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DOSSIER - Phytos : Que valent les nouveaux produits

Antioïdiums : L'arrivée des « vingt et un jours »

La vigne - n°218 - mars 2010 - page 34

DuPont et DowAgrosciences ont lancé des produits pouvant tenir vingt et un jours si les parcelles sont saines lors du traitement.
 © P. ROY

© P. ROY

TALENDO : Utile en fin de saison

Fin 2009, DuPont a lancé un antioïdium à base de 200 g/l de proquinazid, sous trois noms différents : Talendo, Talius et Késys. Le proquinazid appartient à une nouvelle famille : les quinazolinones. Mais au niveau des résistances, il se gère avec le quinoxyfen.

Le produit est préventif. Il peut s'appliquer dès la fin de la floraison. Selon DuPont, il assure un très haut niveau d'efficacité sur grappe et bénéficie d'une persistance d'action pouvant aller jusqu'à trois semaines. Lorsque la firme a fait la demande d'homologation, elle a indiqué un délai de renouvellement de quatorze jours. « Puis nous nous sommes rendu compte que dans les situations saines, nous pouvions aller jusqu'à vingt et un jours. Nous avons donc demandé un changement d'étiquette en avril 2009 et avons reçu la notification en janvier 2010. Le délai de renouvellement de vingt et un jours sera pour les situations classiques. Dans les parcelles à drapeaux ou à fort historique oïdium, il faudra rester à quatorze jours », précise Amandine Picard, chef de marché fongicides cultures spéciales chez DuPont.

Pour beaucoup de techniciens et de distributeurs, ce produit est intéressant. « Il pourra apporter un gain de rémanence pour le dernier traitement à la fermeture de la grappe », pense Pierre Petitot, de la chambre d'agriculture de Côte-d'Or. Mais ce ne sera pas le cas dans toutes les situations. « Talendo ne tiendra vingt et un jours que dans les parcelles saines, c'est-à-dire celles où la pression oïdium est faible, naturellement ou parce que les viticulteurs ont bien maîtrisé les traitements préalables », détaille Bernard Molot, de l'IFV Rhône-Méditerranée.

« Observez les parcelles et restez vigilants »

Michaël Séguier, technicien de la coopérative agricole Cooptain à Tain-L'Hermitage (Drôme) met aussi en garde : « Talendo tient bien ses promesses quand l'oïdium est sous contrôle. Mais c'est un produit préventif qui arrive en fin de programme. La consigne est donc de rester vigilant et d'observer les parcelles. En cas de forte présence d'oïdium sur grappe à la nouaison, nous conseillerons, soit d'associer Talendo à un produit stoppant, soit d'appliquer d'abord un produit stoppant comme Karathane 3 D et de revenir une semaine après avec Talendo. » De son côté, Tristan des Ordons, des établissements Touzan, en Gironde, ne l'a pas référencé. « Au départ, le message sur la cadence n'était pas clair. En plus, nous ne lui avons pas trouvé un intérêt suffisant pour l'intégrer dans nos programmes, eu égard à sa ZNT qui est de 20 m. Il n'est pas évident d'accompagner les viticulteurs sans risquer de traiter des parcelles trop proches des cours d'eau. En plus, Talendo a une phrase de risque R40. En mélange, il ne peut être associé qu'à un antimildiou qui n'est pas R40. A ce jour, nous n'avons pas de produit intéressant à associer », justifie-t-il.

TSAR/TRANKILO : Bons retours

L'an dernier, Dow Agrosciences a démarré la vente de Tsar/Trankilo, annonçant une rémanence d'au moins quatorze jours pouvant grimper jusqu'à vingt et un jours s'il n'y a pas d'oïdium visible à l'œil, au moment du traitement et si l'on n'a pas affaire à un cépage très sensible. Ce produit a été utilisé sur 2 000 ha, avec succès semble-t-il.

Charles Crosnier, de PCEB (société des Produits chimiques et engrais de Bram) à Carcassonne, fait partie des distributeurs qui l'ont eu en main. « Nous l'avons préconisé en fin de saison, car à cette période, les viticulteurs ont tendance à allonger les cadences. Dans les situations bien maîtrisées (sans traces d'oïdium au moment du traitement), il a effectivement tenu vingt et un jours. »

« Nous avons distingué deux situations »

Denis Vieu, responsable du pôle vigne chez Arterris dans l'Aude, est également satisfait : « Nous avons conseillé un traitement entre fin nouaison et fermeture de la grappe. Nous avons distingué deux situations : soit en début de curatif pour nettoyer un début d'attaque d'oïdium, avec une rémanence de quatorze jours, soit sur vigne saine, avec une rémanence de vingt et un jours. Dans les programmes raisonnés et de qualité, il a bien tenu. Nous continuerons à le commercialiser de la même manière. »

Le produit associe quinoxyfen (45 g/l) et myclobutanil (45 g/l). « Le côté curatif du myclobutanil et l'excellente préventivité du quinoxyfen répondent à la demande du terrain », commente Charles Crosnier. Bernard Molot, de l'IFV pôle Rhône Méditerranée, partage cette analyse. Selon lui, l'association sécurise l'emploi du quinoxyfen, qui est un strict préventif. « Elle stabilise son efficacité si les traitements antérieurs ont laissé un fond d'oïdium dans la parcelle. Mais pour ce qui est de la cadence, je laisse à la firme la responsabilité de préconiser vingt et un jours ».

Au niveau de la gestion des résistances, Tsar/Trankilo appartient à la fois aux IBS et aux quinoléines. On grille donc deux cartouches à la fois. Mais il reste efficace en situation de résistance. Ce fongicide s'applique à partir du début de la floraison, une seule fois par saison. « Les autorités françaises ont imposé cette restriction par prudence, parce que le myclobutanil n'est pas encore réhomologué au niveau européen. Cette restriction devrait être levée dès qu'il le sera », explique Alain Pescay, chef marché vigne chez Dow Agrosciences.

Nativo, l'artillerie lourde

Cet antioïdium de Bayer CropScience associe la trifloxystrobine, qui a une action préventive et antisporulante, et le tébuconazole qui a des propriétés curatives sur mycélium. Selon la firme, il tient quatorze jours quels que soient les risques. Pour Bernard Molot, de l'IFV pôle Rhône-Méditerranée, « il présente un haut niveau d'efficacité. Les viticulteurs peuvent l'appliquer à n'importe quel moment ». Mais selon Bayer, l'idéal est de le positionner au stade boutons floraux séparés, là où l'oïdium est présent mais pas forcément visible. Ce produit appartient à la fois à la famille des QoI et à celle des IBS. Pour la gestion des résistances « On grille deux cartouches en même temps », prévient Bernard Molot.

Autres nouveautés

Mayandra : 200 g/l de tébuconazole (matière active du Corail). Homologué contre l'oïdium et le rougeot parasitaire à la dose de 0,5 l/ha et contre le black-rot à 0,4 l/ha. Produit de Makhteshim Agan France.

Prix : non communiqué.

Topenco EC : 100 g/l de penconazole (matière active du Topaze). Homologué à la dose de 0,25 l/ha sur l'oïdium. Produit de Belchim Crop Protection. Prix : non communiqué.

Azupec WG : soufre mouillable en microgranulés dispersibles. Grain d'Or : un soufre poudre.

Douro : un systémique à base de penconazole. C'est l'offre de Sapec Agro France, une société nouvellement présente sur le marché vigne.

Karathane 3 D, digne successeur du Karathane

L'an passé, pour pallier l'interdiction du dinocap (Karathane), Dow Agrosciences a lancé Karathane 3 D. Ce produit également vendu sous le nom d'Inox contient 350 g/l de meptyldinocap, l'isomère du dinocap. Il est préventif, curatif et éradiquant. Lors de la campagne 2009, il a été appliqué sur plus de 100 000 ha. Comment s'est-il comporté ? « D'après les remontées de terrain que nous avons eues, il aurait un pouvoir stoppant moindre que l'ancien dinocap », avance Bernard Molot de l'IFV pôle Rhône Méditerranée.

De son côté, Alain Pescay de Dow Agrosciences affirme « que dans tous les essais menés en Europe, dans le cadre du dossier d'autorisation de mise en marché, nous n'avons vu aucune différence statistique entre les deux produits. Nous avons interrogé tous les distributeurs qui ont commercialisé du Karathane 3 D/Inox. Plus de 90 % ont été satisfaits. » Michaël Séguier, technicien à la coopérative agricole Cooptain, à Tain-l'Hermitage (Drôme), l'a préconisé en 2009. « J'ai quelques clients qui ont eu des attaques déclarées d'oïdium vers les stades nouaison et baies à taille de pois. Ils ont alors introduit Karathane 3 D dans leur programme en substitution du traitement initialement prévu. Karathane 3 D a bien bloqué les taches d'oïdium sur feuilles et le champignon ne s'est pas développé sur grappe. Les viticulteurs ont pu poursuivre leur programme normalement et ont eu une récolte satisfaisante. » Charles Crosnier de PCEB l'a également conseillé en rattrapage. Lui aussi est satisfait des résultats. Il souligne « qu'à pleine dose (0,6 l/ha), il n'y a pas de différence d'efficacité entre l'ancien et le nouveau Karathane. En revanche, en réduction de dose, là où l'on mettait 0,3 l d'ancien Karathane, il faut mettre 0,35 ou 0,4 l du nouveau pour obtenir le même résultat ».

Le Point de vue de

Jean-Jacques Balikian, conseiller viticole à l'association des vignerons de la Sainte-Victoire.

« Talendo permet d'économiser un traitement »

 © J.-C. GRELIER

© J.-C. GRELIER

« J'ai testé le proquinazid (Talendo, Talius, Késys) en 2009 sur deux parcelles de carignan, chez deux viticulteurs. L'objectif était de voir son comportement dans les conditions normales d'utilisation, avec tous les aléas que cela comporte (problème de réglage du pulvérisateur, présence de vent au moment du traitement...). Nous avons comparé un programme classique à un programme avec proquinazid. Dans le premier cas, les viticulteurs ont appliqué deux soufres mouillables, puis deux IBS en alternance avec deux Flint et ils ont fini par deux soufres poudre. Dans le programme proquinazid, le premier viticulteur a commencé par deux soufres mouillables, suivis de deux IBS. A partir de la nouaison, il a fait deux traitements avec du Talendo à vingt et un jours d'intervalle. Le deuxième viticulteur a fait la comparaison dans une parcelle où la pression est beaucoup plus importante et où il observe régulièrement de l'oïdium. Il a donc préféré intercaler un soufre poudre entre les deux Talendo. Dans les deux situations, Talendo s'est bien comporté.

Les programmes l'incluant ont eu une efficacité similaire au programme classique. Dans notre région, la pression oïdium est continue. Tout se joue entre la préfloraison et la fermeture de la grappe. En faisant un traitement avec un produit ayant un effet de rattrapage en préfloraison pour nettoyer la parcelle, suivi de deux Talendo, on couvre toute la période de forte sensibilité à la maladie.

La rémanence de vingt et un jours minimise le risque d'avoir un trou dans la protection. Pour moi, Talendo est vraiment intéressant en fin de saison. Il permet d'économiser un traitement. Mais il faut une qualité de pulvérisation optimale. »

Cet article fait partie du dossier Phytos : Que valent les nouveaux produits

Consultez les autres articles du dossier :

FICHE PRODUIT

Firme : Dupont.

Nom : Talendo/Talius/Késys.

Composition : 200 g/l de proquinazid.

Dose par hectare : 0,25 l.

Persistance d'action : jusqu'à 21 jours.

Période conseillée : dès la fin floraison.

Restriction d'utilisation : deux applications par saison pour les produits à base de proquinazid et de quinoxyfen.

Prix par hectare : 26 €.

FICHE PRODUIT

Firme : Dow Agrosciences.

Nom : Tsar/Trankilo.

Composition : 45 g/l. de myclobutanil + 45 g/l de quinoxyfen.

Dose par hectare : 1 l.

Persistance d'action : 14 à 21 jours.

Période conseillée : à partir du début floraison.

Restriction d'utilisation : un seul traitement par an.

Prix par hectare : 22 €.

L'essentiel de l'offre

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