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DOSSIER - Tracteurs : Les chevaux sont lâchés

Tracteurs Les chevaux sont lâchés

MARTIN CAILLON - La vigne - n°241 - avril 2012 - page 24

Les constructeurs ont tous lancé des tracteurs de 100 ch ou plus pour la vigne. Le travail du sol et l'agrandissement des exploitations exigent en effet de la puissance.

Le marché des tracteurs spécialisés de plus de 100 ch a doublé en un an ! 131 tracteurs vignerons et étroits à quatre roues motrices (4 RM) de cette catégorie ont été immatriculés en 2011 en France, contre 66 l'année précédente. Une croissance quatre fois plus rapide que le marché. En effet, toutes puissances confondues, les ventes de tracteurs spécialisés ont progressé de 26 % l'an passé, selon l'Union des industriels de l'agroéquipement (Axema). Ce bond spectaculaire s'accompagne d'une hausse de la puissance moyenne des tracteurs. Néan-moins la catégorie des 100 ch ne contribue encore que pour 6,5 % du total des 2 027 tracteurs spécialisés (vigne et verger) vendus l'an passé.

Aujourd'hui, 60 % des tracteurs spécialisés disposent d'au moins 80 ch sous le capot, contre 55 % il y a seulement cinq ans. « Le modèle type évolue et prend peu à peu des chevaux », constate Siméon Almy, responsable produit chez Same. Entre 2009 et 2011, ce constructeur a vu les ventes de son Frutteto 90 ch progresser de 15 %. Dans le même temps, son modèle de 80 ch baissait de 18 %.

Premier 100 ch viti

En 2005, Claas propose le premier tracteur de 100 ch en viticulture. C'est le modèle 267 de la gamme Nectis. En 2009, la marque renouvelle son offre, remplaçant les Nectis par les Nexos. La motorisation est assurée par un Fiat Power Train 4 cylindres de 4,5 l de cylindrée. De trente et un tracteurs en 2010, les ventes du Nexos 240 devraient approcher la centaine en 2012, selon Simon Loquais, chef produit chez Claas. Les années 2008 et 2009 voient l'arrivée de Fendt et de John Deere sur le créneau des plus de 100 ch. « Il y avait une attente de tels tracteurs pour répondre à l'évolution du matériel de pulvérisation », souligne Antoine Brissart, responsable produit chez Fendt. À cette occasion, Fendt généralise sa boîte de vitesse à variation continue à ses tracteurs spécialisés. Particularité chez Fendt, tous les modèles de 70 à 110 ch sont motorisés par le même bloc Sisu 3 cylindres 3,3 l. Les deux modèles Vario 210 et 211 de 100 et 110 ch comptent aujourd'hui pour plus de 20 % dans le total des ventes de tracteurs spécialisés Fendt.

À la même époque, John Deere développe, dans la série 5000, un 90 et un 100 ch motorisés par le 4 cylindres 4,5 l Power Tech M. Le groupe Argo, lui, renouvelle la gamme Rex de Landini avec un nouveau modèle culminant à 110 ch. Le moteur Perkins 4 cylindres 4,4 l développe 92, 102 et 110 ch, selon les réglages. Ce moteur équipe aussi depuis 2010 la gamme Restyling de Mc Cormick, autre marque du groupe Argo.

Début 2011, c'est au tour de Same de compléter son offre avec un Frutteto de 106 ch. Ce constructeur franchit la barre des 100 ch en boostant l'injection du 4 cylindres 4,4 l installé sur ses 85 et 96 ch. Le même moteur de 106 ch se retrouve sous les couleurs de Deutz et Lamborghini.

Dernier arrivé sur le marché des plus de 100 ch, le goupe CNH a exposé au Sitévi 2011 un modèle de 106 ch nommé Quantum 105 chez Case et T 4060 chez New Holland. Le moteur NEF 4 cylindres et 4,5 l qui équipe déjà le 95 ch gagne une dizaine de chevaux grâce à une injection plus performante.

Un marché limité

Trop d'offres pour un si petit marché ? C'est l'impression de certains concessionnaires. Car les tracteurs puissants n'ont pas leur place partout. Les établissements Bortollussi à Saint-Émilion (Gironde) n'ont par exemple vendu qu'un tracteur de 90 ch en trois ans. Chez ce concessionnaire New Holland, la demande se porte principalement vers le modèle 68 ch.

Le marché des tracteurs de 100 ch se trouve plutôt dans les vignobles de 2,50 m et plus du Sud-Ouest et du Sud-Est. Ainsi, quinze Nexos 240 de 100 ch sont sortis de la concession Claas de Servian, dans l'Hérault, en 2011. L'offre intéresse des exploitations de grande taille ou dont la surface s'est agrandie. Elle concerne aussi les exploitations qui s'orientent vers un retour au travail du sol. Pour l'instant, l'essentiel du marché est tourné vers une puissance un peu plus modeste. Chez Case, le modèle le plus vendu est le Quantum 75. Il développe 78 ch, tout comme son équivalent chez New Holland, le T 4030. John Deere commercialise principalement son 5080 de 80 ch et Landini son Rex 90 de 82 ch.

Claas et Fendt revendiquent de se situer un degré au-dessus sur l'échelle des puissances. Claas vend principalement le Nexos 230 de 88 ch et Fendt le 209 Vario de 90 ch. Les deux constructeurs notent une progression de la puissance, mais dans le segment des plus de 100 ch.

La puissance : une affaire d'injection

3,3 ou 4,5 l ? La puissance n'est pas qu'une affaire de cylindrée. Le turbo, qui augmente la pression d'alimentation en air ; l'intercooler, qui abaisse la température des gaz d'admission ; la rampe commune, qui injecte le carburant à très haute pression pour optimiser la combustion sont autant de facteurs qui permettent aux constructeurs de produire des puissances différentes à partir d'un même bloc-moteur. Rien que le réglage de la pompe d'injection pour introduire plus ou moins de carburant dans les cylindres permet d'obtenir d'un même blocmoteur 80, 90, 100 ou 110 ch. Les constructeurs se chargent ensuite de distinguer leurs tracteurs par leur nom et… par leur prix, facturant 1 500 à 2 000 euros les 10 ch supplémentaires.

Le Point de vue de

Franck Loriot, technicien banc d'essai et directeur de l'association Top moteur Sud-Est

« 90 à 108 ch pour un même tracteur selon la norme retenue »

Franck Loriot, technicien banc d'essai et directeur de l'association Top moteur Sud-Est © M. CAILLON

Franck Loriot, technicien banc d'essai et directeur de l'association Top moteur Sud-Est © M. CAILLON

« Au début des années quatre-vingt-dix, on mesurait la puissance des moteurs avec la norme DIN 70020. Celle-ci prenait en compte tous les éléments du moteur : refroidissement, filtre à air et pot d'échappement. Puis la norme ECE R24 est arrivée, suite au développement des ventilateurs viscostatiques. Selon cette norme, on débraye le ventilateur pour déterminer la puissance du moteur. Au début des années 2000, les choses se sont encore compliquées avec l'apparition de trois normes assez semblables, ISO TR 14396, 97/68/ CE et 2000/25/CE qui retiennent la puissance brute du moteur sans le ventilateur ni le radiateur. Aujourd'hui, chaque constructeur choisit la norme la plus favorable pour lui, ce qui rend les comparaisons difficiles. Un tracteur avec ventilateur viscostatique de 100 ch DIN peut annoncer 104 ch ECE R 24 et 108 ch ISO.

Mais au banc d'essai, selon la norme OCDE, on peut trouver 90 ch seulement. Nous mesurons en effet la puissance à la prise de force et non plus au volant moteur pour prendre en compte les pertes dues à la transmission. Heureusement, depuis la norme antipollution Tier 3, la puissance annoncée par les marques est plus conforme à la réalité. »

L'essentiel de l'offre

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