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événement

Nouvelle manifestation des vignerons du Midi

Frédérique Ehrhard - La vigne - n°215 - décembre 2009 - page 10

Le 25 novembre, 6 000 vignerons ont manifesté leur colère à Montpellier à l'appel du syndicat des vignerons du Midi. La crise dure depuis cinq ans. Beaucoup ne gagnent plus leur vie.
DE TRÈS NOMBREUX ELUS LOCAUX ont apporté leur soutien aux manifestants. Ils constatent que leurs villages ou leurs cantons s'appauvrissent du fait de la crise viticole. © P. PARROT

DE TRÈS NOMBREUX ELUS LOCAUX ont apporté leur soutien aux manifestants. Ils constatent que leurs villages ou leurs cantons s'appauvrissent du fait de la crise viticole. © P. PARROT

PÉTARDS. En fin de manifestation, des jeunes ont manié des cannes à pétards. Puis dans la soirée, quelques heurts ont opposé manifestants et forces de l'ordre. Trois vignerons ont été interpellés, puis relâchés. © P. PARROT

PÉTARDS. En fin de manifestation, des jeunes ont manié des cannes à pétards. Puis dans la soirée, quelques heurts ont opposé manifestants et forces de l'ordre. Trois vignerons ont été interpellés, puis relâchés. © P. PARROT

Ce 25 novembre à 15 heures, à Montpellier, l'esplanade du Peyrou se remplit doucement. Les vignerons vont-ils se mobiliser à l'appel du Syndicat des vignerons du Midi ? Ou vont-ils rester chez eux, résignés ? Une heure plus tard, Philippe Vergnes, le président du syndicat, prend la parole.

Entre-temps, l'assemblée s'est faite dense, attentive. Deux pancartes portées par des manifestants résument la situation. « La viticulture ne nourrit plus nos gamins », peut-on lire sur la première, et sur la deuxième, « Nous voulons vivre de notre métier ».

« Nous avons besoin d'une année blanche bancaire »

A la tribune, Philippe Vergnes détaille ses revendications. « Les aides annoncées par le gouvernement ne sont pas adaptées à notre situation. La crise dure depuis cinq ans. Les vignerons doivent de l'argent partout. Nous avons besoin d'une véritable année blanche bancaire, et non d'un nouvel empilement de prêts, ainsi que d'une exonération complète de la TFNB (Taxe sur le foncier non bâti). »

Il rappelle que l'attribution de DPU permettrait de soutenir les vignerons et de rétablir l'équité avec les autres filières. « Le gouvernement n'a pas eu le courage de l'imposer. Nous ne pouvons pas attendre 2013 pour en rediscuter », affirme l'orateur. Il propose que des aides à l'hectare soient mises en place de 2010 à 2013 avec un cofinancement des collectivités locales, de l'Etat et de l'Union européenne. L'enjeu est économique et environnemental. Si l'arrachage se poursuit, les friches et les incendies vont se multiplier. « J'ai rencontré ce matin Georges Frêche, le président du conseil régional, qui m'a donné son accord pour le Languedoc-Roussillon », clame-t-il.

Le fond du problème, ce sont les cours qui ne remontent pas, malgré une deuxième petite récolte. « Sur 2008-2009, les prix des vins de pays ont progressé de 14 % en rayon, alors qu'ils ont reculé de 9 % à la production. Certains se gavent pendant que d'autres meurent ! » dénonce-t-il.

Pour mieux répartir les marges, il réclame des accords entre la production, le négoce et la distribution. « Il suffirait de 0,15 €/col de plus pour redonner espoir aux vignerons. Sinon les huissiers vont continuer à sillonner le vignoble. »

Vers 16 h 30, le cortège démarre pour porter une motion jusqu'à la préfecture. Il y a du monde. Beaucoup de monde. Au moins 6 000 personnes remplissent le boulevard qui ceinture le centre-ville. Les vignerons viennent du Roussillon, du Languedoc et de la vallée du Rhône, quelques-uns du Beaujolais et de la Bourgogne. A leurs côtés marchent des élus et des salariés qui sentent bien que toute la filière est menacée.

« Je vais essayer de tenir encore un peu »

« Nous ne savons pas comment nous allons payer les annuités et la MSA », nous expliquent trois coopérateurs de l'Aude pendant qu'ils défilent. Sur leur commune, ils étaient encore dix l'an dernier. Depuis, deux jeunes ont dû arrêter.

« Je cultive 25 ha avec ma femme. Nous arrivons à nous en sortir en travaillant à l'extérieur. Notre récolte 2009 a diminué de 20 %. Les acomptes vont aussi baisser si les cours ne remontent pas. En 2010, je me demande comment nous allons faire », explique l'un d'eux. Il voudrait arracher quelques hectares, pour réduire la voilure et refaire de la trésorerie grâce aux primes. Mais seuls les dossiers d'arrachage total ont une chance d'être acceptés. Alors, « je vais essayer de tenir encore un peu », affirme-t-il.

Tenir, c'est aussi l'objectif de Sandrine Bonnet, installée dans l'Hérault. En 1999, elle quitte son emploi. Elle reprend les vignes de ses parents avec son mari, qui vient d'être licencié. « Nous avons porté peu à peu la surface à 22 ha. Mais nous nous en sortons moins bien aujourd'hui qu'avec 11 ha il y a dix ans », constate-t-elle.

Sa coopérative a su s'équiper pour répondre à la demande des acheteurs. « Nous n'avons pas de soucis pour vendre. Mais nous subissons quand même chaque année une baisse des prix », souligne-t-elle. Elle ne regrette pas son choix pour autant. « Viticultrice, c'est un beau métier. Mais il faudrait pouvoir en vivre ! Nous avons épuisé nos réserves. Je me demande comment nous allons nous en sortir avec cette petite récolte. »

Des projets malgré tout

A côté d'elle, Odette Brusset a dû se résoudre à s'arrêter avant la retraite. Avec son mari, elle cultivait 21 ha en coopérative dans le Vaucluse, en appellation Côtes-du-Rhône. Après six ans d'attente, ils viennent de trouver un investisseur qui avait de l'argent à placer. « C'est très dur de vendre un domaine constitué au fil des générations. Mais nous n'arrivions plus à payer les factures ni à renouveler le matériel. Nous nous enlisions chaque année un peu plus », souligne Odette Brusset, qui est venue manifester par solidarité avec ceux qui se battent pour continuer.

Marc Castan est de ce nombre. Il s'est installé dans l'Aude en 2003, juste avant la crise. Depuis, il n'a pas réussi à se payer. Il a dû demander le RSA (Revenu de solidarité active). « J'ai cherché des solutions, j'ai suivi une formation pour me reconvertir dans d'autres cultures. Mais j'ai décidé de continuer dans ce que j'aime, la vigne et le vin », raconte-t-il.

En 2008, il décide d'aller au bout de ses convictions en passant en bio. « J'ai réduit ma surface de 22 ha à 10 ha, pour pouvoir tout réaliser seul. J'ai quitté ma coopérative pour créer ma cave. J'espère m'en sortir enfin, même si je m'attends à une année 2010 très difficile », affirme-t-il.

Même détermination chez Joël Guieysse, un jeune coopérateur de l'Hérault. Il couvre encore ses frais, mais il doit travailler à l'extérieur pour compléter son revenu.

Installé depuis douze ans, il cultive 20 ha de vignes avec sa femme. Un quart est déjà irrigué au goutte-à-goutte. Décidé à continuer, il se demande comment adapter son vignoble pour dégager un meilleur revenu. « Est-ce que nous devons changer de cépages ? Tout irriguer ? Augmenter les rendements après les avoir réduits ? Adopter la taille rase de précision ? Cette nouvelle technique permettrait de diminuer les coûts, mais nous n'avons pas assez de recul pour l'évaluer. Et surtout, nous manquons de perspectives claires sur ce que demanderont les acheteurs dans les années à venir. »

Les revendications portées en préfecture

Des aides à l'hectare (DPU).

Un accord entre la production, le négoce et la distribution sur les marges et les pratiques commerciales.

Des mécanismes de régulation des marchés.

Une véritable année blanche bancaire.

Le dégrèvement total de la TFNB 2009.

Un allègement conséquent des charges sociales et la suppression de l'assiette minimale des cotisations Amexa.

L'harmonisation des conditions d'utilisation des produits phytosanitaires au sein de l'Union européenne.

La préretraite à 18 000 €/an, le doublement des aides à l'installation et l'élargissement de la zone ICHN.

L'unité au-delà des DPU

PHILIPPE VERGNES, président du Syndicat des vignerons du Midi, organisateur de la manifestation fut le seul orateur. « Nous ne pouvons pas attendre 2013 pour rediscuter des DPU », a-t-il proclamé. © P. PARROT

PHILIPPE VERGNES, président du Syndicat des vignerons du Midi, organisateur de la manifestation fut le seul orateur. « Nous ne pouvons pas attendre 2013 pour rediscuter des DPU », a-t-il proclamé. © P. PARROT

Le Syndicat des vignerons du Midi continue à demander des aides à l'hectare (DPU), une mesure rejetée par les organisations viticoles nationales et par le conseil spécialisé des vins de FranceAgriMer. L'attribution de telles aides est prévue par l'OCM vin. Mais les organisations nationales ont préféré utiliser les fonds de cette OCM (227 M€ pour 2010) pour financer d'autres mesures comme la restructuration du vignoble, la promotion dans les pays tiers ou l'investissement dans les chais. Malgré cette ligne de fracture, l'AGPV, la FRSEA et les Jeunes agriculteurs du Languedoc-Roussillon ont appelé à manifester le 25 novembre, de même que la Confédération paysanne, le Modef et la Coordination rurale. Tous sont conscients que la filière méridionale s'affaiblit un peu plus chaque année, et l'heure n'est plus aux divisions syndicales.

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REPÈRE

La filière s'affaiblit

Entre 2000 et 2007, la surface des vignes en production dans le Languedoc-Roussillon a reculé de 293 283 ha à 263 191 ha. Dans le même temps, la récolte a chuté de 19,9 millions d'hl à 14,4 millions d'hl. Le nombre d'exploitations viticoles a diminué de 30 %, passant de 31 113 à 22 041. Les années de crise se succédant, le recul s'est accéléré. Rien qu'entre 2005 et 2007, 3 400 exploitations ont disparu et 2 600 emplois ont été détruits.

REPÈRE

Remuant

Le Syndicat des vignerons du Midi revendique 6 000 adhérents, principalement dans le Languedoc-Roussillon. Mais il compte aussi des membres dans les Côtes-du-Rhône et dans le Sud-Ouest. Ce syndicat a pris son essor lorsque les fédérations des caves coopératives ont décidé de ne plus représenter les vignerons. La manifestation du 25 novembre est la troisième qu'il organise, après les deux de juin 2008, pour protester contre la chute des revenus.

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