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DOSSIER - Coops : Les modèles gagnants

Coops Les modèles gagnants

MICHÈLE TRÉVOUX, COLETTE GOINÈRE ET FRÉDÉRIQUE EHRHARD - La vigne - n°245 - septembre 2012 - page 20

L'actualité récente montre que la course à l'agrandissement n'est pas un gage de succès. Les coops qui réussissent sont celles qui tiennent compte des besoins de leurs clients et qui savent expliquer leur stratégie à leurs adhérents.
Les chiffres de la coopération vinicole (chiffres 2010, source : CCVF)

Les chiffres de la coopération vinicole (chiffres 2010, source : CCVF)

Mauvaise passe pour la coopération languedocienne. Au cours des derniers mois, plusieurs entreprises phares ont vacillé. Ce printemps, l'Union des garrigues, un groupement de producteurs gardois, a dû cesser son activité. Un fiasco retentissant. Puis Mont Tauch, Sieur d'Arques et les caves Rocbère, dans l'Aude, ont annoncé des comptes dans le rouge et des plans sociaux. Evoc, filiale d'Uccoar, a fini par être absorbée par son homologue, le groupe Val d'Orbieu. Une liste qui ne serait pas close.

En Gironde également, les temps sont durs. Le cabinet Solving a étudié les forces et faiblesses de vingt-quatre coopératives situées dans les appellations Bordeaux et Côtes de Bordeaux. Résultat : six d'entre elles seraient au bord du gouffre. Cinq tiennent le haut du pavé. Pour les autres, certaines rémunèrent au-dessus de la moyenne mais au détriment de l'investissement et du remboursement de leur dette.

Crises viticoles et économique

Les coopératives dans la tourmente ? Au cours de ces dernières années, elles ont été fragilisées par les crises viticoles et la crise économique qui a suivi. Dans le Languedoc-Roussillon, en vingt ans, près de deux cents d'entre elles ont été rayées de la carte, ramenant à deux cent dix le nombre total des coopératives dans la région. Et le mouvement n'est pas à son terme.

Dans l'Hérault, il reste soixante coopératives, mais ce chiffre pourrait encore diminuer. Dans le Gard, une étude conduite en 2008 par le cabinet Gressard préconisait l'émergence de pôles de vinification d'envergures pour enrayer le déclin de la viticulture départementale. Elle a été peu suivie : le Gard compte toujours quatre-vingts coopératives. Encore beaucoup trop, estiment les observateurs et les pouvoirs publics qui les poussent à fusionner pour faire des économies d'échelle et pour peser face aux acheteurs.

En Gironde, ces mêmes pouvoirs publics verraient d'un bon œil qu'il ne reste que cinq metteurs en marché de vrac contre vingt-trois aujourd'hui. Reste que ces affaires ne sont pas simples. La fusion de l'Union Saint-Vincent avec Prodi_ u a avorté. Celle de la cave de Port-Sainte-Foy avec Alliance Aquitaine a tourné court. « Dans une fusion se posent toujours les problèmes de pouvoir et de susceptibilité. Il faut mettre son ego de côté, et ce n'est pas facile », rappelle Dominique Saintout, directeur de la Fédération des caves d'Aquitaine.

« Le modèle coopératif unique est révolu »

Dans le Languedoc, un cadre de l'administration observe que, malgré les regroupements, « la région a perdu des volumes et des acteurs mais n'est pas mieux positionnée face à la concurrence nationale et mondiale ». Des fusions réalisées sur un mode défensif, avec pour seul objectif de faire des économies, se sont soldées par des échecs. « Pour porter ses fruits, la fusion doit être le résultat d'une réflexion commune entre des coopératives sur un projet global », estime Louis-Antoine Saisset, de Coop de France Languedoc-Roussillon.

Pour Laurent Mayoux, directeur adjoint de la délégation de FranceAgriMer à Montpellier (Hérault), « le modèle coopératif unique est révolu ». Depuis la petite coopérative de terroir jusqu'au groupe investissant les marchés internationaux, en passant par la coopérative qui noue des partenariats avec le négoce, les orientations divergent. Et les écarts se creusent au niveau du revenu par hectare octroyé par les coopératives à leurs adhérents, lequel se révèle un bon marqueur de la compétitivité.

« Dans l'Hérault, le revenu net peut atteindre 4 500 à 5 000 €/ha dans des secteurs comme l'AOP Picpoul de Pinet et de 3 500 à 4 000 €/ha dans certaines caves de la vallée de l'Hérault, très performantes dans le vrac. Dans d'autres coopératives, il peine à dépasser les 3 000 €/ha », indique Florentino Gonzalez, de la Fédération des caves coopératives.

« Investissements immatériels »

Ces écarts ne sont liés ni à la taille, ni à la spécialisation. Selon Jean-Marc Touzard, de l'Inra de Montpellier, auteur d'une étude sur le sujet, « ce qui fait la différence, ce sont les investissements immatériels : la compétence des dirigeants, leur réseau relationnel, les marques et la notoriété de la cave. La capacité de la coopérative à combiner les innovations techniques, commerciales et organisationnelles en dépend ».

La gouvernance et le pilotage sont également des facteurs clé. « Si le directeur est en phase avec le conseil d'administration et si la stratégie est bien cadrée, les adhérents sont impliqués dans le projet de la coop », souligne Louis-Antoine Saisset.

Pour Philippe Hébrard, directeur de la cave de Rauzan (3 200 ha, 290 adhérents, un d'euros), en Gironde, « il ne s'agit pas de grossir pour assurer ses débouchés, mais de répondre aux besoins du client. Le point de départ, c'est ce qu'attend le client en termes de profil produit. À partir de là, on engage les vinifications qui conviennent et les investissements qui en découlent. Si nos débouchés sont assurés, la rémunération du viticulteur augmente et la cave devient attractive ». Et de rappeler que la cave a grossi de 100­ha par an depuis trois ans. « Ce sont 6 000 hl de plus qui correspondent à des profils produits et qui permettent de diluer les charges fixes », souligne-t-il.

« Continuer à innover et à se transformer »

Après les années noires de 2004 à 2008 où les capacités d'auto financement des coopératives languedociennes sont devenues négatives, la situation s'est améliorée à partir de 2009. 2011 aura d'ailleurs été une année exceptionnelle pour beaucoup d'entre elles grâce à la hausse du volume de récolte.

Reste à savoir si les coopératives profiteront de cette embellie pour poursuivre leur mutation. « Elles sont capables de faire face à la crise, à condition qu'elles continuent à innover et à se transformer », affirme Jean-Marc Touzard dans son étude. Beau challenge pour la nouvelle génération.

Cooperfic, un outil d'observation et de pilotage

Le projet a été lancé en 2007, à l'initiative de la Fédération des coopératives agricoles du Languedoc-Roussillon. L'idée était de lancer un outil informatique capable de suivre l'évolution des performances économiques des coops. Une vingtaine d'entre elles ont tenté l'expérience, communiquant l'ensemble de leurs données financières, comptables, commerciales, etc.

La constitution de cette base de données leur permet d'obtenir un tableau de bord de leurs performances et de se situer par rapport aux autres. Ce service gratuit a gagné du terrain.

Aujourd'hui, 90 coopératives de la région se sont inscrites dans cette démarche, renforçant ainsi son utilité. « C'est un outil d'aide à la décision et un bon observatoire de l'évolution du secteur », commente Louis-Antoine Saisset, ingénieur-conseil à Coop de France LR et pilote de ce projet. Lancé en Languedoc-Roussillon, Cooperfic a été adopté en Paca, Midi-Pyrénées et en Corse. Il devrait prochainement être développé en Aquitaine.

L'essentiel de l'offre

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