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DOSSIER - Transmission - Transmission : L'affaire d'une vie

5. Dans les coops « Nous faisons appel à des investisseurs externes»

Florence Jacquemoud - La vigne - n°236 - novembre 2011 - page 96

Les caves de Rabastens et de Técou, dans le Tarn, ont créé un GFA pour acheter des vignes sans repreneurs. Des investisseurs ont apporté les fonds. D'autres caves de l'union Vinovalie veulent suivre leur exemple.
Lauriane Revidon et Francis Terral, la juriste de Vinovalie et le président de la cave de Rabastens, dans le Tarn, ont fait appel aux entrepreneurs de la région pour financer des rachats de vignes. © F. JACQUEMOUD

Lauriane Revidon et Francis Terral, la juriste de Vinovalie et le président de la cave de Rabastens, dans le Tarn, ont fait appel aux entrepreneurs de la région pour financer des rachats de vignes. © F. JACQUEMOUD

« Tout est parti de la dernière crise viticole », se souvient Francis Terral, président de la cave de Rabastens (Tarn), dans l'AOC Gaillac. À cette époque, certains vignerons ont commencé à arracher leurs vignes, d'autres à abandonner leur exploitation. « Et nous avions très peu de candidats à la reprise, soit au sein des familles, soit en externe. Il y a quatre ans, avec Jean-François Roussillon, l'ancien président de la cave, nous nous sommes dit qu'il fallait trouver une solution. »

Une situation qui aurait pu affaiblir les caves coopératives et compromettre l'existence de Vinovalie, l'union créée en 2006 par les caves coopératives de Rabastens, Técou (Tarn), Fronton (Haute-Garonne) et des Côtes d'Olt (Lot).

Le premier réflexe a alors été de contacter les partenaires financiers des caves. Mais capitaliser dans du foncier viticole n'était pas dans leurs attributions. Les vignerons ont alors eu l'idée de s'adresser aux chefs d'entreprise de la région, dont certains sont de grands amateurs de vins, attachés à leur territoire et à ses valeurs. Ils leur ont proposé de devenir propriétaires fonciers et ambassadeurs de leurs vins. « Il a fallu trouver le montage juridique le plus pertinent et le plus intéressant pour des investisseurs extérieurs, que ce soit au niveau fiscal ou de la rémunération du capital, explique Laurianne Revidon, juriste de Vinovalie. Créer un GFA, groupement foncier agricole, nous a semblé être la meilleure solution. »

GFA à capital variable

Destiné à investir dans le vignoble de Gaillac, le GFA Astrolabe naît alors en mars 2011, après une année de travail. Les investisseurs souscrivent des parts de 15 000 euros et peuvent déduire 75 % du montant investi de l'assiette taxable de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dans la limite de 100 000 euros. Ils bénéficient aussi de 75 % de réduction sur les droits de succession s'ils transmettent leur bien.

Le GFA est à capital variable. Il n'y a pas de limite supérieure à l'investissement. En revanche, lorsqu'il s'agit de prendre des décisions, chaque investisseur ne possède qu'une seule voix, quel que soit le nombre de ses parts.

Neuf investisseurs font ainsi partie de ce premier GFA. Sept d'entre eux ont acheté trois parts et les deux autres possèdent deux parts. Vinovalie est aussi entré dans le GFA, « afin de donner l'exemple », en prenant trois parts, portées par l'union de coopératives. Le GFA Astrolabe se trouve ainsi doté de 420 000 euros, de quoi acheter 42 ha au prix moyen des vignes en AOC Gaillac l'an dernier, selon les statistiques du ministère de l'Agriculture. Le GFA dispose de fonds propres suffisants pour les projets en cours, mais il pourrait recourir à l'emprunt s'il manquait d'investisseurs. « Les actionnaires du GFA tiennent en effet à ce que les nouveaux venus soient cooptés par la majorité des anciens, afin de garder l'aspect convivial d'un petit club dont les membres aiment à se retrouver autour d'une bonne table et d'un bon verre », précise Francis Terral. Comme dans tout GFA, personne n'est propriétaire d'une parcelle en particulier. Chacun participe globalement au maintien du patrimoine viticole régional. Les caves de Rabastens et de Técou proposeront d'ailleurs aux investisseurs devenus porte-drapeau du vignoble de passer un moment dans les vignes ou sur les exploitations pour leur faire partager la vie des vignerons.

Installation des jeunes

En contrepartie de leur financement, les investisseurs perçoivent chaque année, pour chaque part, 95 bouteilles de vin de cépage de la cuvée Astrolabe, lancée pour l'occasion.

« Nous avons créé quatre produits, précise Francis Terral. Deux issus du Gaillacois, à base des cépages autochtones loin de l'œil et braucol, un vinifié à la cave de Fronton mettant en œuvre la négrette et un vinifié à la cave des Côtes d'Olt à base de malbec. Les investisseurs du GFA Astrolabe recevront un panachage de ces quatre cépages. »

Grâce au GFA Astrolabe, les caves de Rabastens et de Técou disposent de fonds pour aider à l'installation de jeunes ou aider un vigneron adhérent à reprendre des vignes. Les dossiers de rachat sont étudiés, en amont, par un groupe de viticulteurs constitué des présidents et vice-présidents des caves et des vignerons concernés par la vente et la reprise. Ils estiment la valeur des terres avec les experts de la Safer.

Si le projet est viable, il est soumis aux investisseurs du GFA, qui décident de racheter les parcelles et de signer un bail à long terme (vingt-cinq ans minimum) avec le repreneur. Ce dernier s'acquitte alors d'un fermage au tarif des baux en cours sur le vignoble.

Le GFA Astrolabe a déjà réalisé deux achats sur le Gaillacois. Les prochaines étapes consisteront à créer des GFA pour Fronton et Cahors, mais aussi à faire savoir que ce dispositif existe pour les jeunes candidats qui n'ont pas les moyens d'acheter des vignes pour s'installer.

Le Point de vue de

« J'ai repris 9 ha de mon voisin »

Christian Malet, 48 ans, président de la cave de Técou, 45 ha à Castelnau-de-Montmiral (Tarn).

Christian Malet, 48 ans, président de la cave de Técou, 45 ha à Castelnau-de-Montmiral (Tarn).

« À six ans de la retraite, mon voisin viticulteur, qui n'avait pas de successeur, a décidé d'arrêter son activité viticole. Il vendait son vin en vrac, mais ce n'était plus assez rémunérateur. Il n'y a quasiment plus de courtiers sur Gaillac. Il ne voulait pas vendre ses 9 ha de vignes à un autre exploitant, car elles sont très proches de sa maison. Il ne voulait pas non plus les arracher, car les vignes, c'est sacré ! Le GFA Astrolabe les lui a rachetées et je les ai reprises en fermage. Pour mon voisin, ce n'était pas comme si un autre viticulteur lui prenait ses terres. Ce principe était plus acceptable pour lui. Cela a permis de sauvegarder une vigne et de fournir 9 ha supplémentaires de raisin à la cave, ce qui sécurise son activité. De mon côté, j'ai agrandi mon exploitation et j'ai pu embaucher mon voisin qui continue à entretenir les parcelles qu'il a vendues. Tout le monde est gagnant. »

Le Point de vue de

Nicolas Rech, 35 ans, viticulteur sur 36 ha dont 18 en fermage, à Senouillac (Tarn).

« Je n'avais pas les moyens d'acheter »

« Je cultive 18 ha de vignes que je loue à un GFA familial. En 2010, le propriétaire, installé loin de Gaillac, a décidé de les vendre. Ce viticulteur ne voulait pas transmettre à ses enfants un bien dont ils ne se serviraient pas et qui serait plus une source de souci qu'autre chose. Pour ma part, je n'avais pas les moyens de les racheter. Heureusement, le GFA Astrolabe venait d'être créé et il a pu reprendre à ma place ces 18 ha. C'est désormais à lui que je les loue et que je paye le fermage, un peu moins cher qu'avant. Cela m'apporte la stabilité dont j'ai besoin. Par la suite, si j'en ai les moyens, je rachèterai ces vignes pour les inclure à mon exploitation. »

Cet article fait partie du dossier Transmission : L'affaire d'une vie

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REPÈRES

Técou et Rabastens : deux caves coopératives membre de l'Union Vinovalie, 130 000 hl, 2 000 ha, 200 adhérents.

Un GFA : l'Astrolabe.

Neuf investisseurs.

420 000 euros de capital.

L'essentiel de l'offre

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