Retour

imprimer l'article Imprimer

VIGNE

Confusion sexuelle : l'esprit d'équipe

Patrick Touchais - La vigne - n°231 - mai 2001 - page 40

En Anjou, à Saint-Lambert-du-Lattay, 700 ha sont protégés contre les tordeuses par confusion sexuelle. L'opération exige une solide organisation.
POSE DES DIFFUSEURS. Le temps était maussade le matin du 11 avril, jour de la pose des diffuseurs de phéromones pour la confusion sexuelle. Cela n'a pas empêché les vignerons de boucler le chantier à l'heure. © PHOTOS B. HANNA/REA

POSE DES DIFFUSEURS. Le temps était maussade le matin du 11 avril, jour de la pose des diffuseurs de phéromones pour la confusion sexuelle. Cela n'a pas empêché les vignerons de boucler le chantier à l'heure. © PHOTOS B. HANNA/REA

En ce lundi matin 11 avril, viticulteurs et salariés viticoles progressent d'un bon pas dans les parcelles de Saint-Lambert-du-Lattay (Maine-et-Loire). Neuf équipes de six personnes s'affairent à poser des diffuseurs de phéromones dans les vignes pour lutter contre l'eudémis et la cochylis par confusion sexuelle. Au total, une cinquantaine de vignerons et de salariés sont à l'œuvre. Toutes les six souches, un rang sur deux et en quinconce, ils accrochent un diffuseur sur un fil ou sur un rameau. Au total, ils en posent cinq cents par hectare. Sans oublier les haies qui bordent les parcelles.

« J'ai débuté sur 4 ha »

Au cœur des coteaux du Layon, Saint-Lambert-du-Lattay est l'une des plus importantes communes viticoles de l'Anjou, avec plus de 500 ha en production. La lutte par confusion sexuelle y devient une habitude.

Au début des années 2000, Tony Rousseau l'a lancée sur son exploitation, après l'avoir découverte en Alsace. « J'ai commencé sur quatre hectares, puis sur sept l'année d'après, tout en incitant un voisin de parcelles à faire de même », indique ce vigneron producteur d'appellations d'Anjou, sur trente ha. Pionnier reconnu, il a été auditionné par le groupe d'études viticoles à l'Assemblée nationale à l'automne dernier sur ce sujet, où il a redit sa foi dans cette méthode de lutte devant les parlementaires.

Cette année, à Saint-Lambert-du-Lattay, trente-neuf exploitations ont choisi la confusion sexuelle, pour ne plus avoir recours aux insecticides. Ce 11 avril, la pose des capsules va prendre la matinée. Elle est organisée avec le soutien de la CAPL (Coopérative agricole des Pays de la Loire). Les techniciens de cette coopérative d'appro sont tous sur le terrain pour orchestrer les opérations.

Convaincre en amont

Au préalable, ils ont regroupé les parcelles engagées en îlots de 11 à 15 ha. Ils ont ensuite établi les équipes et posé des cartons de diffuseurs en bout de parcelle. Les viticulteurs se servent. Leur travail est parfaitement rythmé, mais réalisé dans un esprit détendu. Le plus difficile a déjà été réalisé : convaincre le plus grand nombre du bien-fondé de la technique. « Nous avons programmé cinq réunions dans le vignoble et nous avons envoyé nos techniciens chez les producteurs pour bien réexpliquer la méthode et voir sur quelles parcelles, nous pourrions travailler », souligne Sébastien Beauvallet, technicien à la CAPL. Parfois, un seul récalcitrant peut bloquer ses voisins, car il faut constituer un îlot d'au moins 5 ha pour que la confusion soit efficace.

« Le rôle des techniciens est très important, souligne Tony Rousseau. Ils font le lien entre les vignerons dont certains sont plus difficiles à persuader que d'autres. » Grâce à cela, la troupe grossit chaque année. Elle regroupe désormais les trois quarts des producteurs de Saint-Lambert-du-Lattay : gros et petits, coopérateurs et vendeurs en direct, vignerons en lutte raisonnée et en agriculture biologique.

Une belle opération pour la commune

« Il y a plusieurs motivations : d'abord une pression des consommateurs pour qu'on utilise moins de produits, mais également le fait que nous enregistrons des résultats probants, malgré une plus forte pression de vers de la grappe ces dernières années », affirme le vigneron.

Au cours de l'opération, les producteurs et leurs ouvriers se retrouvent à travailler dans des parcelles qui ne sont pas forcément les leurs. « Tous les vignerons jouent le jeu pour mettre du personnel à disposition pour cette action. Pour la cohésion de la vie communale, c'est une belle opération », se réjouit Tony Rousseau. Surtout, nous ne comptons pas notre temps : « L'objectif, c'est de couvrir l'ensemble des îlots dans la matinée. Quand nous avons terminé, nous filons donner un coup de main à une autre équipe. »

Vers midi, tout le monde se retrouve dans une salle communale de Saint-Lambert-du-Lattay pour déjeuner. La journée permet aussi d'échanger entre vignerons. Parfois, certains problèmes de parcelles ou de relations sont simplement le fruit d'une absence de discussions. « On ne se parle sans doute pas assez, assure Tony Rousseau. Y compris les ouvriers des différents domaines, alors qu'ils se croisent dans les bouts de parcelles. Tous apprennent à mieux se connaître durant la pose des diffuseurs. »

700 ha couverts en Anjou-Saumur

En Anjou, l'opération de Saint-Lambert-du-Lattay est la plus conséquente par la surface couverte et le nombre de personnes mobilisées. D'autres communes ou appellations organisent également des chantiers de pose de diffuseurs. « Les trois quarts de l'appellation Bonnezeaux sont ainsi protégés contre les tordeuses », souligne Sébastien Beauvallet, technicien à la CAPL. Dans ce secteur où les vignerons exploitent de petites surfaces, le succès passe nécessairement par un engagement collectif. Au total, en 2011, les vignerons d'Anjou-Saumur vont protéger 700 ha par confusion sexuelle contre 400 en 2010.

Une opération subventionnée

Préserver les rivières, respecter le Grenelle de l'environnement et le plan Ecophyto : les arguments n'ont pas manqué à la Fédération viticole de l'Anjou pour convaincre le conseil général du Maine-et-Loire de subventionner la confusion sexuelle. Le département a voté la prise en charge de 20 % du prix des diffuseurs pour trois campagnes (2010-2012). Malgré cette aide, la confusion coûte toujours 80 à 90 € de plus par hectare que la lutte chimique. Les capsules sont facturées 230 € les 500, soit la quantité pour couvrir un hectare. Ensuite, il faut compter le temps de pose, à raison de 0,6 à 0,7 h/ha.

Les jeunes également formés

 © P. TOUCHAIS

© P. TOUCHAIS

Le 5 avril, les élèves de première et terminale Bac pro Vigne et vin de la maison familiale et rurale de Chalonnes et de la Pommeraye ont participé à une demi-journée de formation à la confusion sexuelle. C'est l'initiative de la Coopérative agricole des Pays de la Loire, qui distribue les deux tiers des diffuseurs sur le vignoble. Après une approche théorique en salle, la vingtaine de jeunes a posé des capsules, sous la houlette d'un formateur et d'un technicien de la coopérative chez des vignerons qui accueillent les élèves en stages. « Nous sommes preneurs de ce genre d'initiative. C'est un lien direct avec la réalité du terrain sur une technique intéressante et en développement », souligne Pascal Baruchi, responsable de la formation à la MFR.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :