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VIGNE

En route pour traquer la flavescence dorée

Myriam Guillemaud - La vigne - n°246 - octobre 2012 - page 32

Comme partout à Cognac, les viticulteurs d'Auge-Saint-Médard, en Charente, se mobilisent pour venir à bout de la flavescence dorée. Le 11 septembre, ils se sont réunis pour organiser la prospection de leurs parcelles en vue de repérer et de détruire les ceps malades. En route avec eux !
MARDI 11 SEPTEMBRE À AUGE-SAINT-MEDARD (CHARENTE), les viticulteurs de la commune partent à la recherche des symptômes de la flavescence dorée dans les vignes contaminées. PHOTOS M. GUILLEMAUD

MARDI 11 SEPTEMBRE À AUGE-SAINT-MEDARD (CHARENTE), les viticulteurs de la commune partent à la recherche des symptômes de la flavescence dorée dans les vignes contaminées. PHOTOS M. GUILLEMAUD

SYMPTÔMES DE FLAVESCENCE DOREE sur feuille. Cette photo a été prise le 11 septembre à l'occasion de l'opération « Stop flavescence dorée » organisée dans la commune.

SYMPTÔMES DE FLAVESCENCE DOREE sur feuille. Cette photo a été prise le 11 septembre à l'occasion de l'opération « Stop flavescence dorée » organisée dans la commune.

FRANÇOIS-JÉRÔME PRIOTON est l'homme de la lutte contre la flavescence. Il froisse une feuille malade, le bruit fait penser à du papier d'aluminium.

FRANÇOIS-JÉRÔME PRIOTON est l'homme de la lutte contre la flavescence. Il froisse une feuille malade, le bruit fait penser à du papier d'aluminium.

LÆTITIA SICAUD, animatrice de l'opération « Stop flavescence dorée », prélève des feuilles : seule une analyse peut confirmer la contamination.

LÆTITIA SICAUD, animatrice de l'opération « Stop flavescence dorée », prélève des feuilles : seule une analyse peut confirmer la contamination.

SYMPTÔMES DE FLAVESCENCE DORÉE sur grappe constatés à l'occasion de la prospection organisée dans la commune d'Auge-Saint-Médard.

SYMPTÔMES DE FLAVESCENCE DORÉE sur grappe constatés à l'occasion de la prospection organisée dans la commune d'Auge-Saint-Médard.

Il est 9 heures du matin, ce mardi 11 septembre. La salle de la mairie d'Auge-Saint-Médard, en Charente, a fait le plein. Une trentaine de viticulteurs, tous ceux qui ont des vignes sur la commune, se tiennent en rangs serrés pour écouter les explications sur la flavescence dorée, ses symptômes et l'opération de prospection lancée sur toute la région de Cognac.

Auge-Saint-Médard fait partie des communes « rouges » sur la carte de la contamination. Elle se trouve dans le PLO, le périmètre de lutte obligatoire contre la flavescence dorée et la cicadelle. De ce fait, les propriétaires et exploitants de vignes doivent prospecter leurs parcelles pour y repérer les ceps contaminés. Ils sont là pour apprendre à le faire.

L'assistance, très attentive, écoute les informations données sur la flavescence dorée, la cicadelle qui la transmet, ce qui la distingue de la cicadelle verte, les moments où il faut traiter, etc. Lætitia Sicaud, l'animatrice de l'opération « Stop flavescence dorée », détaille : « La première année, la maladie ne se manifeste pas. L'année suivante, elle apparaît sur un pied. Puis sur cinq à N+2 et sur vingt-cinq à N+3. L'année d'après, c'est toute la parcelle qui est contaminée. »

« Comme un bâton de dynamite »

François-Jérôme Prioton, viticulteur dans la commune et organisateur de cette rencontre, ajoute que l'administration peut ordonner l'arrachage d'une parcelle, sans indemnité, dès lors que plus de 20 % des pieds sont malades. Il rappelle que le refus de traiter contre la cicadelle en zone de lutte obligatoire est passible de 30 000 euros d'amende et de six mois d'emprisonnement. Un viticulteur prend la parole pour demander quel est l'effet d'un traitement sur un pied atteint. « Cela stoppe seulement l'évolution de l'épidémie, répond Lætitia Sicaud. On évite la propagation de la maladie. Mais le cep touché reste un réservoir à mycoplasmes. » François-Jérôme Prioton renchérit : « C'est comme si on gardait un bâton de dynamite. »

Un autre viticulteur évoque « une situation aberrante » : alors que les parcelles d'Auge-Saint-Médard doivent être traitées, celles de la commune voisine de Bonneville n'ont pas la même obligation. « Est-ce que les cicadelles ne traversent pas les routes ? » s'étonne-t-il, faussement naïf. Pour expliquer cette situation, Lætitia Sicaud indique que des communes peuvent sortir du PLO à deux conditions : qu'il n'y ait pas de nouveau cas de flavescence dorée durant deux ans et qu'au moins 80 % des surfaces en vigne aient été prospectées. C'est le cas de Bonneville.

Le bruissement du papier d'aluminium chiffonné

Le problème, cette année, est de distinguer les symptômes. « Entre le manque d'eau, le mildiou et la fin de saison, tous sont mélangés », regrette un viticulteur. Et ils sont apparus très tardivement, ce qui ne facilite pas le travail de prospection.

Mais rien n'est plus parlant que de voir sur place. La trentaine de personnes présentes s'achemine en convoi vers des vignes touchées. Elles s'éparpillent autour d'un cep malade. Un homme glisse la main vers le bas du pied pour y cueillir une grappe ratatinée. Un autre montre un rameau toujours vert. Un autre encore attrape une feuille aux nervures jaunies et l'écrase entre les doigts. « Tu entends ces craquements ? » demandet-il à son voisin. « Comme si je chiffonnais du papier alu… »

Toutes ces anomalies sont autant de symptômes. Lætitia Sicaud les résume : des feuilles dont le jaunissement commence par les nervures, des bois qui n'ont pas aoûté et des grappes desséchées ou absentes. Les symptômes de la flavescence dorée sont identiques à ceux du bois noir. « Seule l'analyse peut déterminer de quelle maladie il s'agit. » Cependant, à la différence du bois noir qui frappe les ceps isolément, la flavescence se propage par foyer à partir d'un premier cep malade.

Le convoi reprend les petites routes vers une autre vigne où un cep est touché. Lætitia Sicaud prélève quelques feuilles pour le test de dépistage. « Si les résultats sont positifs, je l'arracherai », assure le viticulteur. Les symptômes sont ici plus manifestes que dans la première vigne. « Je vois mieux ce que c'est », commente un des participants. « Hé ben ! Il doit y en avoir bien plus qu'on ne croit… »

Une journée pour inspecter 7 à 8 hectares

Le propriétaire de la vigne rappelle qu'il a fait tous les traitements nécessaires en temps et en heure. « Cela prouve que la lutte insecticide ne suffit pas, insiste Lætitia Sicaud. « Elle ne fait que limiter l'expansion. Encore faut-il se débarrasser des foyers pour en finir. »

Elle montre encore comment remplir les feuilles de prospection que les viticulteurs devront lui renvoyer. « Pour prospecter, il y a plusieurs méthodes, rappelle François-Jérôme Prioton. On peut le faire en quad ou avec un petit tracteur en roulant à la vitesse d'un pas d'homme. Pas à la machine à vendanger, parce qu'elle est trop haute. Mais le mieux, c'est à pied. » Pour être efficace, il faut passer rang par rang, afin de voir les deux côtés des vignes. En effet, les symptômes ne s'expriment parfois que sur un rameau. Mieux vaut ne pas le manquer.

Le calcul est vite fait : un hectare, c'est trois kilomètres de rangs. « Il faut donc une heure pour prospecter un hectare. Et une journée pour 7 ou 8 hectares si on ne s'arrête pas. » Quelques sifflements dans l'assistance soulignent l'ampleur de la tâche. François-Jérôme Prioton ne se laisse pas abattre : « Le mieux, c'est de le faire à deux, ou même collectivement. Ainsi, si on a un doute, on peut le partager et discuter. » Il propose même que tous les viticulteurs d'Auge-Saint-Médard prospectent le même jour en formant des équipes. L'idée est acceptée avec un certain soulagement. Rendez-vous est pris un jour de fin septembre pour repérer tous les ceps atteints de la commune afin de les détruire si les tests confirment leur maladie.

Une forte implication professionnelle

Mi-juillet, l'administration et les organisations professionnelles de Cognac ont lancé l'opération « Stop flavescence dorée » afin de mobiliser les viticulteurs pour prospecter leurs vignes. L'Union générale des viticulteurs de Cognac (UGVC) a désigné dans chaque commune un délégué pour l'opération. François-Jérôme Prioton est l'un d'eux. Tous ont été formés pour animer les opérations de prospection. Et tous les viticulteurs de la région ont reçu une fiche de prospection qu'ils sont censés remplir après avoir fait le tour de leurs vignes. Fin août et début septembre, ils ont été conviés à des réunions d'information. Les prospections ont eu lieu ensuite. Fin septembre, les résultats n'étaient pas encore connus.

Des analyses gratuites

Tous les pieds atteints de symptômes font l'objet de prélèvements et d'analyses pour vérifier qu'ils sont bien touchés par la flavescence dorée. L'an dernier, 300 analyses avaient été réalisées, uniquement sur les communes de sécurité. Cette année, le comité technique de lutte contre la flavescence, qui regroupe l'administration et les organisations professionnelles, a décidé d'en financer 600, ce qui représente un budget de 15 000 euros. Chaque prélèvement fait l'objet d'une géolocalisation. Cela permettra de cartographier l'état sanitaire du vignoble. Quant à l'arrachage des pieds atteints et à la replantation, il reste entièrement à la charge des viticulteurs.

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