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GÉRER - LA CHRONIQUE JURIDIQUE

Pas de gens heureux dans la publicité pour le vin

Jacques Lachaud - La vigne - n°244 - juillet 2012 - page 62

La représentation de professionnels du vin souriants et un verre à la main, n'entre pas dans le cadre strict du code de la santé publique. À ce titre, la Cour de cassation a jugé illégale la campagne de communication menée par l'interprofession de Bordeaux en 2004.

L'arrêt de la Cour de cassation du 23 février 2012 a fait figure d'un véritable coup de tonnerre dans la filière viticole. Les juges ont procédé à une application extrêmement stricte de la loi Évin relative à la publicité sur les boissons alcoolisées.

La Cour de cassation devait se prononcer sur la légalité de la campagne d'affichage lancée en 2004 par le Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB). Cette campagne était composée de sept visuels montrant de séduisants professionnels du vin de Bordeaux, des hommes ou des femmes plutôt jeunes et bien mis, producteurs ou négociants, le plus souvent avec un verre à la main. Les affiches étaient complétées du slogan : « Les bordeaux, des personnalités à découvrir ». Elle n'ont pas plu à l'Anpaa qui a attaqué le CIVB en justice. L'association a perdu en première instance et en appel.

Pour la cour d'appel, ces affiches n'étaient pas contraires à la loi Évin. Les juges ont relevé qu'on ne peut pas reprocher à l'annonceur de représenter des professionnels « dès lors que [leur représentation] n'est pas (..) de nature à inciter à une consommation abusive, étant observé que, par essence, la publicité s'efforce de présenter le produit sous un aspect favorable pour attirer la clientèle ».

Des affiches conformes à la déontologie

La cour d'appel avait aussi relevé que la campagne respectait les bonnes pratiques préconisées par le Bureau de vérification de la publicité (BVP), association de professionnels du secteur qui prône l'autocontôle. En matière de publicité sur les alcools, cet organisme prévoit que « la représentation de personnages doit traduire une fonction professionnelle effective, passée ou présente ». Les recommandations du BVP n'ont pas de valeur législative ou réglementaire. Il n'empêche, ces bons principes « reflètent la pratique des professionnels » de la publicité et dans notre affaire, cette déontologie avait été respectée. Les arguments ne manquaient donc pas pour défendre le CIVB. La Cour de cassation les a balayés d'un revers de la main. Elle a censuré l'arrêt d'appel, affirmant que « les affiches comportaient des références visuelles étrangères au code de la santé publique et visaient à promouvoir une image de convivialité associée au vin de nature à inciter le consommateur à utiliser les produits vantés ».

Voici ce que dit le code de la santé publique : « La publicité autorisée pour les boissons alcooliques est limitée à l'indication du degré d'alcool, de l'origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l'adresse du fabricant, (...) ainsi que du mode d'élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit. Cette publicité peut comporter des références aux terroirs de production, aux distinctions obtenues, aux appellations d'origine (…) ou aux indications géographiques (…). Elle peut également comporter des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit. » La Cour de cassation juge qu'il faut appliquer ces principes au pied de la lettre. Et de conclure à la violation de la loi Évin. Ainsi, parce qu'on représente des hommes heureux, un verre de bordeaux à la main, le crime est accompli et la condamnation immédiate.

Par cet arrêt, la cour de cassation condamne les consommateurs à boire de l'eau ou du whisky. La loi est à reprendre ; une distinction est à faire entre les alcools et le vin. Qu'il nous soit permis de terminer en citant le cas d'un garçon né sur une exploitation viticole qui, dès l'âge de 13 ou 14 ans, buvait à table son verre de vin et qui continue à le faire à 90 ans.

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