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DOSSIER - Bonnes nouvelles de nos régions

Vallée du Rhône L'investissement repart

CHANTAL SARRAZIN - La vigne - n°282 - janvier 2016 - page 34

La remontée des cours des vins produits dans la vallée du Rhône améliore le revenu des vignerons et les encourage à investir de nouveau. Quant au négoce, il voit cette évolution d'un bon oeil, mais s'alarme du prix des vins.
HUGUES MEFFRE et sa fille. À la tête d'un vignoble de 300 ha, il profite de la hausse des cours pour investir. © C. SARRAZIN

HUGUES MEFFRE et sa fille. À la tête d'un vignoble de 300 ha, il profite de la hausse des cours pour investir. © C. SARRAZIN

MICHEL BELLIER (au centre), coopérateur sur 50 ha à Tulette, entouré de ses fils, Mickaël et Jérémy, qui l'ont rejoint sur l'exploitation.

MICHEL BELLIER (au centre), coopérateur sur 50 ha à Tulette, entouré de ses fils, Mickaël et Jérémy, qui l'ont rejoint sur l'exploitation.

VINCENT RATZ, directeur de Louerion Terres d'Alliance, à Cucuron (Vaucluse).

VINCENT RATZ, directeur de Louerion Terres d'Alliance, à Cucuron (Vaucluse).

« Nous relançons les investissements, se félicite Hugues Meffre, propriétaire du Bois des Dames, à Violès (Vaucluse). Jusqu'en 2012, nous avons gelé le remplacement des manquants et l'acquisition de matériels et réduit les traitements à cause de la chute des cours débuté en 2004. »

Depuis 2010-2011, le cours du côtes-du-rhône remonte. Après avoir plongé à 89 €/hl en 2004-2005, il s'est établi à 138,90 €/hl de moyenne en 2014-2015. Idem pour le côtes-du-rhône-villages, qui est remonté de 124 à 167 €/hl. Ces deux appellations représentent 55 % de la superficie du vignoble de Hugues Meffre, qui s'étend sur 300 ha. Le reste est planté en côtes-du-rhône-villages Plan-de-Dieu (30 %) et en gigondas et châteauneuf-du-pape (10 %).

Ce viticulteur vend tout au négoce, en vrac ou avec mise en bouteilles à la propriété, soit l'équivalent de 1,5 million de cols. La hausse des cours lui a permis de financer un agrandissement de sa cuverie de plus de 4 000 hl l'an passé. « Nous sommes plus à l'aise pour vinifier, ce qui nous permet d'être davantage réactifs à la demande de nos clients. »

Depuis 2013, il renouvelle son parc de tracteurs. « Nous rattrapons également le retard accumulé dans les vignes. » Depuis 2010, il replante 6 ha par an : du grenache, de la syrah et du mourvèdre. Il a souscrit aux deux plans de restructuration collectifs portés par le Syndicat général des vignerons des Côtes du Rhône depuis 2010. « C'est nécessaire pour recoller au rendement de base de l'appellation Côtes du Rhône, qui est de 51 hl/ha », observe-t-il.

Aujourd'hui, Hugues Meffre se dit « confiant en l'avenir ». D'autant que le côtes-du-rhône-villages Plan-de-Dieu, l'une de ses productions phares, se porte à merveille. L'appellation créée en 2010 est devenue le premier « village » avec un nom géographique des Côtes du Rhône en volume, avec près de 35 000 hl. À 210 €/hl en 2014-2015, il s'est vendu plus cher que le côtes-du-rhône-villages.

La trésorerie des coopérateurs rhodaniens s'améliore. « Le revenu de nos adhérents redevient rémunérateur. En 2014-2015, il s'est établi entre 5 000 et 6 000 €/ha, frais de vinification déduits », annonce Bernard Roustan, directeur de la coopérative Costebelle, à Tulette (Drôme), qui a vinifié 94 000 hl en 2015.

Avec un temps de retard, les coopérateurs commencent tout juste à bénéficier des effets de la hausse des cours. « En 2012, nous avons subi le gel, et en 2013, la coulure. Les rendements ont été insuffisants pour que la hausse des prix se répercute totalement sur le revenu des exploitations », explique Serge Roux, président de la coopérative du Nyonsais et du Cellier des Dauphins. Heureusement, la récolte 2014 s'est négociée au prix record de 139 €/hl de côtes-du-rhône. Mais, là encore, il a fallu patienter. « Nous n'avons reçu le premier acompte qu'en avril 2015 pour la récolte 2014, observe Michel Bellier, vigneron à Tulette (Drôme), sur 50 ha. Et, il faudra attendre début 2016 pour percevoir le solde. »

Ses deux fils, Jérémy, 24 ans, et Mickaël, 20 ans, l'ont rejoint sur l'exploitation en 2014. L'aîné s'est installé à son nom, le cadet, lui, est venu en tant qu'aide familial. « Ils n'auraient pas forcément franchi le pas si la situation ne s'était pas améliorée, estime leur père. Avec leur arrivée, nous avons acquis 3 ha et nous allons bientôt racheter 4 ha supplémentaires. »

Son cas n'est pas isolé. « Les vignerons n'hésitent plus à étendre leurs exploitations en rachetant des parcelles proches des leurs, indique Philippe Pellaton, président du Syndicat général des vignerons des Côtes du Rhône. D'autres replantent de la vigne en IGP sur des parcelles qu'ils avaient supprimées lors des plans d'arrachage. »

Les appellations périphériques, elles aussi, retrouvent du souffle. « Le cours moyen du ventoux s'est fixé à 118 €/hl en 2014-2015 », annonce Yves Favier, président du syndicat de l'appellation. Résultat, quelque 300 ha ont été restructurés entre 2010 et 2015.

Dans le Luberon, « nous avons profité de l'engouement pour le rosé qui représente 40 % de nos volumes, souligne Vincent Ratz, le directeur de la coopérative Louerion Terres d'Alliance, à Cucuron (Vaucluse), qui produit 45 000 à 50 000 hl par an. Nous l'avons commercialisé entre 115 et 120 €/hl en 2014-2015, c'est un peu plus que les rouges. » En outre, l'appellation a subi peu de pertes de récolte en 2012 et 2013. Aussi, les coopérateurs ont-ils vu leur revenu s'améliorer dès 2013.

De son côté, la coopérative a relancé les investissements après avoir fusionné en 2009 avec des caves voisines. L'an passé, elle a engagé 270 000 euros dans l'achat d'équipements de vinification plus performants.

Pour le négoce, l'amélioration du revenu des vignerons est une bonne chose. « Elle rend possible la rénovation du vignoble vieillissant », commente Thomas Giubbi, le directeur général de la Compagnie Rhodanienne, à Castillon-du-Gard.

Cependant, « la hausse du cours a été trop brutale, avec 30 % d'augmentation en quatre ans, rappelle Étienne Maffre, président de l'Union des maisons de vins du Rhône (UMVR). En 2014, nous avons diminué nos marges, mais, en 2015, nous avons été contraints de répercuter la hausse sur nos prix de vente. » Aujourd'hui, les négociants pointent du doigt les mauvais scores du vignoble. « Nous avons dépassé des seuils de prix psychologiques, relève Thomas Giubbi. Les ventes et les sorties de chais des vins de la vallée du Rhône sont en recul. Nous avons retiré les volumes contractualisés en 2015, mais nous ne les avons pas encore commercialisés. Nous portons du stock. »

Pour la production, la baisse des sorties de chai s'explique plus par le manque de disponibilité consécutif aux petites récoltes de 2012 et 2013 que la hausse des cours. C'est dans ce contexte que s'ouvre la commercialisation du millésime 2015. Le syndicat des Côtes du Rhône espère une consolidation du prix du vrac à 140 €/hl. Pour le négoce, rien n'est moins sûr.

Les costières-de-nîmes attirent le négoce

 © C. SARRAZIN

© C. SARRAZIN

« C'est une appellation en laquelle nous croyons beaucoup, affirme Thomas Giubbi, directeur général de la Compagnie Rhodanienne (photo ci-contre). Elle n'a pas subi les à-coups volumiques et tarifaires de l'AOC Côtes du Rhône. Nous l'avons proposée comme une alternative au côtes-du-rhône sur plusieurs de nos marchés. Cette année, nous avons lancé la marque Colnem et distribué en exclusivité les vins d'un second domaine. InVivo Wine s'y est aussi implanté avec le rachat, en juin 2015, de Vignobles du Soleil International, un négociant spécialisé dans le vrac et basé à Saint-Gilles (Gard). D'autres négociants les ont précédés. Castel s'approvisionne en costières-de-nîmes depuis le millésime 2014 pour sa marque de rosé Saint-Sagnol. » Les Grands Chais de France ont repris en fermage le Château de la Tuilerie, il y a deux ans. Et la maison Gabriel Meffre y possède le Château Grand Escalion depuis plusieurs années.

+ 29 %

C'est la hausse du cours du côtes-du-rhône rouge entre 2010-2011 et 2014-2015 qui est passé de 108,3 à 138,9 €/hl.

Source : Les Vignerons des Côtes du Rhône, Inter Rhône.

ÇA MARCHE AUSSI...

- Les crus enregistrent de bons résultats en grande distribution française. C'est surtout le cas des crozes-hermitages dont les ventes ont progressé de 14 % sur une période d'un an arrêtée à la mi-octobre 2015. Tandis que les ventes de l'ensemble des vins de la vallée du Rhône reculent de 4 % sur cette même période. « C'est le résultat d'efforts qualitatifs constants, indique Xavier Gomart, le directeur de la coopérative de Tain-l'Hermitage. Notre appellation est aujourd'hui présente dans 100 % des points de vente des GMS. » La plupart des autres crus sont aussi dans le vert : + 4 % pour le vacqueyras, + 5 % pour le tavel et + 1 % pour le saint-joseph.

- Les caves coopératives soutiennent leurs membres de diverses manières. Certaines épaulent les jeunes vignerons en leur versant un premier acompte dès le mois de novembre de l'année de récolte. À Cucuron, dans le Vaucluse, Louerion Terres d'Alliance aide ceux qui prennent des vignes en fermage en leur accordant un prêt à taux zéro pour financer les frais de culture. Un prêt qu'ils remboursent l'année qui suit la reprise du fermage. Par ailleurs, elle va accorder une avance de 2 000 €/ha, en 2016, sur l'aide à la restructuration de FranceAgriMer à ses coopérateurs qui plantent de la syrah.

ÇA POURRAIT ALLER MIEUX...

- Les rendements restent insuffisants. En AOC Côtes du Rhône, ils plafonnent à 46-48 hl/ha alors que le rendement de base de l'appellation se situe à 51 hl/ha. Avec la crise, les vignerons ont délaissé l'entretien du vignoble, entraînant une diminution de la productivité.

- Le côtes-du-rhône bio est en panne de débouchés. Après s'être établi à 181 €/hl en 2011-2012, le cours moyen du bio rouge a flanché à 159 €/hl en 2014-2015, soit 20 € d'écart avec le conventionnel.

L'essentiel de l'offre

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