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ACTUS - POUR OU CONTRE

Faut-il fixer des prix plancher ?

Propos recueillis par Aude Lutun - La vigne - n°220 - mai 2010 - page 24

L'idée est évoquée de plus en plus ouvertement, tellement les cours sont bas.

De nombreux cours étant inférieurs aux coûts de production, la fixation d'un prix plancher apparaît comme une planche de salut. Elle est évoquée de plus en plus ouvertement. Mais est-ce possible de fixer un prix ?

Un connaisseur de la filière résume la situation : « Il est inacceptable qu'un professionnel vende en dessous de son prix de revient. Mais tant que l'on ne pourra pas obliger un acheteur à acheter, l'instauration d'un prix plancher ne fonctionnera pas. » Certaines initiatives semblent néanmoins rencontrer le succès. C'est le cas pour l'AOC Bergerac. « Notre coût de revient se situe à 890 €/tonneau (900 l) de rouge, témoigne Paul-André Barriat, président de l'ODG Bergerac. Alors que le cours était de 650 €/tonneau en 2008, nous avons trouvé un accord avec le négoce pour le millésime 2009 à 800 €/tonneau et nous nous y tenons. Nous avons sensibilisé les courtiers à cet accord et informé fréquemment les vignerons sur le cours moyen réel pour éviter les rumeurs à la baisse. »

Pour qu'un prix plancher soit respecté, il faut donc un socle interprofessionnel fort, une confiance entre les acteurs, des courtiers impliqués et des vignerons informés. Et surtout, il faut une offre équilibrée face à la demande pour que la production dispose de leviers de négociation. Peu de régions remplissent ces conditions…

Le Point de vue de

CONTRE

« Non, le prix n'est fixé que par l'offre et de la demande »

Olivier Richard, président des courtiers du Beaujolais

Olivier Richard, président des courtiers du Beaujolais

« Je ne pense pas que l'on puisse fixer un prix. Le seul arbitre, c'est la loi de l'offre et de la demande. Pour maintenir un prix minimal, il faut entretenir la pénurie et rester solidaires. Dans les faits, c'est presque injouable sauf dans les appellations porteuses, pour lesquelles la demande du négoce est importante. Mais dans ce cas de figure, la question d'un prix minimal ne se pose pas. Pour les marchés en surproduction, la problématique est assez simple. Si une appellation produit 130 000 hl pour un marché de 100 000 hl, il faut bien que les 30 000 hl aillent quelque part ! Le fait de céder à un prix plus bas que prévu est surtout lié à la trésorerie de l'exploitation, plus qu'à des aspects psychologiques. Un vigneron qui a bien négocié ses premiers lots et qui n'a plus qu'une petite part de sa production à vendre sera naturellement plus ferme que son collègue à qui il reste 80 % de ses vins en cave et qui voit ses échéances tomber. Comme il y en a toujours un qui cède, le négoce attend. La consigne de prix minimal ne tient pas.

Et la nature humaine est ainsi faite que lorsque nous avons un bien à vendre, nous ne sommes tranquilles que quand il est vendu. »

Le Point de vue de

POUR

« Oui, il faut trouver un point d'équilibre permettant à toute la filière de vivre »

Xavier de Volontat, président de l'ODG Corbières © L. ARDHUIN

Xavier de Volontat, président de l'ODG Corbières © L. ARDHUIN

« Le 24 mars dernier, j'ai envoyé un courrier aux vignerons de l'AOC Corbières où je préconise de ne pas vendre en dessous de 70 €/hl. Le cours actuel est inférieur à 60 €/hl. 70 €/hl ne couvrent pas nos coûts de production. Mais c'est un palier. Et ce n'est qu'en gravissant de petites marches que l'on parviendra à un prix rémunérateur. Dans les entreprises de transformation, la revente à perte est interdite par la loi. Pourquoi serait-ce autorisé en amont dans les entreprises produisant la matière première ? C'est inéquitable ! Il faut reformer une véritable chaîne, sans que personne ne pense à profiter de l'autre. A nous, producteurs, de mettre en place des outils permettant d'éviter les variations de prix. Au négoce d'en faire de même ! Il faut faire en sorte que tous les acteurs soient rassurés et aient confiance les uns envers les autres. Certains négociants pensent que la fixation d'un prix plancher n'a pas de sens car ce prix peut être facilement contourné en facturant une participation à l'embouteillage ou au transport. Mais ce contournement, ce sont eux qui le font ! Rien ne les y oblige !

Malheureusement, les banques ne soutiennent pas notre schéma de prix minimal alors que toute la filière y serait gagnante. Elles ne voient que le court terme. Cela me déçoit. Si elles accompagnaient la viticulture, les cours pourraient remonter, car les vignerons les plus fragilisés ne seraient pas acculés à vendre à perte. Je sais que cette initiative peut paraître utopique. J'espère qu'elle fera boule de neige… »

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