Le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) savoure sa victoire. Le 3 avril dernier, la cour d'appel de Versailles, dans les Yvelines, a débouté l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (Anpaa). Elle a jugé que la campagne de publicité du CIVB, « Portraits de Vignerons », lancée en 2005 et mettant en scène des trentenaires, souriants, positifs et modernes, respecte la loi Évin.
Ce jugement est le dernier épisode d'un véritable feuilleton judiciaire. Le 1er août 2005, l'Anpaa assigne le CIVB devant le tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir l'interdiction de cette campagne qu'elle juge trop attractive. Le 19 décembre 2006, ce tribunal déboute l'Anpaa. Mais l'association insiste. Elle saisit la cour d'appel de Paris, qui lui donne également tort, le 26 février 2010.
L'Anpaa se pourvoit alors en cassation. Là, coup de théâtre. Le 23 février 2012, la Cour de cassation casse l'arrêt de la cour d'appel de Paris et renvoie les deux parties devant la cour d'appel de Versailles. Elle juge la publicité du CIVB contraire à la loi Évin, estimant qu'elle vise « à promouvoir une image de convivialité [...] de nature à inciter le consommateur à absorber les produits vantés ».
Le 3 avril dernier, nouveau rebondissement, en faveur du CIVB cette fois. Résistant à la Cour de cassation, les juges versaillais reviennent aux fondements de la loi Évin. Comme le Conseil constitutionnel, saisi après l'adoption de cette loi en 1991, ils rappellent que « la publicité en faveur d'une boisson alcoolique demeure [...] licite, la loi [Évin] se bornant, dans un but de prévention d'une consommation excessive, à limiter ses modalités ».
« L'Anpaa est allée trop loin »
Les juges versaillais relèvent aussi que les personnages figurant sur les visuels sont des producteurs ou des négociants en vins de Bordeaux que l'on ne peut pas assimiler à des consommateurs. Ils précisent ensuite que leurs verres très partiellement remplis montrent « l'idée d'une dégustation, en petite quantité ». Surtout, ils jugent que « les annonceurs ne peuvent être tenus [...] de représenter des professionnels grincheux, au physique déplaisant et paraissant dubitatifs, afin d'éviter au consommateur toute tentation d'excès. L'image donnée de professions investies par des jeunes, ouvertes aux femmes, [...] est pleinement en accord avec les dispositions légales autorisant une référence aux facteurs humains liés à une appellation d'origine [...] ».
L'Anpaa va-t-elle se pourvoir de nouveau en cassation ? L'association a jusqu'au 3 juin pour se décider.
En attendant, Pascal Goyard, spécialiste de la loi Évin, jubile : « La politique menée par l'Anpaa est devenue extrémiste. En visant la consommation d'alcool plutôt que l'abus d'alcool, cette association est allée trop loin. Certains juges s'en rendent compte. Ils pourraient bien faire évoluer la jurisprudence. »