Vingt ans de frictions : vingt ans de batailles perdues devant les tribunaux et gagnées au Parlement. Voilà en quelques mots le bilan des actions menées par la profession pour retrouver une liberté d'expression après le vote de la loi Evin en janvier 1991. Et ce n'est pas fini. D'autres escarmouches s'annoncent. Au début du mois, un syndicat d'appellation a présenté son nouveau thème de communication : le partage, la convivialité. Il a décidé de rappeler que le vin égaye les moments entre amoureux, entre amis ou en famille. Une évidence pour nous. Mais la loi Evin interdit à la publicité de le dire. Les associations qui veillent au grain demanderont-elles aux tribunaux de rappeler l'audacieux syndicat à l'ordre ? On peut parier que oui. Elles ont obtenu des juges qu'ils condamnent chaque écart, même les plus infimes comme « la nuit en rose », le slogan inventé par Moët et Chandon pour son champagne rosé. Elles ont même fait condamner « Le Parisien » et « Les Echos » pour avoir écrit des articles trop élogieux sur le vin !
Face aux gardiens de l'orthodoxie, la filière a bénéficié du soutien d'une poignée de parlementaires élus des régions viticoles. A plusieurs reprises, ils ont amendé la loi Evin. Ils ont ainsi obtenu l'autorisation de l'affichage, le droit de décrire l'origine, la couleur et le goût des vins, puis celui de faire de la publicité sur internet. A chaque fois, ces députés et sénateurs se sont heurtés au gouvernement, oublieux de ses promesses ou tétanisé par les prédictions effrayantes des associations de lutte contre l'alcoolisme. Mais ils ont tenu bon. Ils sont plus proches du terrain que des hautes sphères qui dictent la pensée correcte. Ils savent que la filière a besoin de communiquer pour valoriser ses vins. Ils jugent cela légitime et conciliable avec la santé publique.
D'autant plus qu'en vingt ans, la viticulture a fait sa révolution. Avant la loi Evin, elle ne voulait pas entendre parler des méfaits de la consommation excessive. Depuis, elle s'est engagée contre ce fléau en prônant l'éducation à la modération. Il serait temps que le camp d'en face retire aussi ses œillères. Il serait temps qu'il admette que l'on ne suscite pas l'alcoolisme avec des publicités affirmant que le vin est affaire de convivialité.