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DOSSIER - Recensement agricole : Le nouveau visage de la viticulture

VALLÉE DU RHÔNE La fin du tout AOC

Chantal Sarrazin - La vigne - n°238 - janvier 2012 - page 39

Baisse du nombre d'exploitations, de la surface viticole, du salariat… Dans le Vaucluse et la Drôme, les premières tendances du RGA reflètent l'adaptation des vignerons à la crise.
La viticulture dans le Vaucluse et dans la Drôme

La viticulture dans le Vaucluse et dans la Drôme

« Avec la crise amorcée en 2004, les exploitations ont repensé leur modèle économique, souligne Brice Eymard, responsable du service économique à Inter-Rhône. Des particuliers se sont lancés dans une activité de négoce. Des coopératives également. Résultat : la frontière n'est plus aussi étanche entre coopératives, caves particulières et négoce. Même chose pour la production, où le schéma unique de l'AOP rouge a vécu. De nouveaux produits sont apparus. »

Les chiffres du recensement général agricole dans le Vaucluse et la Drôme, les deux principaux départements pourvoyeurs de vins de la vallée du Rhône, illustrent cette mutation.

Transformation des coopérateurs

Le nombre d'exploitations spécialisées en viticulture a reculé de 17 % dans le Vaucluse, pour s'établir à 3 199 en 2010. La baisse est identique dans la Drôme, où l'on n'en compte plus que 977. « Ce recul provient majoritairement de la diminution du nombre de coopérateurs, estime Christian Palleiro, conseiller spécialisé au Centre d'études et de gestion rurales de Tulette, dans la Drôme. Ils ont été touchés de plein fouet par la crise viticole. »

Certains apporteurs en cave coopérative ont vendu leur exploitation à des vignerons indépendants, d'autres ont fait le pari difficile de s'installer en cave particulière. Devant la chute de leurs effectifs, des coopératives ont fusionné (Cellier des Dauphins et Enclaves des Papes), d'autres ont ouvert des structures de négoce (Balma Vénitia, Vignerons de caractère…). Les caves particulières ont mieux résisté. « Les cessations d'activité sont moins nombreuses qu'au sein du secteur coopératif, observe Pierre Saysset, directeur des Vif du Vaucluse. Nos adhérents sont en prise directe avec le marché. Ils ont anticipé les difficultés. Ils ont réduit leurs investissements ou leur personnel, revu la taille de leur exploitation à la hausse ou à la baisse. Certains ont développé une activité de négoce. »

Les salariés permanents à temps plein font les frais de ces économies : leur effectif recule de 20 % chez les viticulteurs du Vaucluse.

Autre signe des difficultés rencontrées : la diminution de la surface en vigne. Dans la Drôme, elle recule de 16 % pour atteindre 16 200 ha. Le recul est un peu moins marqué dans le Vaucluse : - 12 % pour arriver à 50 930 ha (raisins de table inclus).

Dans la Drôme, la déprise s'accompagne d'une augmentation de la surface moyenne en vigne : 14,1 ha contre 12,9 en 2000. « Dans ce département, les viticulteurs ont compensé la baisse du chiffre d'affaires à l'hectare par l'augmentation de la taille de leur vignoble », constate Christian Palleiro. Dans le Vaucluse, la surface moyenne des exploitations viticoles est stable à 18 ha.

Dans le même temps, les exploitations se spécialisent fortement. Surtout dans le Vaucluse. Désormais, 82 % de celles qui ont de la vigne sont spécialisées dans cette production contre 77 % il y a dix ans. Ces exploitations spécialisées cultivent les neuf dixièmes du vignoble du département. Elles sont moins nombreuses dans la Drôme (66 % en 2010) où beaucoup continuent de cultiver de la vigne et des vergers.

L'éventail des productions s'étoffe. Dans le Vaucluse, 95_% du vignoble est sous signe de qualité. Cependant, « les superficies en AOP ont diminué de 16 % à 38 100 ha. Or, au même moment , celles sous IGP ont bondi de 3 600 à 6 300 ha ! », souligne Guillaume Nieuwjaer, chef du pôle études et prospectives à la Draaf Paca. La baisse du rendement maximal autorisé en Côtes-du-Rhône, décidé par la profession au plus fort de la crise, a conduit les viticulteurs à se tourner vers les IGP pour retrouver des marges et de la rentabilité.

Nouvel enjeu

« Le système tout AOC rouge est dans l'impasse, commente Brice Eymard. Sur ce segment, la vallée du Rhône a de sérieux compétiteurs, tel Bordeaux. Les opérateurs ont cherché d'autres relais de croissance. » L'IGP Méditerranée en est un. L'essentiel de la production se concentre en Vaucluse. Elle avoisine les 400 000 hl dont plus de 40 % en rosé, soit des volumes multipliés par quatre en dix ans.

Le vignoble se diversifie également dans le bio. Dans la Drôme, 15 % des exploitations sont certifiées, 11 % dans le Vaucluse.

Un nouvel enjeu attend le vignoble rhodanien : le renouvellement des exploitants. Ainsi, dans le Vaucluse, 19 % des chefs d'exploitation ont moins de 40 ans contre 24 % en 2000. À l'autre bout, ils sont un tiers à avoir plus de 60 ans, dont beaucoup n'ont pas de successeur. Une autre raison de se faire des cheveux blancs !

Le Point de vue de

Pascal Maillet, domaine de la Berthête, à Camaret-sur-Aigues (Vaucluse). 33 ha en 2000, 50 ha en 2010

« J'ai commencé à vendre en Chine »

Pascal Maillet, à droite, en compagnie d'un de ces clients chinois.

Pascal Maillet, à droite, en compagnie d'un de ces clients chinois.

« Je me suis agrandi en 2004 afin de répondre à de nouveaux débouchés, que j'ai trouvés en Grande-Bretagne et aux États-Unis, sur mes trois catégories de produits : côtes-du-rhône, villages et vins de pays. Dans la foulée, j'ai acquis un nouveau pressoir et augmenté ma capacité de vinification de 900 hl. J'ai également recruté un salarié à temps plein pour m'épauler en cave. Ces investissements ont eu lieu un an avant l'entrée des côtes-du-rhône en crise. Par chance, les récoltes des trois années qui ont suivi ont été petites. Dans le même temps, j'ai concrétisé des prises de position aux États-Unis et j'ai commencé à vendre mes vins en Chine. Je m'y étais rendu une première fois en 2004. Ces contacts ont porté leurs fruits en 2007. Aujourd'hui, je commercialise 40 % du volume produit, 1 700 hl en moyenne, dans ce pays. L'export représente 50 % de mes ventes. J'expédie tout en bouteilles, contre 5 % il y a dix ans. Ce passage à la vitesse supérieure m'a permis de faire des économies d'échelle, d'autant que les acheteurs rechignent à accepter les hausses tarifaires d'une année sur l'autre. En 2009, j'ai créé un négoce spécialisé dans la vente de vins du sud de la France en Chine qui représente aujourd'hui 300 000 cols. Ce nouveau cap m'a permis de comprimer les coûts d'achat des matières premières et de promouvoir davantage mon domaine, car, tous les ans, je reçois mes importateurs chinois et américains sur la propriété en compagnie de leurs clients. Autour de moi, je vois de plus en plus de vignes à l'abandon et, dans le même temps, de plus en plus de vignes en cours de restructuration grâce aux aides. Les gens ne plantent plus que des vignes palissées pour récolter à la machine. Du côté des syndicats, je trouve que les Vignerons indépendants nous informent mieux qu'autrefois des évolutions réglementaires, fiscales, sociales… »

L'essentiel de l'offre

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