Après le tremblement de terre catastrophique qui a frappé le Japon le 11 mars, les exportateurs de vins français se sont tout d'abord inquiétés de la bonne santé de leurs contacts sur place, et surtout des conséquences humaines de ce drame, avant de penser aux répercussions économiques.
Il existe en effet des liens très intimes entre le Japon et la viticulture française. Ces liens se sont surtout développés après la découverte du « French Paradox » par les Japonais en 1998, découverte qui a profité à nos exportations de vins rouges.
Opérations de solidarité
En raison de ces liens, les initiatives de solidarité en faveur des sinistrés japonais n'ont pas manqué. Ventes aux enchères caritatives (BIVB, CIVC, Maison Bichot…), dîners de solidarité, plusieurs opérations ont eu lieu. La Bourgogne a ainsi collecté 2 800 bouteilles auprès de ses vignerons, coopératives et négociants qui seront mises en vente prochainement à Paris.
Selon la FEVS (Fédération des exportateurs de vins et spiritueux), le Japon est le septième pays importateur de vins et spiritueux français en volume et en valeur, avec un chiffre d'affaires de 402,3 millions d'euros (M€) en 2010. Et la France est le premier fournisseur étranger en vins et spiritueux du pays du soleil levant. En 2009, nos vins tranquilles détenaient 56 % des parts de marché en valeur et 36 % en volume de l'ensemble des vins importés.
Avec une progression de 6,8 % en volume et de 12,1 % en valeur par rapport à 2009, le marché japonais a connu une nette reprise. Cet élan est tiré par le champagne (81 M€ soit + 43,3 %), les vins de Bordeaux (95 M€ soit + 3,7 %), de Bourgogne (70 M€ soit + 17,7 %) et du Beaujolais (24 M€ soit + 17,3 %). Mais il risque d'être stoppé net en raison de la catastrophe du 11 mars dernier. Les Japonais vont devoir reconstruire leur pays, ce qui leur coûtera cher et cela risque de pénaliser la consommation.
En Champagne, il n'est pour l'instant pas possible de mesurer l'impact de la catastrophe japonaise sur les exportations de vin. « Les commandes prévues avant le tremblement de terre sont parties avec un peu de retard, mais n'ont pas été annulées, indique Evelyne Roques-Boizel, de la maison champenoise Boizel. On sent une vraie volonté des Japonais à continuer leur vie malgré le stress provoqué par les nombreuses répliques. » Fin avril, ce négociant avait décidé de maintenir ses investissements et ses opérations commerciales prévues au Japon cette année.
« Nous connaissons la dignité des Japonais »
Le CIVC, l'interprofession champenoise, a fait le même pari. « Nous laissons toute l'initiative des décisions à notre bureau local de Tokyo qui est plus à même de déterminer ce qu'il est convenable de faire, précise-t-il. Nous nous donnons le temps qu'il faudra pour prendre des mesures. » Seul un dîner organisé par le CIVC a été reporté, mais pas annulé, pour des problèmes évidents d'organisation.
En Bourgogne, le marché japonais se situe en troisième position à l'export après les Etats-Unis et le Royaume-Uni. En 2010, 7,7 millions de bouteilles de Bourgogne se sont vendues au Japon. Pour Benoît de Charrette, de la maison Albert Bichot, le flux des commandes vers le Japon n'est pas modifié pour l'instant.
« Nous connaissons la dignité du peuple japonais qui fait face à cette situation, salue le cogérant de ce négoce basé à Beaune. Toutefois, nous étions sur une dynamique de reprise post-crise pour le début de l'année 2011, qui devait se traduire par une croissance des exportations sur le Japon. Or, les ventes restent stables. C'est peut-être le seul signe pour le moment. »
La maison Bichot n'a pas annulé les opérations commerciales qu'elle avait prévues. De son côté, l'interprofession bourguignonne (BIVB) a reporté à une date ultérieure l'opération « Signature et terroir » initialement programmée le 23 mai à Tokyo, mais elle a maintenu toutes les autres opérations programmées en Asie (Winetour en Corée du Sud et Taïwan en mai, puis en Chine en novembre).
Du côté du bordelais, le CIVB (l'interprofession) ne prévoit pour l'instant pas de changements quant aux actions prévues. Pour la société de négoce J. J. Mortier, basée à Bordeaux et appartenant au groupe japonais Meidi-Ya, l'exportation vers le Japon représente 20 % du chiffre d'affaires. Selon Jérôme Faugère, son responsable, il est un peu tôt pour chiffrer les conséquences économiques. Mais il s'attend à de mauvais chiffres. « Il est évident que la consommation de vin au Japon va baisser dans les mois à venir, les Japonais sortent moins et la fréquentation touristique s'effondre. Mais la situation reste très opaque. Nous ne pouvons faire aucune projection. Les Japonais sont capables de se reconstruire rapidement. Toutefois, nous restons très pessimistes sur l'année en cours. »
Un événement catastrophique
Le séisme du 11 mars au Japon, suivi d'un tsunami, a fait de très nombreuses victimes et a entraîné un grave accident nucléaire. Le bilan provisoire au 14 avril fait état de 13 498 morts et 14 734 disparus. 139 000 survivants sinistrés sont réfugiés dans 2 300 abris répartis sur la zone touchée. A ce drame humain s'ajoute l'accident de la centrale de Fukushima atteinte par le séisme. Les fuites de radioactivité connaissent aujourd'hui une phase de décroissance. La zone contaminée (20 km autour de la centrale) reste interdite à la population. Mais il est aujourd'hui impossible de prédire l'impact des émanations radioactives sur la population japonaise.