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VENDRE - C'est tendance

Les blogueurs imposent un style jeune et impertinent

Chantal Sarrazin - La vigne - n°229 - mars 2011 - page 66

Les blogueurs de vin enflamment la Toile. Ils parlent du vin avec humour et impertinence Ils affichent une liberté de ton qui tranche avec le sérieux des magazines spécialisés en vin.

De nouveaux orateurs parlent du vin : les blogueurs. Amateurs, journalistes, sommeliers, vignerons… la communauté est variée. Le phénomène a vu le jour il y a cinq ou six ans. « J'ai ouvert mon blog en 2005, témoigne Emmanuel Delmas, sommelier de formation. Au départ, j'écrivais sur des vignerons assez connus. Depuis, je cherche à faire connaître des domaines moins en vue à mes lecteurs. » Il se déplace, les interviewe, les filme et met le fruit de son travail en ligne.

A chacun son approche. Philippe Quesnot a créé Glougueule.fr. Cet épicier niçois y raconte ses expériences de dégustation, ses rencontres… « Nous n'avons pas de ligne directrice. On ne se prend pas la tête. On se fait surtout plaisir. »

Quid de l'influence des blogueurs ? « Il y a une communauté qui nous suit, dit Emmanuel Delmas. Des vignerons m'ont confié avoir vendu des bouteilles après que j'aie parlé d'eux. » « Les blogueurs les plus lus sont ceux qui postent des billets régulièrement, à raison de deux à trois par semaine, indique Jeanne Peron, de l'agence Clair de lune. On les repère également au nombre de commentaires de lecteurs qu'ils ont sur leur blog et au nombre de liens qu'ils affichent avec d'autres blogueurs. » De nouveaux interlocuteurs pour les vignerons et les caves adeptes de la vente directe.

Vin sur vin Le précurseur

www.vinsurvin-blog.com, blog tenu par Fabrice Le Glatin, professeur d'anglais dans les Hauts-de-Seine

Créé en 2005

2 à 3 chroniques par semaine

2 000 lecteurs par semaine

Ce pionnier du blog de vin maîtrise l'exercice. Titres percutants, photos chocs ou provoc, style enlevé : il sait « accrocher » le lecteur. Ainsi « Vacances en vallée du Rhône », l'une de ses chroniques d'octobre 2010 est illustrée par la photo d'un top model, ventre dénudé, faisant de l'auto-stop dans une position très aguichante. Forcément, ça aiguise… la curiosité. « Mes parents aimaient le vin.

En vacances, nous faisions toujours une halte chez des vignerons. Dès que j'ai eu une voiture, je suis allé dans les vignobles. » Sur son blog, il commente des bouteilles, dépeint des vignerons, donne ses bons plans de cavistes à Paris… Depuis peu, il organise des soirées dégustation dites, TuperWine, pour ses lecteurs dans des bars à vin de la capitale. Les agences de presse le courtisent. On l'invite à des voyages de presse, on lui adresse des échantillons…

En 2009, les Vignerons indépendants de France l'ont contacté pour qu'il réalise une sélection à l'aveugle des vins présents au Salon des caves particulières à Paris. Les vins retenus ont fait l'objet d'un sujet sur son blog. Il a récidivé en 2010. « On m'a adressé 560 échantillons contre 360 la première année. » Cette fois, la sélection a été distribuée sur le salon. « Des vignerons qui y figuraient m'ont dit avoir été dévalisés ! » Lui, n'a pas touché un kopeck de cette opération. Mais, elle fait de la pub à son blog.

Bu sur le web Direct

www.busurleweb.com, blog tenu par Aurélia Filion, importatrice de vins au Canada

Créé en 2009

Deux vidéos par semaine

4 500 fans sur Facebook

Yeux bleus, cheveux blonds, cette Canadienne décoiffe la blogosphère dédiée au vin. Sur son blog, elle poste uniquement des vidéos où elle débouche et déguste des bouteilles de vin en « live ». Elle hume, goûte, commente et recrache devant la caméra. Tout cela, avec naturel et spontanéité. Car la jeune femme, en plus d'avoir un joli minois, jauge les vins avec humour et expertise. Tous les mois, elle choisit un thème. En janvier, c'était les « vins d'après-ski ». « Nous contactons des importateurs afin qu'ils nous adressent des échantillons de vins, que nous avons préalablement sélectionnés sur des salons professionnels. Nous mettons principalement en avant des vins disponibles à la vente au Québec. » Elle ajoute : « Je ne fais pas la promotion de ma société. » Car la jeune femme a conçu son blog comme « une petite entreprise » distincte de son activité première. Elle travaille avec une équipe de trois professionnels : un réalisateur, un monteur et une personne chargée de la recherche et de la logistique des vins. Son blog est vu dans le monde entier : en Chine, au Japon et en Europe. Elle a déjà été contactée par des entreprises désireuses de faire de la publicité sur son blog. « Nous n'y avons pas répondu favorablement, mais nous travaillons sur un projet de partenariat avec un sponsor qui doit aboutir cette année. »

Ils commentent l'arrivée des nouveaux venus… Antoine Gerbelle, conseiller éditorial à « La Revue du vin de France »

Quel regard portez-vous sur le phénomène ?

L'univers des blogs de vin est très disparate. On y trouve des amateurs, des marchands, des vignerons… chacun a des motivations différentes. Au final, très peu sont réellement actifs, car la tenue d'un blog exige du temps, du talent et de l'énergie. J'ai le sentiment que le phénomène perd de son ampleur au profit des réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter.

Les agences de presse cherchent à les séduire et les assimilent à des journalistes… Cela réactive le vieux débat de la frontière entre l'information et la communication. Les agences de presse ont tout intérêt à la rendre perméable, car leur but c'est d'obtenir un maximum de retombées pour leurs clients. Ces blogueurs sont sollicités sous l'angle de la communication, pas de l'information qui relève du journalisme. A ce niveau, les gens du vin doivent faire preuve de vigilance.

Avez-vous un blog ?

Je garde la primeur de mes informations pour le journal au sein duquel je travaille. Les blogs sont un peu le reflet de l'individualisme de notre société. Les compliments qu'il nous arrivent de recevoir au sein de notre revue sont le fruit d'un travail d'équipe.

Ils commentent l'arrivée des nouveaux venus… Thierry Desseauve, fondateur de BDT Médias

En quoi les blogs diffèrent-ils des médias traditionnels ?

Ils abordent le vin très différemment de la presse écrite conventionnelle. Ils ont un ton décalé et décomplexé. Il y a un public pour cela. De plus, il existe très peu de jeunes journalistes spécialistes du vin, car les places sont déjà prises. La plupart des auteurs de ces blogs ont entre 20 et 30 ans, ils investissent le terrain par le web. C'est très bien ! Certains ont du talent, d'autres moins. Le public fait la différence.

Concurrencent-ils les magazines déjà établis ?

Leur arrivée bouscule les positions des médias historiques, c'est certain. Mais, il n'y a rien de pire qu'un journal sans concurrence, il s'endort sur ses lauriers. Cela étant, plus on parle de vin, plus cela me satisfait, cela accroît l'intérêt pour le sujet et augmente le nombre de lecteurs potentiels de nos revues.

Avez-vous un blog ?

Je n'ai pas encore sauté le pas, par manque de temps. Avec Michel Bettane, mon associé, nous avons toutefois des projets.

In good wine we trust La jeunette

www.ingoodwinewetrust.com, blog tenu par Marion Favier, rédactrice pour le web à Annecy

Créé en 2009

Actualisé 2 à 3 fois par semaine

50 à 100 visites par jour

« Ce blog a pour but de faire découvrir des vins de qualité au plus grand nombre. Parce qu'on n'est pas obligé d'être œnologue pour apprécier le vin. Ici, on en parle sans complexe et en toute liberté ! » Dès la page d'accueil, Marion Favier, 28 ans, annonce la couleur. « C'est mon père qui m'a communiqué sa passion pour le vin. Aujourd'hui, nous faisons ensemble des week-ends œnologiques », poursuit-elle. Sur place, elle interviewe les vignerons, puis les présente sur son blog. Elle parcourt également les salons des Vignerons indépendants. Caméra au point, elle filme ses coups de cœur. Lors des foires aux vins, elle rédige des billets sur les sélections des magasins de sa région. « J'écris sur les vins que je connais et qui ont un bon rapport qualité/prix.

J'ai été surprise d'apprendre que des lecteurs se rendaient dans les hypermarchés avec ma liste préalablement imprimée ! » Veuve Cliquot l'a invitée à un voyage de presse. Bollinger l'a sollicitée pour participer à un événement de prestige. « Ce sont surtout les grandes maisons qui me contactent, beaucoup moins les petits domaines. » A terme, elle projette de créer une entreprise autour de sa passion. Elle compte déjà un annonceur sur son blog, un vendeur suisse de vins en ligne.

Le blog d'Olif Très lu

www.leblogdolif.com, blog tenu par Olivier Grosjean, gynécologue dans le Jura

Créé en 2005

Actualisé deux fois par semaine

Entre 300 et 500 visites par jour

Ce mordu de vin a commencé par échanger ses impressions sur des forums. Quand la mode des blogs est arrivée, il s'est lancé. « J'ai parcouru de nombreux vignobles en Alsace, dans le Jura, en Bourgogne… Je raconte mes rencontres avec les vignerons. Je commente la dégustation de leurs vins. J'essaie de sortir des sentiers battus de présenter ceux dont la presse écrite ne parle pas. » Ses billets sur le Jura ont fait mouche auprès de ses lecteurs. « Ils m'ont dit avoir découvert ce vignoble grâce à mes écrits. » Son autre source d'information, ce sont les salons grand public et professionnels auxquels il a, aujourd'hui, accès. Étant parmi les plus anciens blogueurs, il a acquis de la notoriété auprès des internautes. Comme ses confrères et consœurs, il est sollicité par des agences de communication et des annonceurs. « Je refuse la publicité. Quant aux invitations, j'y réponds peu, car j'ai une activité professionnelle intense. » Cela ne l'empêche pas de travailler à la rédaction d'un ouvrage sur le vin avec un collectif de blogueur.

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