LA QUASI-TOTALITÉ des tonneaux utilisés sur les domaines de PegasusBay, Mountford Estate et Muddy Waters/Greystone sont d'origine française.
KATHRYN RYAN (CI-DESSUS) et son mari ont repris Mountford Estate en 2006. Cette « boutique winery » vise avant tout les grands restaurants et les cavistes réputés
Située à une cinquantaine de kilomètres au nord de Christchurch, la Waipara Valley se distingue des autres régions viticoles néozélandaises. Le vignoble n'y est pas morcelé, mais concentré sur une aire homogène. « Les sols sont souvent calcaires, ce qui est peu courant dans le pays », précise Sylvain Taupenas, œnologue chez Muddy Waters, un domaine de 13 ha fondé en 1993. Certifié bio depuis 2010, il a été racheté en 2011 par Greystone, autre domaine de l'appellation créé en 2004 qui s'étend sur 40 ha.
« Les propriétaires ont choisi la région pour son microclimat car les collines bloquent les vents froids du large et les températures sont plus élevées qu'aux alentours », ajoute Sylvain Taupenas. « Nous avons beau être à une latitude comparable au sud de la France, le climat est plutôt bourguignon », détaille Lynette Hudson, œnologue de Pegasus Bay, un domaine de 40 ha fondé en 1986.
Le pinot noir y est le cépage le plus planté devant le riesling, qui occupait la tête jusqu'en 2009. Les autres cépages sont le chardonnay, le sauvignon, le sémillon, le pinot gris, le merlot et le cabernet sauvignon.
Des affaires familiales
Au total, le vignoble couvre près de 1 200 ha divisés entre quatre-vingts propriétés qui cultivent de la vigne et dont vingt-sept ont une activité de vinification. De plus, vingt-sept wineries (vinificateurs acheteurs de vendanges) y sont installées, dont certaines vinifient à façon pour ceux qui n'ont pas de chai.
« Hormis cinq ou six, ce sont des affaires familiales de taille modeste, ce qui est plutôt rare en Nouvelle-Zélande. La majorité a vu le jour entre 2002 et 2008 », révèle Angela Clifford, de Waipara Valley NZ, un organisme créé en 2011 pour promouvoir les vins de la région dans le pays et à l'étranger. Car, après avoir souffert de la crise financière L'étoile montante de 2008, les wineries locales ont subi de plein fouet le tremblement de terre de Christchurch en 2011. « L'appellation y vendait la moitié de sa production », souligne Angela Clifford.
« Nous avons perdu cinquante comptes clients, renchérit Lynette Hudson. Depuis, les gens se sont remis à boire, mais des vins moins chers et il y a une concurrence accrue des marques à bas prix. » Un problème pour les producteurs de Waipara qui misent sur la qualité et vendent à des prix élevés. De 10 à 50 euros la bouteille pour Pegasus Bay et Muddy Waters/Greystone, jusqu'à 95 euros pour le meilleur pinot noir de Mountford Estate, une « boutique winery », reprise en 2006 par Kathryn Ryan, qui vise avant tout les grands restaurants et les cavistes réputés. En plus de subir une rude concurrence, les producteurs sont confrontés à un climat très aléatoire. « Le temps est souvent froid et humide durant la floraison. Certaines années, nous avons de très faibles rendements. Alors qu'en temps normal nous produisons 50 q/ha de pinot noir et 62 q/ha de riesling et de chardonnay, nous n'avons récolté que 12 q/ha en 2005 et 2007 », souligne Lynette Hudson. Deux années de très forte coulure.
Autre illustration, Waipara a récolté 6 700 tonnes de raisins en 2012, contre 9 200 en 2011 et a ainsi perdu la place de quatrième région productrice du pays qu'elle avait ravie à Otago. De ce fait, parmi les quatre-vingts propriétés, il n'y a qu'une dizaine de purs apporteurs de raisins, car ces fluctuations de rendement rendent cette activité peu rentable et risquée. D'autant que ces dernières années, les prix étaient faibles. « En 2011, on trouvait du pinot noir à 965 euros la tonne et du sauvignon à 515 euros, affirme Lynette Hudson, dont le domaine achète du raisin pour ses seconds vins vendus sous la marque Main Divide. Mais nous payons le pinot noir 1 545 euros la tonne, sous contrat. »
Le gel et la grêle : deux fléaux
La grêle et le gel sont deux autres calamités fréquentes. Pour lutter contre le gel, de nombreux domaines disposent d'éoliennes ou d'asperseurs d'eau. À Mountford Estate, on fait circuler dans les rangs le Frosbuster, une machine qui brûle du gaz propane liquide pour projeter de l'air chaud sous les ceps.
Oïdium, mildiou et botrytis sont aisément maîtrisés. Mais les vignerons ont un autre gros problème : les oiseaux. À partir de la véraison, ils doivent couvrir les vignes de filets protecteurs. « Sans cela, entre les raisins mangés et ceux qui pourrissent après avoir été endommagés, on peut aisément perdre une récolte », assure Sylvain Taupenas. Les oiseaux sont tellement voraces que les domaines utilisent des filets couvrant trois ou quatre rangs pour limiter les dégâts qu'ils parviennent à faire en picorant à travers les mailles. Qualité oblige, les trois domaines vendangent manuellement et passent les rouges sur table de tri. Ils vinifient tous leurs vins en cuves thermorégulées. Tous les rouges sont ensuite vieillis en fûts de chêne français, les blancs en partie seulement. Un sacré investissement si l'on songe que Pegasus Bay en possède un millier.
Fait notable en Nouvelle- Zélande : Mountford Estate ne bouche pas tous ses vins avec des capsules à vis. Le domaine utilise également des bouchons en liège qui viennent de France « car c'est là que les Portugais exportent leur meilleur liège », justifie Kathryn Ryan, qui exporte 75 % de ses 60 000 bouteilles. De même, chez Muddy Waters/Greystone, l'exportation représente près de 70 % des ventes.
Très bonne réputation
Pegasus Bay mise moins sur l'export que ses deux confrères. Disposant d'un superbe restaurant, le domaine écoule 40 % de ses 400 000 bouteilles sur place et dans la région. 30 % supplémentaires sont vendus dans le pays par des distributeurs et l'export ne compte que pour 30 %. « Nous préférons rester concentrés sur la Nouvelle-Zélande parce qu'il n'y a pas de souci de taux de change et que le service est plus facile à assurer. De plus, nous y jouissons d'une très bonne réputation, comme tous les vins de Waipara. »