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VIGNE

Prudence avec les produits alternatifs

Ingrid Proust - La vigne - n°242 - mai 2012 - page 44

Bien qu'homologués, les produits alternatifs ne sont pas aussi efficaces que les spécialités classiques. Il revient aux firmes d'expliquer aux utilisateurs dans quelles conditions les appliquer et les résultats qu'ils peuvent en attendre.
LES TRAITEMENTS avec des produits alternatifs peuvent avoir une action moindre que les spécialités chimiques conventionnelles, du moins pour le moment. © P. ROY

LES TRAITEMENTS avec des produits alternatifs peuvent avoir une action moindre que les spécialités chimiques conventionnelles, du moins pour le moment. © P. ROY

Homologué en 2005 contre l'oïdium, Stifenia n'a pas montré d'efficacité lors d'essais menés par l'IFV. Selon plusieurs conseillers viticoles, il n'est plus utilisé car « il a beaucoup déçu ». Ce produit, à base de fenugrec et présenté comme un stimulateur de défenses de la vigne, a été mis au point par la société Soft, qui n'a pas répondu à nos demandes d'explication sur les conditions de son efficacité.

D'autres produits dits alternatifs montrent des résultats très variables alors qu'ils sont homologués depuis peu. Face à cette situation, des vignerons et des techniciens ne cachent pas leurs doutes : les règles d'homologation sont-elles laxistes pour ces produits ?

« Nous n'autorisons pas de produits qui ne sont pas efficaces, indique-t-on au ministère de l'Agriculture. L'homologation apporte une certaine garantie. Mais à la différence des produits classiques, efficaces de façon quasi systématique, les produits à base de substances naturelles ou de micro-organismes doivent être utilisés dans des conditions particulières pour être efficaces. »

Moins d'exigence quant à l'efficacité

« Ces produits peuvent avoir une action moindre que les spécialités chimiques conventionnelles. Les niveaux d'efficacité requis pour l'homologation peuvent donc être inférieurs à des références classiques, reconnaît-on à l'Anses, l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail, chargée d'évaluer les produits phytosanitaires en vue de leur homologation éventuelle. Ces produits peuvent être assez difficiles à mettre en œuvre. Ils demandent un haut niveau de technicité. Mais ils ont un intérêt dans un programme de protection, en permettant de remplacer des applications de spécialités conventionnelles ou d'en diminuer les doses. »

BASF veut prendre son temps

Parmi ces alternatifs, on trouve la phosphite LBG-01F34. De Sangosse a obtenu son homologation contre le mildiou en 2010. « Seul, le LBG n'a pas une action suffisante face à une pression moyenne à élevée de mildiou », admet Christophe Zugaj, responsable produits viticulture.

De ce fait, De Sangosse se veut très prudente quant à la communication sur les préconisations d'emploi. « Nous voulons mettre tous les atouts de notre côté sur ce marché très concurrentiel en recommandant notre produit de la meilleure façon, sur les doses et les produits partenaires que sont le folpel, le métirame, le mancozèbe, la bouillie bordelaise ou d'autres cuivres, poursuit Christophe Zugaj. Nous rappelons aussi des notions basiques comme les stades de traitement et le volume d'eau. »

Armicarb (bicarbonate de potassium), un autre produit De Sangosse, a été homologué fin 2011 contre l'oïdium et le botrytis. Mais la firme a choisi de différer son lancement commercial pour mener de nouveaux essais. « Les conditions d'application sont encore plus sensibles pour ce produit que pour le LGB. Nous développons nos recommandations en fonction des cépages, des climats et des produits partenaires », ajoute le responsable produits.

Le Pyrévert, un cas différent

BASF Agro, nouveau propriétaire de Serenade Max, homologué fin 2010, veut également « prendre son temps » pour travailler ses préconisations relatives à ce produit à base d'une souche de Bacillus subtilis. La firme a chargé Marc Fermaud, de l'Inra de Bordeaux, d'étudier l'action de la bactérie sur la vigne et de trouver son positionnement optimal. « En viticulture biologique, Serenade peut être une solution. Mais utilisé seul, il n'a pas la même efficacité qu'un antibotrytis classique, déclare Philippe Raucoules, responsable vigne et arboriculture chez BASF Agro. Intégré à un programme fongicide classique, il permet cependant de gagner en efficacité aux stades C et D. » Le cas de Pyrévert est un peu différent. Il s'agit d'un insecticide à base de pyrèthre naturel utilisé dans la lutte contre la flavescence dorée, commercialisé par Samabiol. « Ce produit a une efficacité comparable, à 2 ou 3 % près, à celle des pyrèthres de synthèse, si toutes les conditions d'emploi sont respectées, note Marcel Fiol, directeur technique. L'efficacité sur larves de cicadelles ne pose pas de problème, mais il peut y avoir des échecs sur les adultes qui sont très mobiles. Le traitement peut également échouer s'il n'a pas atteint les pampres où les larves peuvent s'abriter. Mais les échecs sont peu nombreux au regard des surfaces traitées et nous travaillons sur le sujet. »

La complexité du mode d'action des produits alternatifs, la difficulté de les positionner et l'irrégularité de leurs résultats contraignent les firmes à une certaine humilité dans leur communication. Du moins pour le moment, ces produits étant loin d'avoir livré tous leurs secrets.

Le ministère de l'Agriculture promeut les produits de biocontrôle

Dans le cadre du plan Écophyto 2018, le ministère de l'Agriculture a pris plusieurs mesures pour encourager le développement des produits dits de biocontrôle. Ces produits utilisent des mécanismes naturels pour la protection des végétaux. Ce sont soit des stimulateurs des défenses des plantes, soit des insecticides, des fongicides ou des herbicides naturels. Les professionnels du conseil doivent s'engager « à promouvoir les stratégies de biocontrôle lorsqu'elles existent », indique le ministère. Ce dernier s'est d'ailleurs engagé à faciliter la mise sur le marché des produits de biocontrôle déjà autorisés dans les pays tiers. Il finance aussi un guide de l'Institut technique de l'agriculture biologique pour aider les entreprises qui mettent au point des produits alternatifs à préparer les dossiers d'homologation. Depuis 2008 déjà, la taxe perçue lors du dépôt d'un dossier de demande d'autorisation est fixée à 2 000 euros pour un produit de biocontrôle, contre 40 000 euros pour un produit classique. Pour promouvoir les techniques de biocontrôle, le ministère va également lancer une plateforme internet où les vignerons pourront échanger leurs expériences. Le biocontrôle a par ailleurs fait son entrée dans le « Bulletin de santé du végétal » et est évoqué dans les formations Certiphyto. « Ces produits seront largement diffusés si les techniciens sont convaincus par les firmes de leur intérêt. Mais les entreprises sont tenues de bien préciser les conditions d'utilisation de leurs produits », souligne le ministère.

Le Point de vue de

Éric Vasseaud, société Alterdis conseil, à Roumagne, (Lot-et-Garonne)

« Il faut rester honnête sur l'efficacité de ces produits et ne pas les survendre »

« Depuis 2004, je distribue une quinzaine de produits alternatifs et naturels. J'ai une clientèle d'une centaine de viticulteurs. Tous utilisent au moins un ou deux produits alternatifs. Certaines spécialités ne sont pas difficiles à vendre malgré leur prix élevé, comme Pyrévert, l'unique produit utilisable en bio contre la flavescence dorée. L'antibotrytis Serenade est également très cher et son efficacité est très relative. Elle est de 60 % environ par rapport à celle des antibotrytis classiques et sous réserve de bonnes conditions d'utilisation (volume d'eau pour la pulvérisation, hygrométrie, application à positionner peu avant la période de risque, etc.). J'insiste donc beaucoup sur les précautions d'emploi. Le défaut de conseil serait très mal vécu par le vigneron. Ces produits demandent beaucoup d'argumentation, mais il faut rester honnête et ne pas les survendre. En agriculture, il n'existe pas de produit miracle et cela concerne aussi les meilleures spécialités. »

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