Germain est viticulteur. Depuis 1998, il adhère à une coopérative, mais uniquement pour la vinification de sa récolte et son stockage. Il se réserve la commercialisation de son vin. Un jour de décembre 2003, il est convoqué à une assemblée générale de la coopérative. La situation financière de cette dernière est si grave qu'il est question d'autoriser le conseil d'administration à prélever sur le compte de chaque coopérateur une contribution pour le rétablissement des finances de la société.
Germain assiste à l'AG. Sur le coup, il vote la ponction sur les comptes de chaque associé. Puis il se ravise. Le 25 mai 2004, il envoie un courrier à son président dans lequel il annonce qu'il cessera ses apports à l'occasion des prochaines vendanges, se considérant comme démissionnaire. Il ajoute qu'il refuse de participer au sauvetage de la coopérative par prélèvement sur son compte.
Dédommagement en cas de rupture
La réponse ne tarde pas. Le conseil d'administration réclame à Germain le dédommagement prévu par les statuts en cas de rupture anticipée et prélève sur son compte la contribution demandée. Germain est assigné devant le tribunal en paiement des sommes réclamées, à savoir 5 000 euros.
A l'appui de sa demande, la cave coopérative fait valoir la délibération de l'assemblée générale approuvée par tous les coopérateurs. Germain soutient que même un associé ayant voté une délibération est en droit d'en soutenir postérieurement la nullité.
Pourquoi l'AG serait-elle nulle ? Côté convocation, tout a été fait dans les règles de l'art… L'AG a été convoquée quinze jours à l'avance, comme le prévoient les statuts. La coopérative a également suivi l'article R 524-13 du code rural, selon lequel « pour les sociétés coopératives dont la circonscription ne dépasse pas le territoire d'un canton et des cantons limitrophes », il est possible de procéder à un affichage « dans le même délai (...) à la porte principale de la mairie du siège social et de la mairie de chacune des autres communes comprises dans la circonscription ». Les maires sont venus témoigner de ces affichages.
Germain a dû mettre en avant un autre argument. Le voici : selon l'article 33 des statuts, il ne peut être mis en discussion devant l'AG que des questions portées expressément à l'ordre du jour. Or, celui proposé ne faisait nullement mention du prélèvement que le conseil d'administration envisageait sur les comptes des associés. Germain ajoute qu'un tel sujet ne saurait être relégué dans les « questions diverses ».
Il soutient que l'absence de ce point dans l'ordre du jour a faussé son vote, car il a été privé de sa possibilité de réflexion et d'information en amont de l'assemblée. Au vu de cette argumentation, le tribunal, la cour d'appel, puis la Cour de cassation ont annulé l'AG et ses conséquences.
Reste le problème, spécifique, de la démission de Germain. Celle-ci est-elle ou non justifiée ? Si elle ne l'est pas, notre homme doit indemniser la coopérative… Pour expliquer sa décision, notre viticulteur a mis en avant la mauvaise gestion des décideurs, laquelle a abouti à la situation de carences financières. Là encore, tous les juges ont suivi son argumentation.
On retiendra de ce contentieux qu'un associé qui a voté une délibération peut postérieurement la contester, qu'une assemblée générale ne peut délibérer que sur des questions à l'ordre du jour et enfin, qu'une mauvaise gestion peut-être invoquée comme motif de démission.