« Créer un GFV permet de lever des capitaux en dehors des banques, explique Michel Veyrier, gérant de Vinea transaction, à Montpellier. Le viticulteur peut ainsi reprendre une parcelle ou une exploitation sans entrer dans un endettement trop lourd et tout en gardant une capacité d'investissement dans d'autres postes. »
Cette solution est de plus en plus souvent étudiée dans les régions où le prix du foncier viticole reste élevé ou continue de grimper, car elle peut être une réponse au problème des installations et des successions.
Une formule qui va prendre de l'ampleur
Le principe est assez simple. Prenons le cas d'une parcelle qui vaut 250 000 euros. Un vigneron n'a pas les moyens de l'acheter. Il décide de créer un GFV dans ce but. Il choisit de fixer le montant de la part à 2 500 euros. Il lui faudra donc vendre 100 parts, représentant chacune 1/100e de la parcelle pour réunir la somme. Il est vivement conseillé qu'il achète lui-même des parts et qu'il devienne le gérant du GFV.
La création d'un GFV se fait par acte notarié, tout comme l'acquisition de parts. Ensuite, le groupement signe un bail à long terme avec le viticulteur à l'origine de sa création, généralement d'une durée de dix-huit ans. La signature de ce bail est sécurisante pour lui et procure des avantages fiscaux aux acheteurs de parts. Le paiement peut s'effectuer en bouteilles et/ou en argent, selon le barème préfectoral, comme tout fermage classique. La rentabilité des parts est souvent comprise entre 2 et 4 % par an et peut grimper jusque 7 à 8 % si le paiement se fait en bouteilles.
« C'est vraiment du gagnant-gagnant, témoigne un notaire du Sud-Est. Cette formule va prendre de l'ampleur, car les vignerons nés en 1945-1950 sont en train de passer la main. Or, ils sont nombreux. L'enfant qui reprend n'a pas souvent les moyens de payer une soulte à ses frères et sœurs. L'une des solutions consiste à créer un ou plusieurs GFV pour acheter une partie du foncier et rembourser les autres membres de la fratrie. On me contacte de plus en plus à ce sujet. »
En plus de limiter l'endettement de l'exploitant, le GFV permet de dynamiser son réseau commercial. « Quand le vigneron parvient à tisser des liens forts avec ses associés, ces derniers deviennent des ambassadeurs de son domaine, poursuit Michel Veyrier. Lorsqu'ils font déguster le vin du GFV à leurs amis, c'est le leur. Leur implication affective est importante. Mais il est impératif que le vigneron ait la capacité d'animer son réseau et qu'il en prenne le temps. »
L'achat de parts peut générer un déficit foncier
Contrairement aux idées reçues, le GFV n'est pas réservé qu'aux vignobles prestigieux. Les initiés estiment qu'il existe deux marchés : un premier, géré par les banques et les gestionnaires de patrimoine, qui vise des clients fortunés cherchant des domaines à forte notoriété, et un autre marché, plus important, où le bouche à oreille et l'affectif priment.
Pour convaincre leurs clients, les banques leur vantent les avantages fiscaux liés à l'achat de parts de GFV. Celles-ci sont exonérées d'ISF à hauteur de 75 % dans la limite de 100 000 euros puis de 50 % au-delà, à condition que les vignes soient louées par un bail de dix-huit ans.
Les droits de donation et de succession bénéficient également d'une exonération de 75 % de la valeur jusque 100 000 euros et de 50 % au-delà, sous conditions.
Par ailleurs, la plus-value de la cession de la part est réduite de 10 % par an à partir de la cinquième année de détention. Autre avantage fiscal, l'achat de parts de GFV peut générer un déficit foncier. En effet, il est possible de déduire fiscalement les charges financières liées à l'emprunt de l'acquisition des parts. Dans le cas où ces charges sont supérieures au fermage, le résultat financier sera alors négatif et sera imputable aux autres revenus fonciers du détenteur de parts de GFV.
A noter également que les parts de GFV peuvent faire l'objet d'une donation avec réserve d'usufruit et peuvent de ce fait bénéficier d'abattements spécifiques.
Le club foncier du vignoble, une bourse d'échange de parts
Pour accompagner l'essor des GFV, Michel Veyrier, gérant de Vinea transaction, vient de créer une bourse d'échanges de parts de GFV, baptisé le club foncier du vignoble français (CFCV). « Certains investisseurs, qui ont déjà des parts de GFV dans un vignoble, souhaiteraient en acquérir dans une autre région, explique Michel Veyrier. La bourse d'échange a pour objectif de répondre à cette demande. » Cette bourse va permettre de dynamiser les GFV existants en élargissant leur réseau d'associés potentiels, mais aussi de rassurer les acheteurs qui pourraient être inquiets sur les possibilités de revente des parts de GFV. L'expérience montre qu'en moyenne, une part de GFV est gardée cinq à huit ans.
Le Point de vue de
Jean-Louis Canto, vigneron au domaine de la Roncière, à Châteauneuf-du-Pape (Vaucluse)
« Il est primordial de travailler avec un notaire qui joue le jeu »
« J'ai créé mon premier GFV en 2008, suite à la perte d'un fermage. Il me fallait alors maintenir une surface viable. Le GFV a racheté un hectare que je louais. Le foncier étant cher à Châteauneuf-du-Pape, j'ai eu besoin de ces capitaux extérieurs qui ont représenté 80 % de l'acquisition. Le GFV a acheté un autre ha en 2009, grâce à une augmentation de capital.
Pour créer le GFV, j'ai prospecté ma clientèle pour leur proposer d'acquérir des parts, ainsi que mes amis et différents réseaux par le bouche-à-oreille. Il faut toucher des personnes qui aiment le vin et qui ont de l'épargne à placer. J'ai fixé le prix des parts à 3 000 euros. Pour l'instant, je paie en bouteilles, avec une rentabilité de 7 % par an. Mais dans le bail, je me suis laissé la possibilité de rémunérer les parts en espèces.
Tous les ans, lors de l'assemblée générale du GFV où je présente le bilan financier, j'invite mes associés à visiter la parcelle et à déjeuner. Le GFV compte plus de 90 associés. Il n'y a pas vraiment de règle pour réussir un GFV, mais si je devais donner un conseil, ce serait celui de choisir un notaire qui joue le jeu. En effet, le notaire sera amené à recevoir des appels ou des mails de la part d'acquéreurs potentiels de parts, qui ont besoin d'être rassurés sur leur achat. Il donc est important qu'il soit réactif. J'ai signé un bail de dix-huit ans avec le GFV, mais mes associés peuvent revendre leurs parts quand ils le souhaitent. Je suis prioritaire au rachat.
Pour l'instant, tout se passe bien. Je dispose d'une liste d'attente de personnes intéressées pour acheter des parts. »