Objectif Préserver un partenariat conclu de longue date
« Je travaille avec le même négociant depuis une vingtaine d'années , indique Patrice Turtaut. Je lui vends 80 % de ma production en vrac. Il l'embouteille sous le nom Vieux Château Renaissance dont je lui ai cédé l'exclusivité. » Installé à Saint-Sulpice-de-Pommiers (Gironde), ce vigneron exploite 26 ha, surtout en AOC Bordeaux rouge. Il produit 1 300 à 1 400 hl par an.
L'acheteur, Horeau-Beylot et Cie, commercialise son vin au Québec et aux Etats-Unis. « Au Québec, l'importation et la vente de boissons alcoolisées passent par un monopole d'Etat, la Société des alcools du Québec (SAQ) , poursuit Patrice Turtaut. Mon négociant a obtenu d'y être référencé il y a vingt ans. » En 2004 et en 2005, Patrice Turtaut s'est rendu sur place pour défendre son débouché. « Cela faisait plusieurs années que je souhaitais faire ce voyage. J'avais envie de découvrir les clients intéressés par mon vin. Lorsque mon acheteur m'a proposé d'y aller, j'ai tout de suite accepté. Nous voulons conserver notre position au Québec. » Le négociant a pris en charge une partie des frais de déplacement.
En 2004, il a rencontré des agents de la SAQ avec le représentant québécois de Horeau-Beylot et Cie. « Je suis resté huit jours. Ma démarche a été appréciée par ses commerciaux. Ils ont vu mon intérêt et ma motivation pour leur marché. Cela a renforcé les liens établis. »
En 2005, Patrice Turtaut a participé au Salon des vins de Montréal, coiffé d'un béret et habillé d'un tablier de cave aux couleurs de Bordeaux. Là, il a rencontré le grand public. « Le fait de mettre le visage du vigneron sur la bouteille rassure les consommateurs . Il se crée un lien de proximité qui a un impact favorable sur les ventes. Mon bordeaux est apprécié pour sa régularité d'une année sur l'autre. Il est souple, fruité, mais avec de la charpente, c'est tendance au Québec. »
Ces attributs doivent beaucoup à la forte proportion de merlot dans l'encépagement de l'exploitation. Mais ils sont aussi le fruit d'une amélioration de la conduite du vignoble. Patrice Turtaut a toujours cherché à progresser. Il a travaillé pour adapter son vin au goût des Québécois. Il a relevé la hauteur de palissage. Il vendange en vert, si nécessaire. Il récolte à maturité optimale. Il a acheté une unité de thermovinification. Peu à peu, il a obtenu « des vins plus fruités et plus concentrés. »
Grâce à ces efforts, la notoriété du Vieux Château Renaissance est bien établie. Vendu 12 à 13 $ au consommateur (8,50 à 9 euros), il a acquis la réputation d'un bordeaux de bon rapport qualité/prix au Québec.
A Bordeaux, Patrice Turtaut a instauré une relation de confiance avec son acheteur. « Au début, il venait voir l'état du vignoble et du chai. Un oenologue passait régulièrement durant les vinifications. Peu à peu, les visites se sont espacées. » Désormais, l'essentiel des échanges a lieu lors des dégustations qui précèdent les achats. Patrice Turtaut tient à y participer « pour connaître l'appréciation du négociant. C'est un moyen de progresser ».
Les transactions se concluent à un prix nettement supérieur au cours moyen de l'AOC Bordeaux. En 2005-2006, l'AOC Bordeaux générique se vendait 750 à 850 euros le tonneau de 900 l. Patrice Turtaut a obtenu 1 145 euros. Mais en 2004-2005, il avait perçu 1 200 euros. Il a dû accepter une baisse de prix, conséquence de la crise. En 2005, la SAQ a profité de l'effondrement du cours du bordeaux pour demander à ses fournisseurs de faire un effort tarifaire.
Cependant, depuis son dernier déplacement au Québec, les ventes de son vin ont progressé d'environ 30 %. Du coup, son acheteur lui a demandé d'augmenter sa production.