut de gamme, Vinoflow, qui donne du gras au vin et l'arrondit.
Pour tenir ses objectifs de qualité, il est prêt à des sacrifices. ' Même durant les années folles, on n'a pas vendu n'importe quoi en bouteilles sous prétexte qu'il y avait des clients en face ', dit-il.
Il n'a pas fait de cuvée Prestige en 1994, ni en 1997, ni en 1999. En 1997, il ne produit ni Prestige, ni Rubis, ni Cablanc, car la qualité n'est pas suffisante. Il est vrai que cette année-là, les prix du vrac étaient très incitatifs, à 1 800 euros le tonneau de 900 l.
Il écoule 5 % de la production par des ventes directes aux particuliers. Elles ' valorisent à la fois l'image du domaine et le prix des bouteilles. Mais si on compte le temps passé, rien ne vaut une vente en gros, par palettes ou par dizaines de palettes à un grossiste, même à 1,90 euros HT le col '. Il vend 40 % de sa production à la restauration, via des grossistes, auxquels il propose des étiquettes personnalisées. Il est capable de préparer de grosses commandes dans des délais ultra-rapides, jusqu'à huit palettes pour le lendemain. Il a un stock permanent de 30 000 bouteilles tirées-bouchées, prêtes à être habillées, puis expédiées.
' Toutes les bouteilles qui sortent du domaine sont irréprochables, depuis le produit jusqu'à l'habillage. Nous éliminons les erreurs. ' C'est un argument de vente. ' Je pense que nos petits châteaux ont quelque chose à faire valoir par rapport aux négociants car, derrière l'étiquette, il y a un vigneron ', affirme-t-il. Il consacre lui-même la moitié de son temps à la commercialisation et la communication.
En 2002, il se lance dans l'oenotourisme et l'accueil à la propriété, sur rendez-vous. Il transforme une maison du XVIII e siècle en gîte Bacchus ' de charme et de caractère ', pour lequel il a raflé le Best of du club de tourisme vitivinicole de Bordeaux en 2004 et 2005. Il regrette que ' les agences de tourisme vitivinicoles ne s'intéressent qu'aux grands crus '. Mais cela ne l'arrête pas. Tous les ans, il suit une semaine de formation d'anglais et il a totalement adapté son circuit de visite aux enfants. ' Il est impératif de développer des activités pour les familles ', conclut-il.