Les vignerons ont pris conscience de la nécessité de lutter contre les abus d'alcool, et de promouvoir une consommation modérée et conviviale. La création du Conseil de la modération et de la prévention permet le dialogue avec les pouvoirs publics.
Les choses semblent s'améliorer. Aujourd'hui, les pouvoirs publics et les vignerons peuvent dialoguer ensemble autour d'une table, au sein du Conseil de la modération et de la prévention. Ce dernier a mis deux ans avant d'être constitué. Mais cette année, il a commencé à travailler. Il a tenu sa réunion d'installation le 5 septembre dernier, en l'absence des associations de lutte antialcoolisme, qui refusent toujours d'y siéger. « Elles ne veulent pas s'associer avec le 'diable' », déplore Xavier Carreau, président de Vin & Société. « Pourtant, notre position n'est pas différente de la leur : nous sommes opposés aux consommations excessives », pose Jean-Charles Tastavy, président des Vignerons indépendants de l'Hérault.
La première réunion du conseil fut consacrée à la présentation de la campagne de publicité de l'Inpes, déconseillant aux femmes enceintes de boire de l'alcool. « Nous avons pu dire ce que nous en pensions mais, à ce stade, nous n'avons pas pu faire grand-chose », explique Marie-Christine Tarby, directrice des vins Henri-Maire et membre du conseil. Un mois plus tard, le décret obligeant les vignerons à apposer un message sanitaire sur les étiquettes de vin paraissait.
Si globalement, cette réglementation ne devrait pas affecter les ventes de la filière, elle risque néanmoins de nuire à l'image des vins. Pour les vignerons, c'est une stigmatisation inutile.
« Si le Conseil de la modération et de la prévention avait existé au moment des discussions sur la lutte contre le syndrome d'alcoolisation foetale, nous aurions pu faire valoir notre point de vue. Pour nous, il valait mieux que le message d'information destiné aux femmes enceintes passe par les médecins, plutôt que par le biais d'un logo sur les étiquettes de vin, ce qui est une réponse imparfaite », regrette Xavier Carreau.
Pour la filière, le conseil reste une belle avancée. Elle espère qu'il réussira à infléchir l'hostilité des pouvoirs publics à l'égard du vin. « Son président, Michel Rouger, souhaite réellement obtenir un dialogue et faire des compromis. Il est habitué à négocier », dit Marie-Christine Tarby.
« La France est le seul pays à avoir assimilé le vin à la drogue , déclare Jean-Charles Tastavy. Avec le Conseil de la modération, j'espère qu'elle va arrêter de diaboliser le vin . » La prochaine réunion du conseil sera consacrée à la définition de la notion de modération.
Mais les vignerons n'ont pas attendu le Conseil de la modération pour s'engager dans cette logique. « Je ne connais pas un producteur qui voit son vin comme un produit d'ivresse. Au contraire, ils souhaitent que leurs clients prennent du plaisir à déguster. Aujourd'hui, ils doivent l'exprimer clairement », expose Marie-Christine Tarby.
Mêmes échos du côté des Vignerons indépendants de France. Leur campagne de communication sur la consommation responsable, lancée au cours de l'année 2004, a rencontré un franc succès. Les producteurs ont redemandé des affiches et des dépliants. Les retours ont été largement positifs.
Autre démarche, celle de l'Interprofession des vins du Jura. Depuis trois ans, elle met en avant le Jurabag, une pochette en kraft proposée aux restaurateurs pour leurs clients qui ne peuvent pas finir leur bouteille achetée à table. Pour responsabiliser les consommateurs, elle a aussi édité une bande dessinée informative, au format d'un flyer avec, pour slogan : « Je consomme jurassien, je conduis citoyen . » De plus, l'interprofession a élaboré un Guide des sens présentant la dégustation des vins, tout en donnant des informations sur ses répercussions sur la santé.
« Nous devons rendre la consommation responsable 'tendance', mais sans en faire quelque chose de rébarbatif, et surtout sans couper l'envie de consommer du vin », prône Marie-Christine Tarby.
Reste que malgré tous leurs efforts, les vignerons ne se sentent toujours pas soutenus par les pouvoirs publics. Ils en ont assez de l'amalgame fait entre le vin et les autres alcools, notamment les prémix. Ils déplorent que Jacques Chirac préfère la bière au vin, et surtout qu'il ne défende pas une profession qui reste l'un des fleurons de la France.