Un drapeau tricolore flotte au sommet d'une bouteille de vin. Un message clair accompagne l'image : « Monsieur le président de la République, l'interprofession des vins du Roussillon vous offre cette bouteille, symbole de ce vin "made in France" qui mérite lui aussi d'être soutenu» Alors que, depuis quelques semaines, les candidats à la présidentielle martèlent que, pour relancer l'économie, il faut produire et consommer français, le Roussillon a voulu souligner combien cette devise s'applique au vin.
« La production de vin français n'est pas délocalisable ! »
Avant Noël, l'interprofession a adressé une bouteille de son meilleur cru, étiquetée du visuel, au président de la République Nicolas Sarkozy. Elle a aussi offert une bouteille au Premier ministre François Fillon, au ministre de l'Agriculture Bruno Le Maire, au secrétaire d'État chargé du commerce extérieur Pierre Lellouche et au président du Conseil constitutionnel Jean-Louis Debré. Les quotidiens régionaux « L'Indépendant » et « Midi-Libre » ainsi que les titres de presse « Le Parisien » et « Métro », ont publié cette publicité dans leurs pages les 22 et 23 décembre derniers.
« Dans leurs discours de campagne, les politiques ne font aucune référence au vin, s'étonne Jean-Louis Salies, président du Comité interprofessionnel des vins du Roussillon. Pourtant, nos appellations viticoles sont un des meilleurs exemples de l'origine France. Nous voulons rappeler que la production de vin français n'est pas délocalisable ! Et que notre filière pèse dans l'économie du pays. » En effet, les vins et spiritueux représentent le deuxième secteur d'exportation français en valeur. Il génère plus de 200 000 emplois directs et indirects, dont 142 000 équivalents temps plein dans les exploitations viticoles, 32 000 salariés dans les entreprises du négoce, 5 300 cavistes et d'autres emplois liés au vin dans la distribution alimentaire et la restauration. En 2010, près de 88 % des ménages français ont acheté du vin tranquille pour le consommer chez eux, 93 % de ces achats en volumes étant des vins français (source FranceAgriMer).
La viticulture favorise l'aménagement du territoire
« Cette opération est une bonne idée, car il est clair que la filière vitivinicole a un poids important dans la balance commerciale du pays, assure Benoît Stenne, délégué général adjoint de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS). En particulier le négoce, puisqu'il est un acteur majeur de l'exportation. » D'après la FEVS, les vins français devraient avoir conforté ce poids en 2011. Le chiffre d'affaires des exportations de vin était remonté à 6,2 milliards d'euros en 2010. Fin novembre 2011, ce chiffre avait déjà dépassé celui de 2010, soit 6,3 milliards d'euros sur les onze premiers mois de 2011. « Le déficit de la balance commerciale française avoisine les 75 milliards d'euros, note Benoît Stenne. Si le vin peut apporter un excédent, c'est bien ! » Il remarque également que la viticulture favorise l'aménagement du territoire, l'activité économique des régions et que certaines industries dépendent fortement d'elle.
Le vin « made in France » pourrait bien devenir le thème d'une campagne de communication à long terme. Pour les vins du Roussillon, et peut-être pour d'autres. « Beaucoup de nos adhérents, mais aussi des producteurs de la France entière nous ont félicités, relate Jean-Louis Salies. Deux ou trois interprofessions sont prêtes à nous suivre pour prolonger l'opération. »
Un message trop peu entendu
Interrogé sur le sujet, Michel Issaly, président des Vignerons indépendants de France, a salué l'initiative. « Les interprofessions envoient des bouteilles de leur région aux politiques tout au long de l'année. C'est dommage d'avoir à répéter au président et au gouvernement que le vin est ancré dans la culture française et qu'il pèse dans l'économie sans que le message semble être entendu », déplore-t-il toutefois.
Son souhait pour 2012 ? « Que Nicolas Sarkozy goûte enfin avec plaisir à la gastronomie et au vin français. » Peut-être une bonne résolution pour le président de la République cette année.
L'Armagnac veut faire jouer l'esprit patriotique
Le Bureau interprofessionnel de l'armagnac (BNIA) 'est aussi impliqué dans le débat du « produire français ». Dans un communiqué de presse paru fin décembre, l'interprofession a appelé à ne pas oublier les AOC. « Je suis choqué qu'on ne parle pas de nos vins, de nos produits d'AOP et IGP, qui sont bien français et dont la totalité de la valeur ajoutée est faite en France, contrairement à beaucoup d'industries qui délocalisent », regrette Pierre Tabarin, président du BNIA.
Il remarque que les Français ne consomment que 2 millions de bouteilles d'armagnac par an, mais près de 200 millions de bouteilles de whisky, produit en majorité à l'étranger. Pour les encourager à consommer des eaux-de-vie françaises, le BNIA réfléchit à poursuivre cette communication.
Et peut-être à s'unir aux vins du Roussillon et à d'autres interprofessions pour défendre le patrimoine gastronomique de l'Hexagone.
REPÈRE
Made in France
Selon la réglementation, on peut étiqueter « Made in France » les produits « entièrement obtenus en France » ou qui « y ont subi la dernière transformation ou ouvraison substantielle ».
Cette dernière contrainte étant imprécise, ProFrance a créé en mai 2011 la marque « Origine France garantie ». Pour l'obtenir, un produit doit « prendre ses caractéristiques essentielles en France et au moins 50 % de son prix unitaire », ce que vérifie Bureau Veritas certification. Une centaine d'entreprises sont labellisées ou en cours de l'être parmi lesquelles Kronenbourg, Rossignol ou Vuillet Vega.