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ACTUS - RÉGIONS

Travail illégal : les autorités à cran

Myriam Guillemaud, Cédric Michelin - La vigne - n°248 - décembre 2012 - page 12

À Cognac et en Gironde, la MSA réclame à des viticulteurs et à des pépiniéristes 500 000 euros de cotisations sociales que leur prestataire ne peut pas payer. En Bourgogne, un tribunal a condamné un viticulteur pour avoir donné un billet à des parents venus l'aider à vendanger.
Jean-Pierre Bouillac, un pépiniériste girondin, est le fer de lance du collectif réunissant les viticulteurs et les pépiniéristes à qui la MSA réclame des arriérés de cotisations sociales.

Jean-Pierre Bouillac, un pépiniériste girondin, est le fer de lance du collectif réunissant les viticulteurs et les pépiniéristes à qui la MSA réclame des arriérés de cotisations sociales.

COGNAC, GIRONDE : La MSA réclame 500 000 euros

Ils sont plusieurs dizaines de viticulteurs et de pépiniéristes de Charente, de Charente-Maritime et de Gironde à être en colère. Fin octobre, ils ont reçu un courrier de la MSA leur réclamant des arriérés de cotisations sociales. Leur tort ? Ils ont employé des ouvriers roumains de 2007 à 2009 par le biais d'une société de prestation de service, la SRL Daniel Jean, qui a été condamnée pour travail illégal depuis.

Au total, ce sont 500 000 euros que la SRL Daniel Jean n'aurait pas versés à la MSA. Cette dernière réclame aujourd'hui cette somme aux donneurs d'ordre, soit 4 000 à 150 000 euros selon les exploitations.

Mais les viticulteurs et pépiniéristes concernés ne l'entendent pas de cette oreille. Ils considèrent qu'ils ont déjà payé ces cotisations en réglant les factures de la SRL. C'est ce qu'ils ont signifié à la MSA en réponse à son courrier. Ils attendent maintenant de connaître sa position. Une quinzaine d'entre eux agissent dans le cadre d'un collectif. D'autres ont choisi de se défendre seuls, tout en se réservant la possibilité de rejoindre le collectif selon les suites de l'affaire.

Enregistrée en Roumanie

La MSA rappelle qu'ils sont solidairement responsables du paiement des cotisations en cas de défaillance de leur prestataire. Et elle ajoute qu'ils ont l'obligation de se renseigner sur la légalité de son activité. « La MSA présuppose que nous n'avons pas cherché cette information », regrette Jean-Pierre Bouillac. Or, ce pépiniériste girondin, cheville ouvrière du collectif, affirme avoir pris ses précautions. Il énumère les documents en sa possession et qui, selon lui, en témoignent : les devis pour l'exécution des travaux, le Kbis de la SRL Daniel Jean, la preuve de son enregistrement en Roumanie et un document attestant qu'elle y payait bien ses cotisations sociales.

« On nous demande d'être responsables des agissements du prestataire de service. C'est comme si on rendait des acheteurs de café responsables du fait que les ouvriers qui l'ont récolté ont été payés au noir », ajoute Jean-Pierre Bouillac.

La MSA soulève aussi le fait que les prix pratiqués par la SRL étaient très bas : 13 à 15 €/h, contre 22 à 23 €/h habituellement. Selon elle, cela aurait dû alerter les viticulteurs. Là encore, le pépiniériste contre l'argument. D'une part, parce qu'il a payé le travail au pied et non à l'heure, à raison de 55 à 60 cts/pied pour le piquetage. « Ramené à l'heure, cela représente 17 euros environ. » D'autre part, parce qu'il existe bel et bien des sociétés d'intérim qui facturent 13 à 14 €/h, telles les sociétés espagnoles employant des Latino-Américains.

Un autre pépiniériste assure avoir effectué toutes les démarches pour s'informer sur son prestataire. « La seule chose que je n'ai pas faite, c'est d'aller vérifier en Roumanie que les documents fournis étaient justes», reconnaît-il avec ironie. Avant de poser cette question : « Que font la MSA et l'inspection du travail pour nous préserver de travailler avec des crapules ? »

BOURGOGNE : Le billet de trop

Un samedi pendant les vendanges 2011, l'inspection du travail est venue contrôler des vignerons du Mâconnais. « Un oncle, un cousin, une nièce et le frère d'un salarié étaient venus nous aider à récolter pendant deux jours », explique Patrick Schubert, viticulteur à Saint-Gengoux-de-Scissé (Saône-et-Loire). Il ne les avait pas déclarés, contrairement à ses quinze saisonniers qui étaient tous en règle.

Début novembre, le tribunal (TGI) de Mâcon l'a condamné à 800 euros d'amende pour « travail non déclaré ». Son avocate, Magali Raynaud de Challonge, rappelle que « cette condamnation a été discutée et est discutable» . Elle a plaidé l'aide familiale dans le cadre d'un travail saisonnier. Mais le procureur a bloqué sur une personne : le frère du salarié. Pour lui, sa présence ne relevait pas de l'entraide familiale.

« Je voulais rendre service »

Autre fait reproché au vigneron : il a donné un petit billet aux personnes venues l'aider. Or, qui dit entraide, dit absence de rémunération. Aux yeux de la loi, ces personnes auraient donc dû être déclarées, car elles ont perçu une rémunération. Pour ces raisons, le procureur avait requis 1 000 euros d'amende. Après délibération, la société de Patrick Schubert payera 800 euros. Son casier judiciaire ne sera plus vierge.

« Loin de moi l'idée d'avoir voulu flouer la MSA, assure le viticulteur bourguignon. D'ailleurs, j'ai reconnu les faits. Je voulais surtout rendre service. Je me suis retrouvé embarqué dans une galère. Je suis triste d'en être arrivé là. La société nous fait moins confiance. Elle ne fait rien pour laisser les gens travailler, même s'il faut lutter contre le travail clandestin. » Patrick Schubert ne fera pas appel du jugement.

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