Retour

imprimer l'article Imprimer

VIGNE

Le robot de taille de Wall-Ye fascine mais déçoit

Martin Caillon - La vigne - n°248 - décembre 2012 - page 40

En démonstration dans l'Aude, le robot V.I.N. de Wall-Ye a déplacé les foules. Mais il n'a pu tailler que trois sarments dans une journée. Les visiteurs sont repartis déçus.
CHRISTOPHE MILLOT concepteur du robot V.I.N. PHOTOS M. CAILLON

CHRISTOPHE MILLOT concepteur du robot V.I.N. PHOTOS M. CAILLON

« Nous sommes déçus. L e robot était censé tailler et nous n'avons rien vu. Faire déplacer tout ce monde pour si peu ! » Les commentaires étaient parfois peu amènes après la démonstration du robot de taille V.I.N. qui s'est tenue le 15 novembre dernier au domaine de Cazes, à Alaigne (Aude).

Ce robot, développé par la société Wall-Ye, suscite depuis un an un véritable engouement auprès des viticulteurs. À tel point que la chambre d'agriculture de l'Aude, organisatrice de l'événement, avait prévu deux sessions de démonstrations. Deux cents personnes étaient présentes le matin et cent cinquante attendues l'après-midi pour voir un robot tailler la vigne pour la première fois.

« À 25 000 euros, il serait vite rentable »

Ces vignerons caressaient l'espoir de trouver une solution à leurs problèmes. « Si le robot réalise un travail identique à celui d'un tailleur, il permettra de baisser les coûts, remarque Cyrille Mestre, du Gaec de Seigalière, à Pauligne, dans l'Aude également. À 25 000 euros, il sera même vite rentable. » Venant de Routier, dans le même département, Philippe Biard, fait le même calcul. Il serait prêt à l'acheter tout de suite s'il fonctionnait. Pour lui, « le robot réduirait aussi la pénibilité du travail et pourrait être une solution pour remplacer une main-d'œuvre de plus en plus difficile à trouver pour tailler ». « D'autant plus qu'il n'y aurait pas de charges à payer à la MSA », ajoute Yves Perez, venu en curieux de Cuxac-d'Aude.

De son côté, l'inventeur du robot, Christophe Millot, un informaticien installé à Mâcon, en Saône-et-Loire, n'a pas lésiné sur les promesses. « Le robot V.I.N. est abouti. Il peut tailler 600 pieds par jour dans les vignes en gobelet et en cordon de royat, a-t-il annoncé aux visiteurs avant la démonstration. La taille en guyot est en cours de validation. L'engin peut travailler sous la pluie, quand il fait froid et pourra bientôt tailler la nuit grâce à un projecteur et à une batterie supplémentaire. Les dix premiers robots seront livrés chez les premiers clients d'ici trois semaines. Avec Guy Julien, mon partenaire industriel, nous mettons en place une chaîne capable de produire cent unités par mois. »

Manque de précision

Mais à l'épreuve du terrain, le robot se montre vite à la peine. Son bras hésite et manque de précision. On doute franchement qu'il ait déjà taillé 600 pieds dans une journée, comme l'annonce son concepteur.

Après plusieurs essais infructueux, la machine parvient à tailler un premier sarment. Des spectateurs applaudissent. Puis il faudra attendre de longues minutes pour qu'il en coupe un deuxième et un troisième, dans un sentiment de lassitude. Et pour finir, le moteur de son sécateur tombe en panne. « Manque de bol », se lamente Christophe Millot.

Côté organisation, on cache mal son malaise et son incompréhension. La chambre d'agriculture savait qu'elle prenait un risque, car le robot avait déjà connu pareille mésaventure à deux reprises en moins de quinze jours lors de ses deux précédentes démonstrations dans l'Hérault et les Pyrénées-Orientales. Elle espérait qu'il fonctionnerait cette fois, conformément aux promesses de l'inventeur.

Manière d'étonner et de décevoir un peu plus les visiteurs, Christophe Millot concédera dans l'après-midi qu'à « chaque fois qu'il fait une démonstration, son robot ne fonctionne pas ». Si certains visiteurs, se rappelant les débuts laborieux des premières machines à vendanger, se montrent indulgents, la plupart expriment un même constat lucide. « L'engin, présenté comme abouti, n'est encore qu'un prototype », déclare un participant. « Il est annoncé à la vente alors qu'il n'est pas fiable », renchérit un autre. Tous deux, comme l'immense majorité des visiteurs, promettent cependant un bel avenir à la robotique dans les vignes.

Un robot polyvalent qui devient presque deux fois plus lourd pour la taille

V.I.N. (Viticulture intelligence naturelle) est un petit robot électrique polyvalent conçu par la société mâconnaise Wall-Ye. Il est doté de deux bras articulés montés sur une tourelle pivotante et se déplace grâce à quatre roues motrices et directrices. Un panneau solaire assure la recharge de ses batteries. L'engin se guide à l'aide de cinq caméras, d'un GPS et d'une tablette PC contenant deux logiciels de cartographie et de reconnaissance des formes. Le robot peut être équipé au bout de l'un de ses bras d'une pince à épamprer, d'une pince à lier ou, depuis peu, d'une tête de taille. Celle-ci est constituée d'un long bras souple terminé par un sécateur muni d'une caméra. Pour la taille, V.I.N. ne change pas de gabarit mais il prend du poids, passant de 25 à 45 kg. Ses bras sont plus costauds et ses moteurs plus puissants. Le robot en compte trois de plus. Deux servent à l'articulation de la tête de taille. Et le troisième, connecté à une batterie supplémentaire dédiée, actionne l'ouverture et la fermeture du sécateur à l'aide d'un câble. Le robot dispose de huit heures d'autonomie.

Le Point de vue de

Emmanuel Rouchaud, chef du service viticulture œnologie à la chambre d'agriculture de l'Aude

« Nous étions inquiets »

Emmanuel Rouchaud, chef du service viticulture œnologie à la chambre d'agriculture de l'Aude

Emmanuel Rouchaud, chef du service viticulture œnologie à la chambre d'agriculture de l'Aude

« La forte mobilisation autour de cette démonstration témoigne de la curiosité et de l'intérêt que portent les viticulteurs à l'innovation. C'est le point positif de cette journée. Car pour le reste, la démonstration du robot a clairement déçu. Nous étions, certes, inquiets des échos de démonstrations récentes peu convaincantes du robot. Mais Christophe Millot savait que trois cents personnes étaient attendues et nous a assuré que l'engin taillerait. Or, il a donné l'impression d'ajuster sa machine à chaque instant. Il ne nous a jamais convaincus que le robot pouvait être opérationnel. Une fois qu'il est tombé en panne le matin, nous avons téléphoné à soixante-dix personnes inscrites l'après-midi pour leur dire que le robot ne fonctionnait pas. On a l'impression de s'être fait avoir. Nous ne comprenons pas la démarche de Christophe Millot. »

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :