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ACTUS - FRANCE

Un sentiment d'injustice

Bertrand Collard - La vigne - n°245 - septembre 2012 - page 16

IMPOSITION - La fin de la défiscalisation des heures supplémentaires passe mal auprès des ouvriers viticoles concernés, mais aussi auprès des employeurs.
La fin de la défiscalisation des heures supplémentaires concerne bien tous les salariés et pas seulement ceux des entreprises de plus de dix ou vingt employés. © S. CHAMPION

La fin de la défiscalisation des heures supplémentaires concerne bien tous les salariés et pas seulement ceux des entreprises de plus de dix ou vingt employés. © S. CHAMPION

Beaucoup n'ont pas tout de suite compris. Se référant à des promesses électorales, ils pensaient que la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires ne concernait que les salariés des entreprises de plus de dix ou de vingt salariés. Mais non. Tous ceux qui effectuent des heures supplémentaires sont bel et bien touchés.

Depuis le 1er août, cette part de leur salaire entre à nouveau dans le calcul de leur impôt sur le revenu. Depuis le 1er septembre, elle supporte à nouveau des cotisations sociales pour les assurances vieillesse, maladie, accidents du travail, etc.

« Les employeurs restent exonérés de charges patronales »

« Nous avons discuté de cette décision avec mes collèges ouvriers viticoles dans le Beaujolais lors d'une réunion. Nous étions dix. Il n'y a pas eu une seule réaction favorable », assure Patrice Louison, salarié en Beaujolais et membre du bureau de la Fédération nationale des Asavpa (Association des salariés de l'agriculture pour la vulgarisation du progrès agricole).

« Il en ressort un sentiment d'injustice, poursuit-il. Car les ouvriers vont payer des impôts et des cotisations sociales sur les heures supplémentaires alors que les employeurs restent exonérés de charges patronales (seulement les entreprises de moins de vingt salariés, NDLR). »

Un sentiment largement partagé si l'on en juge par les résultats du sondage de notre site Lavigne-mag.fr où 79 % des répondants indiquent que la fin de la défiscalisation est un scandale (voir la rubrique « Sondage »). Ce sentiment est aggravé par le fait que le gouvernement a préservé l'exonération de charges sociales patronales des petites entreprises. Cela a valu à certains exploitants des remarques de la part de leurs salariés du style : « Il n'y en a que pour les patrons. »

Retour en arrière

« Pas un de mes collègues ne trouve cela normal, renchérit Patrice Louison. On empêche les gens de travailler. » Certains de ses collègues gagnent 4 000 à 5 000 euros par an du fait des heures supplémentaires. « Ils seront pénalisés. D'autant que beaucoup sont célibataires, comme bon nombre d'ouvriers agricoles. Ils vont redonner une grosse partie de leurs heures supplémentaires aux impôts. »

En Champagne, une viticultrice redoute un retour en arrière et des complications. Elle souligne que la défiscalisation des heures supplémentaires avait eu pour effet que les employeurs les déclarent. « La situation s'était assainie, dit-elle. Maintenant, les gens ne vont plus vouloir déclarer leurs heures supplémentaires. Cela va provoquer des situations difficiles, car les employeurs qui en déclaraient ne vont pas pouvoir les supprimer du jour au lendemain. Ça va se voir !»

« La Vigne » a fait le calcul : la défiscalisation des heures sup coûte cher aux salariés

La MSA a évalué l'impact de la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires sur les bulletins de paie d'un ouvrier au Smic (9,40 euros de l'heure) effectuant six ou dix heures supplémentaires par semaine.

Avec six heures supplémentaires par semaine, son salaire mensuel s'élève à 1 731 euros. Jusqu'en août, il touchait 1 410 euros nets. À partir de septembre, il paiera à nouveau des cotisations de Sécurité sociale sur ses heures sup. Son salaire net mensuel passera alors à 1 345 euros, soit une baisse de 4,6 %. Et depuis le début du mois d'août, ses heures supplémentaires sont à nouveau fiscalisées. Les salaires versés au titre de ces heures sont réintégrés dans le calcul de son impôt sur le revenu. « La Vigne » a calculé les conséquences pour l'impôt sur le revenu de cet ouvrier considérant qu'il était payé sur douze mois, célibataire, sans enfant et qu'il ne bénéficiait pas d'autre déduction que la prime pour l'emploi. Tant que les heures sup étaient défiscalisées, cet ouvrier ne payait pas d'impôt sur le revenu. En année pleine du nouveau régime, il paiera 714 euros d'impôts par an (impôt sur le revenu des années 2013 et suivantes). Du fait du recul de son salaire net et de son imposition, il perd 1 500 euros par an dans l'affaire.

Si l'ouvrier effectue dix heures sup par semaine, son salaire brut s'élève à 1 955 euros. Son salaire net mensuel chutera de 1 633 à 1 519 euros en septembre, soit 7 % de baisse. S'il est toujours célibataire, sans enfant et s'il ne bénéficie pas de déduction, son impôt sur le revenu passe de zéro à 1 041 euros (simulation « La Vigne »). Il perd 2 400 euros par an dans l'affaire.

La MSA tient à préciser qu'elle a fourni tous ces éléments chiffrés uniquement à titre indicatif et qu'ils n'ont aucune valeur juridique. Sur Lavigne-mag.fr, retrouvez les mêmes évaluations pour un régisseur payé 17,40 euros de l'heure.

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