Retour

imprimer l'article Imprimer

DOSSIER - Transmission - Transmission : L'affaire d'une vie

5. Dans les coops « Un plan pour sauver 900 hectares »

Chantal Sarrazin - La vigne - n°236 - novembre 2011 - page 100

Entre 2000 et 2010, le vignoble de Marrenon a fondu de 1 000 ha. L'entreprise vient d'adopter un plan en deux volets pour éviter d'en reperdre autant dans les cinq ans à venir.
Johann Chassaing, à droite, avec le technicien de la cave de Cucurone, chez un viticulteur bénéficiaire de leur plan de développement amont. © J. NICOLAS

Johann Chassaing, à droite, avec le technicien de la cave de Cucurone, chez un viticulteur bénéficiaire de leur plan de développement amont. © J. NICOLAS

Le compte à rebours a commencé. D'ici 2015, 1 800 ha de vignes, actuellement dans le giron de Marrenon, vont changer de mains. C'est pratiquement le quart de la surface exploitée par les adhérents de ce groupement de producteurs basé à La Tour-d'Aigues, dans le Vaucluse. Car les coopérateurs du groupe ont 55 ans en moyenne. Beaucoup vont partir à la retraite. D'ici leur départ, c'est une véritable course contre la montre qui s'engage pour l'entreprise et ses neufs caves adhérentes.

Sur les 1 800 ha, le groupement de producteurs estime que la moitié menace de lui filer entre les doigts. Il sait de quoi il en retourne. Entre 2000 et 2010, Marrenon a perdu 1 000 ha de vignoble, vendus par leurs exploitants faute de repreneurs. L'entreprise veut empêcher que ce scénario se renouvelle. Mais la tâche s'annonce difficile.

Vente des terres

Son vignoble pousse sous le soleil du Lubéron, un parc naturel prisé des investisseurs et des cadres supérieurs de Marseille et d'Aix-en-Provence à la recherche de nids douillets à la campagne. Une bâtisse entourée de vignes : pour eux c'est le rêve ! Ils sont prêts à y mettre le prix. Difficile de résister à la tentation de leur vendre lorsqu'on n'a pas de successeur.

Mais pour la cave, chaque lopin de terre perdu, c'est du volume en moins et des coûts de vinification en hausse. La rémunération perçue par le coopérateur risque d'être absorbée par les coûts fixes. « C'est ce que nous voulons absolument éviter, annonce Johann Chassaing, responsable développement et technique amont. Il en va de la pérennité de nos structures. »

Marrenon l'a recruté en octobre 2010 pour lancer la réflexion sur la transmission des exploitations avec ses neuf caves adhérentes. Cela a donné lieu à un plan de développement amont dont les grandes lignes sont arrêtées. Premièrement, il s'agit de rendre les exploitations plus rentables pour en faciliter la transmission. Deuxièmement, il est question de favoriser l'installation de jeunes.

« Sur le premier point, nous avons déjà parcouru du chemin, observe Johann Chassaing. La cave cible des marchés à plus forte valeur ajoutée. Elle a mis en place un programme de sélection parcellaire qui lui permet d'adapter le profil des vins à la demande des acheteurs. Cela s'accompagne d'une stratégie marketing avec la création de marques, d'animations commerciales, etc. » Ce travail porte ses fruits. Les caves adhérentes à Marrenon ont augmenté la rétribution des coopérateurs au cours des deux dernières campagnes. Le plan prévoit d'autres actions, comme l'optimisation des itinéraires techniques afin de réduire les coûts de production du raisin. « Nous avons travaillé sur des modèles économiques théoriques, dit Johann Chassaing. Ils nous permettent de donner des conseils adaptés aux viticulteurs. » Il est question d'inciter à l'irrigation ou au pilotage de la fertilisation là où il est nécessaire d'augmenter les rendements.

Conseils pour la transmission

Marrenon envisage aussi des aides à la trésorerie des coopérateurs sous forme d'avance pour financer les plantations, les traitements, la fertilisation… « Ces avances existent déjà au sein de certaines caves, notamment pour les primes à la plantation. Nous souhaitons les rendre plus systématiques », poursuit le jeune homme. Le groupe veut aussi encourager la création de Cuma et favoriser les achats groupés.

Quant à l'autre volet du plan – l'installation des jeunes – il s'articule autour de deux sortes de mesures. D'abord, donner aux adhérents de plus de 55 ans des conseils sur les modalités juridiques et fiscales de la transmission de leur exploitation. Un courrier leur proposant un rendez-vous avec un conseiller spécialisé de la chambre d'agriculture leur a été adressé. « Nous rencontrerons les viticulteurs intéressés. Certains ont des successeurs. D'autres n'en ont pas et n'ont pas toujours préparé la transmission de l'exploitation. Nous allons étudier ce sujet ensemble et leur fournir les solutions adaptées. »

Justement, Marrenon propose à ceux qui n'ont pas de successeurs de les mettre en contact avec des candidats potentiels. La cave va proposer à des élèves de lycées agricoles des stages au sein d'exploitations en situation de transmission. Ils commenceraient ainsi à travailler avec les futurs retraités, à la manière d'un parrainage. Si l'entente est bonne, les jeunes pourraient reprendre.

Motiver les jeunes c'est bien, mais il faut aussi rassurer les anciens prêts à donner à bail leur exploitation. D'où l'idée d'impliquer les caves. Elles se porteront caution du paiement du loyer en cas de défection du fermier. Ce dernier s'engagera à accepter que le loyer soit pris sur sa récolte. Il devra aussi s'engager à respecter un cahier des charges sur l'entretien du vignoble qui sera défini entre les trois parties.

Ce plan est en cours de lancement. Tous les ans, il fera l'objet d'un bilan des actions conduites.

Un important travail de concertation

En juin dernier, les neuf caves adhérentes à Marrenon ont adopté le plan de développement amont. « Avant cela, il y a eu un important travail de concertation, souligne Johann Chassaing, responsable développement économique et technique amont. En effet, l'ensemble des caves devait s'entendre sur un projet commun. » Au sein de chacune d'elle, des groupes de réflexion se sont réunis à plusieurs reprises pour définir les actions à mettre en œuvre. Pour les aiguiller, elles ont fait intervenir des experts des chambres d'agriculture, de l'Adasea, etc. De son côté, Johann Chassaing, agronome de formation recruté voilà un an pour coordonner le projet, a fait un tour de France des coopératives confrontées à la même problématique. Il a ainsi pu enrichir le canevas des propositions.

Aller au-devant des jeunes

Changer l'image de la coop auprès des jeunes est aussi l'un des axes du plan de développement amont adopté par Marrenon. « Les coopératives ont une image désuète à leurs yeux, ce qui ne les incite pas à reprendre les exploitations de coopérateurs, remarque Johann Chassaing. Aussi, nous allons nous rendre dans les lycées agricoles régionaux pour présenter l'activité du groupe. Marrenon ce n'est pas uniquement un caveau de vente au grand public. C'est une entreprise qui exporte partout dans le monde, à Hong Kong, aux États-Unis et ailleurs, et qui développe des marques, de nouveaux packagings… » La coopérative en profitera pour leur présenter les stages proposés au sein d'exploitations détenues par des viticulteurs proches de la retraite.

Cet article fait partie du dossier Transmission : L'affaire d'une vie

Consultez les autres articles du dossier :

REPÈRES

Marrenon : groupement de neuf caves coopératives du Luberon.

7 645 ha, 1 200 adhérents.

440 000 hl, AOC Luberon et Ventoux, IGP Méditerranée.

80 % de la production de l'AOC Luberon.

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :