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Central Otago : tout un monde de finesse

La vigne - n°178 - juillet 2006 - page 0

En Central Otago (Nouvelle-Zélande), les paysages sont spectaculaires et les vignerons originaux. Ils obtiennent des pinots noirs d'une rare finesse. Ce cépage a trouvé, à l'autre bout du monde, une nouvelle terre d'élection.

Phil Parker est directeur et propriétaire du restaurant The Big Picture à Cromwell, à 45° de latitude sud, l'équivalent climatique de la Bourgogne, l'Alsace et la Champagne. Il est installé dans le Central Otago, la région viticole la plus australe du monde. Phil Parker invite ses hôtes à survoler virtuellement le vignoble en hélicoptère. Ils s'installent et la projection commence. Sans quitter leur siège, ils découvrent les domaines et leurs propriétaires, les uns après les autres. A chaque arrêt, Phil Parker leur fait déguster les vins de la cave qu'ils voient.
Son restaurant sert une cuisine méditerranéenne. Il offre un large choix de vins de la région, surtout en provenance des boutiques-wineries. Ce sont des domaines haut de gamme, de taille petite à moyenne. Ils combinent des procédés modernes (macération à froid, macération carbonique...), et des techniques plus traditionnelles ou reposant sur des principes philosophiques (bio, fermentation spontanée, refus de la filtration...).

Autre domaine original, Felton Road, à Bannockburn, diffuse du Strawinsky et du Wagner dans le chai pendant la fermentation. Ensuite, il programme Mozart, ' pour aider les vins à s'élever ', dit Nigel Greening, le propriétaire qui pratique la biodynamie. En revanche, il n'hésite pas à boucher les bouteilles, même les meilleures, avec des capsules à vis Stelvin.
Nigel Greening explique l'atout le plus important de sa région, ' ce sont des automnes secs '. ' Il y a peu de danger de pourriture. On n'est pas pressé pendant les vendanges. Les raisins arrivent sains à bonne maturité ', ajoute Gareth F. King, responsable du vignoble de Felton Road, qui couvre 33 ha dont 70 % de pinot noir. Pendant la période de maturation, il fait entre 18 et 20°C le jour. La nuit, les températures chutent de 4 à 10°C, ce qui est bon pour les arômes des vins. Mais au printemps, il y a un risque de gel tardif. Les viticulteurs s'en prémunissent à l'aide d'éoliennes qui ramènent, au niveau du sol, l'air un peu plus chaud situé à quelques mètres d'altitude.
Rippon Vineyard, à Wanaka, est un autre domaine bien connu du Central Otago, qui pratique également la biodynamie. Son pittoresque vignoble de 15 ha, au bord du lac Wanaka, est le plus photographié du pays. La moitié de la surface est plantée de pinots noirs. Nick Mills, le fils du fondateur, a étudié à Beaune, puis travaillé en Bourgogne et en Alsace. Ses pinot noirs coûtent entre 37 et 50 NZD/col (18 à 25 euros) au détail sur place.
Rippon Vineyard et Felton Road font de la biodynamie sans en faire de publicité. ' Pour la vente, c'est la qualité qui compte '. Mais grâce au climat, cela est plus facile et moins risqué qu'ailleurs. Central Otago est situé à l'est des Alpes néo-zélandaises, qui barrent l'île du sud dans toute sa longueur. Ses montagnes dépassent 3 700 m d'altitude. Elles arrêtent les pluies de l'ouest : il pleut seulement de 350 à 600 mm/an. Pour y pallier, les vignes sont irriguées au goutte-à-goutte. Et pendant la maturation, elles sont protégées par des filets. En Nouvelle-Zélande, ce sont les oiseaux qui provoquent les plus grandes pertes de raisins.

Ces conditions sont propices à la production de vins structurés et équilibrés. Elles permettent au pinot noir d'exprimer toute sa finesse, au point de donner des vins que beaucoup comparent aux meilleurs bourgognes. Il faut dire que les vignerons ont avant tout planté des clones bourguignons, dont le fameux gumboot-clone. Il tient son nom à son histoire : il aurait été introduit illégalement par un vigneron, qui avait caché des bois dans ses bottes de caoutchouc !
Le grand défi pour les domaines néo-zélandais, c'est la commercialisation. ' Le temps des pionniers est déjà passé. Les nouveaux arrivants doivent faire beaucoup plus d'efforts que nous ', constatent ceux qui sont installés depuis quelques années.
Nigel Greening parle de hard work (dur travail) quant à l'entretien des relations commerciales. Il passe énormément de temps à voyager dans le monde entier. Felton Road, son domaine, vend 70 % de sa production dans trente pays, au premier rang desquels se situent la Grande-Bretagne, l'Australie et les Etats-Unis. Ses pinots noirs coûtent entre 25 et 40 euros/col au détail en Europe. L'exportation est vitale pour toute la viticulture néo-zélandaise. Les quatre millions de citoyens du pays n'offrent pas un débouché suffisant pour écouler les vins sur place.

Mais rien n'arrête les ambitieux. Dans le Central Otago, on voit beaucoup de jeunes plantations sur d'anciennes prairies à moutons. Les viticulteurs peuvent planter où bon leur semble, autant qu'ils veulent, quel que soit le cépage. D'ailleurs, le vignoble néo-zélandais a plus que triplé pendant la dernière décennie, pour arriver à 22 000 ha aujourd'hui. Durant la même période, le pinot noir est passé de moins de 500 ha à plus de 4 000 ha.
Certains craignent que la Nouvelle-Zélande soit rattrapée par les difficultés du marché mondial. D'autres sont optimistes. ' Les années à venir seront intéressantes ', promettent les viticulteurs d'expérience.

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