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DOSSIER - Réduction des phytos : Retour à la réalité

Les bios durement éprouvés

La vigne - n°246 - octobre 2012 - page 28

Du fait de la forte pression de mildiou, des bios accusent de sévères pertes de récolte. Mais ils ne renoncent pas à leur mode de production.

L'année a été difficile pour tous les vignerons. Et en particulier pour les bios. « Personne ne veut revivre cela », résume Odile Cadiou, du Sedarb, en Bourgogne. Dans ce contexte, comment les bios s'en sont-ils sortis ? Généralement, ils ont plutôt bien maîtrisé l'oïdium. Mais pour le mildiou, les résultats sont plus contrastés.

« En Dordogne, il y a eu des échecs en bio, mais aussi en conventionnel, affirme Éric Maille, d'Agrobio Périgord. Ces échecs n'étaient pas liés au mode de production mais à la qualité de la pulvérisation et à l'organisation du travail. Contrairement à 2008, les vignerons ont toujours eu des fenêtres de passage pour traiter le mildiou. »

Mêmes échos de Nantes (Loire-Atlantique) à Saumur (Maine-et-Loire). « Je n'ai pas constaté de grosses pertes de récolte. Les sols ont toujours été praticables, mais il fallait être vigilant », explique Nathalie Dallemagne, de la Coordination agrobiologique des Pays de Loire. Cependant, Sébastien Beauvallet, de la CAPL (Coopérative agricole des Pays de Loire), un distributeur qui couvre l'Anjou-Saumur, dresse un tableau différent. « Peu de bios peuvent dire qu'ils n'ont pas eu de problèmes de mildiou. Beaucoup ont perdu des grappes. En conventionnel, ils sont plus nombreux à avoir contrôlé la situation. »

Les abandons sont rares

En Bourgogne, « on trouve ponctuellement des parcelles très touchées, avec des pertes de récolte. Mais il y a aussi de belles réussites », rapporte Odile Cadiou. En Champagne, « après le 7 juin, il y a eu de violents orages avec de forts cumuls d'eau. Des vignerons n'ont pas pu pénétrer dans leurs parcelles pour renouveler les traitements. Le mildiou a explosé », déplore Sébastien Carré, du Groupement de développement viticole de l'Aube.

Face aux attaques, les bios n'ont pas ménagé leurs efforts. Ils se sont investis sept jours sur sept pour protéger leurs vignes. « Les cycles de mildiou se sont enchaînés sans répit jusqu'à la première quinzaine d'août. Il a fallu intervenir quasiment toutes les semaines, voire deux fois par semaine », reconnaît Odile Cadiou. À l'arrivée, les doses de cuivre utilisées sont plutôt élevées. Nathalie Dallemagne avance la fourchette de 4,5 à 6 kg/ha dans le Val de Loire. En Bourgogne, la dose moyenne devrait se situer autour de 6 kg/ha.

Certains ont-ils renoncé à leur mode de production ? « Après une année aussi difficile, on peut être découragé, mais les cas d'abandon restent rares », indique Odile Cadiou. À sa connaissance, en Bourgogne, seul un ou deux vignerons en première ou deuxième année de conversion auraient jeté l'éponge alors que la région compte 250 à 260 vignerons certifiés ou engagés dans le bio. Même constat chez les organismes certificateurs. « Fin août, nous n'avons pas noté plus d'abandons que d'habitude », note Lise Pujos, chez Écocert.

Le Point de vue de

Alain Réaut, vigneron à Courteron (Aube) et président de la Fnivab, 11 ha, en bio depuis 1992

« Une saison à courir derrière le mildiou »

 © Y. CAINJO/GFA

© Y. CAINJO/GFA

«Comme les quantités de cuivre sont limitées, j'ai retardé au maximum le premier traitement. J'ai démarré début mai, au moment des premières pluies, mais c'était peut-être un peu tard compte tenu de l'agressivité du champignon. Du coup, j'ai couru derrière le mildiou toute la saison sans jamais le rattraper. De mai à mi-juin, nous avons eu 400 mm d'eau alors qu'il tombe 600 à 700 mm en moyenne sur toute une année. J'ai été parfois deux ou trois jours sans pouvoir passer dans les parcelles. Comme le cuivre est lessivable et n'a qu'un effet préventif, j'ai rapidement été débordé. J'ai observé les premiers symptômes dès la fin du mois de mai, souvent directement sur grappes. Fin juin, au plus fort de l'attaque, j'ai pulvérisé 500 l/ ha d'une eau contenant 6 % de sel pour assécher le mildiou. Cela a eu un effet choc. Derrière, j'ai traité au cuivre, car le sel n'est pas rémanent. C'est la première fois que je réalise un tel traitement. J'ai aussi associé de la silice au cuivre pour avoir un effet asséchant. Au final, certaines parcelles accusent des pertes de récolte de 80 à 90 %. D'autres, entre 5 et 10 %. Dans les parcelles les plus touchées, j'ai stoppé les traitements mi-juillet. Dans les autres, je les ai poursuivis jusqu'à la mi-août. Sur ces parcelles, j'ai dépassé les 6 kg/ha de cuivre métal. Comme j'étais largement en dessous les années précédentes, je reste dans les clous de la réglementation. Je ne connais pas un seul vigneron bio de la région qui n'a pas eu de perte de récolte. Des vignerons en conventionnel déplorent aussi de gros dégâts. Mais en Champagne, nous ne sommes pas les plus à plaindre car nous avons une réserve qualitative. Cette année, je vais puiser dedans. »

Le Point de vue de

Dominique Allias, vigneron à Vouvray (Indre-et-Loire), 14 ha de vignes certifiées bio depuis 2003

« Les vendanges seront courtes »

 © C. WATIER

© C. WATIER

« Depuis que mon domaine est certifié bio, je m'en étais bien sorti. Pas cette année. La pression de mildiou a été exceptionnelle. J'ai démarré les traitements fin avril, ce qui était correct par rapport à l'avancement de la végétation. Jusqu'à fin juillet, je suis intervenu quasiment toutes les semaines. Parfois, j'ai dû attendre trois à quatre jours que les sols soient ressuyés avant de pouvoir passer. J'ai appliqué jusqu'à 800 g/ha de cuivre métal pour certains passages. Je dépasse donc la limite de 6 kg/ha, mais lors des dernières campagnes, j'en avais utilisé très peu. Malgré tous mes efforts, j'ai eu des symptômes sur feuilles et sur grappes dès le mois de mai. J'ai des pertes de récolte très variables d'une parcelle à l'autre. Dans certaines vignes, j'ai très peu de grappes. Les vendanges seront courtes. De plus, je vends toute ma production en bouteille. Or, avec cette petite récolte, mes stocks vont baisser et j'ai peur de perdre des marchés faute d'approvisionnement. L'année a été difficile pour tout le monde, mais certainement plus pour nous les bios qui n'avons que le cuivre, un produit uniquement préventif et lessivable, pour lutter contre le mildiou. »

Le Point de vue de

Emmanuel Giboulot, vigneron à Beaune (Côte-d'Or), 10 ha de vignes certifiées bio depuis son installation

« Jusqu'à 50 % de pertes »

« J'ai réalisé mon premier traitement le 11 mai, comme le conseillaient les bulletins techniques. Mais je n'ai pas pu le renouveler à temps car l'un de mes enjambeurs est tombé en panne. Il s'est donc écoulé deux semaines entre le premier et le deuxième traitement. Cela n'a pas pardonné. J'ai commencé à voir des symptômes sur grappe avec des inflorescences en crosse. Après, j'ai traité toutes les semaines. Au début, j'ai commencé à 400 g/ha de cuivre métal puis je suis passé à 500 et 600 g. C'est la première fois que je mets de telles doses. Les années précédentes, je démarrais à 100 g/ha pour passer à 200 g en pleine végétation. Je montais à 400 g maximum quand la pression était forte. Dans certaines parcelles, j'ai pu rattraper la situation. Mais dans l'une d'entre elles où la rosée est importante le matin, j'ai perdu de deux à quatre grappes par pied. Sans compter qu'au mildiou s'ajoutent les dégâts de grêle et de coulure ainsi que de l'échaudage. Au total, dans certaines parcelles, j'ai 50 % de rendement en moins. J'ai le sentiment que nous vivons des saisons de plus en plus difficiles. »

Le Point de vue de

Laurent Herlin, vigneron à Chouzé-sur-Loire (Indre-et-Loire), 5 ha de vignes (1 ha certifié bio et 4 ha en conversion)

« Les journées ont été longues »

 © C. WATIER

© C. WATIER

« J'ai commencé à traiter le 14 mai. Ensuite, il a plu quasiment toutes les semaines. Même la rosée matinale provoquait des contaminations de mildiou. Je suis intervenu presque toutes les semaines avec 200 à 400 g/ha de cuivre métal dès que j'avais une fenêtre de tir. J'ai passé beaucoup de temps sur mon tracteur et consommé beaucoup de gasoil. Heureusement, je suis équipé d'un pulvérisateur pneumatique Berthoud face par face, dont la qualité de pulvérisation est bonne. À l'arrivée, j'ai un peu de mildiou sur le feuillage mais très peu sur grappes. Je ne pense pas avoir de pertes de rendement dues au mildiou. J'ai la chance d'avoir une parcelle de 4 ha d'un seul tenant qui a été peu attaquée. Les vignerons qui ont un parcellaire plus morcelé ont des zones plus touchées que d'autres. Peu d'entre nous ont connu une telle année. Même les vignerons en conventionnel ont eu des difficultés. J'espère que ce ne sera pas comme ça tous les ans, car les journées ont été longues. En plus des traitements, il a fallu effectuer plus de passages pour tondre et travailler les sols. Le matériel a été mis à rude épreuve. »

L'essentiel de l'offre

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