« En trois jours, je fais le tour du monde de mes clients », témoigne Jean-Pierre Achard, du domaine Achard-Vincent, en AOC Clairette de Die, un pionnier de la viticulture biologique exposant de la première heure, au salon Millésime bio qui s'est tenu du 23 au 25 janvier à Montpellier (Hérault).
« Pour moi, c'est le meilleur salon. J'ai toujours beaucoup de retours. Les clients viennent de partout », confirme Jean-Claude Rasteau. Ce vigneron bourguignon participe à la manifestation depuis sept ans. Il privilégie une clientèle de cavistes et de restaurateurs, car « avec les distributeurs des réseaux bios, on parle prix ; avec les cavistes, on parle vin ».
Développement durable
Présent pour la quatrième année, Jason de Beer, producteur sud-africain à Waverley Hills, dans la région du Cap, estime que ce salon est une formidable occasion pour créer de nouveaux contacts en Europe. « C'est également une occasion unique de rencontrer et d'échanger avec d'autres producteurs en bio. » En Afrique du Sud, seuls une dizaine de domaines sont en bio.
Apprécié des exposants, Millésime bio continue à attirer un nombre croissant de visiteurs : avec 3 360 entrées, la fréquentation progresse de 12 %, un rythme inférieur à celui des autres années. Mais l'édition 2012 a sans doute pâti de la proximité du Vinisud, qui a eu lieu un mois plus tard. De plus, elle n'a pas bénéficié, comme l'an dernier, de la convention d'affaires organisée par Sud de France qui avait drainé 250 acheteurs étrangers.
Dans un contexte porteur où la demande pour les vins bios est encore très soutenue, les organisateurs du salon ont su garder la tête froide, gérant leur croissance. Cette année, seuls les vins certifiés AB étaient admis au salon. Les vins en conversion n'ont pas pu être présentés comme c'était le cas l'an dernier. Des contrôles inopinés réalisés par Ecocert ont permis de recadrer les quelques récalcitrants. Ainsi, le nombre d'exposants (588 cette année) a progressé parallèlement aux visiteurs.
« Pour que ce salon conserve son intérêt, nous veillons à maintenir un ratio exposants/visiteurs qui permette aux exposants de rencontrer un nombre satisfaisant de visiteurs », confie Guy Julien, président de l'AIVB-LR, association qui organise le salon.
Autre résolution des organisateurs : inscrire le salon dans une démarche de développement durable. Ils ont utilisé une moquette recyclable, du papier à la norme PEFC de gestion durable de la forêt et des détergents certifiés sans chlore. Ils réutilisent du matériel d'exposition d'une année sur l'autre (nappes en tissu, verres, crachoirs et mobilier). De son côté, l'association France Cancer a récupéré les bouchons et capsules des bouteilles ouvertes durant le salon.
Un décrochage des prix perceptible
Le doublement annoncé des volumes disponibles entre 2010 et 2012 commence à avoir ses premiers effets sur les cours. « J'ai perdu en moyenne 5 €/hl, témoigne Louis Andrieu, du château La Rèze, dans l'Aude. Mes IGP rouges sont partis à 130 €/hl contre 135 l'an dernier, les blancs à 165 au lieu de 170 et les AOC à 180 euros contre 187 pour le millésime 2011. » Le décrochage des prix est également perceptible sur le côtes-du-rhône vrac.
Une évolution qui n'inquiète pas tout le monde. « C'est magnifique de voir chaque année plus de vignerons sur ce salon, se réjouit de son côté Robert Eden, vigneron en AOC Minervois-La Livinière, présent depuis la première édition. Plus on est nombreux à produire bio, mieux c'est pour notre environnement. »
Un vignoble en croissance
L'inauguration du salon Millésime bio de Montpellier a été l'occasion de rappeler les statistiques sur la viticulture bio. Il apparaît que la France est bonne élève sur le sujet : elle a atteint dès 2010 les objectifs du Grenelle de l'environnement fixés pour 2012, avec un peu plus de 6 % du total du vignoble français en bio. Grâce à une croissance de 28 % en 2010, le vignoble bio français dépasse les 50 000 ha en 2010. Les surfaces en conversion (28 865 ha) vont permettre de doubler les volumes disponibles entre 2010 et 2012. Signe qui ne trompe pas : les vins bios sont de plus en plus présents en grande distribution.
Marché encore embryonnaire, il affiche des taux de progression à faire pâlir : + 28 % en valeur comme en volume en 2010.
Des conversions par conviction
Passer en bio relève plus de la conviction morale que de l'appât du gain, d'après une étude menée en 2010 par Bordeaux école management (BEM) auprès de 939 vignerons indépendants de France. 86 % des vignerons interrogés expliquent leur conversion au bio par le souhait de mieux protéger la nature ainsi que l'environnement et 51 % par des préoccupations philosophiques. 51 % espèrent protéger leur santé et 41 % veulent relever des défis techniques. Seulement 32 % cherchent à augmenter le prix de leur vin et 30 % à répondre à la demande des consommateurs. Autre élément de cette étude : les vignerons de Bourgogne, du Bordelais et de Champagne s'engagent moins vers le bio que ceux des autres régions.