SEBASTIEN XANS emploie du chêne américain pour sa cuvée Entre amis. « J'ai été séduit par ce côté toasté vanillé qui est flagrant », dit-il.
CHAUFFE PERSONNALISÉE. Sébastien Xans achète ses fûts en bois américain (AO ) chez Victoria Alta Toneleria, une tonnellerie espagnole, basée en Rioja, qui appartient à Radoux. Il demande une chauffe moyenne (TM+) personnalisée (A - X), « plus douce, plus à cœur que la chauffe moyenne classique », justifie-t-il. PHOTOS L. WANGERMEZ
L'ENTONNAGE a lieu après le premier soutirage qui suit la fin de la malo. Dès la fin de la fermentation alcoolique, Sébastien Xans déguste ses cuves afin de déterminer celles, typées ettaniques, qui passeront dans les fûts américains.
L'ENTONNAGE a lieu après le premier soutirage qui suit la fin de la malo. Dès la fin de la fermentation alcoolique, Sébastien Xans déguste ses cuves afin de déterminer celles, typées ettaniques, qui passeront dans les fûts américains.
Sébastien Xans ne rate jamais l'occasion de faire déguster sa cuvée Entre amis, un saint-émilion grand cru, en précisant qu'il l'a élevé à 75 % dans des barriques de chêne français et à 25 % en barriques de chêne américain. Et d'expliquer aux clients que si le chêne français amène de la finesse et de la longueur tout en structurant le vin, le chêne américain apporte de la puissance, un goût de noix de coco, de vanille et de la sucrosité. « J'aime ce côté vanillé », avoue le viticulteur, implanté à Saint-Sulpice-de-Faleyrens, en Gironde, qui exploite avec son père 19 ha en AOC Bordeaux et 4,2 ha en Saint-Émilion et Saint-Émilion grand cru.
Un prix attrayant
Il y a une dizaine d'années, son oncle, lui aussi viticulteur à Saint-Émilion, lui fait découvrir ces barriques. « En dégustant, j'ai senti cette sucrosité en bouche, cette touche exotique. J'ai été séduit par ce côté toasté vanillé, qui est flagrant. » Il n'y a pas que les arômes qui le séduisent. Le prix aussi. « Une barrique de chêne français coûte 650 euros HT. En chêne américain, le prix descend à 320 euros HT », indique-t-il.
En 2001, il se lance. Il rachète à son oncle une dizaine de barriques américaines d'occasion pour faire un essai sur du saint-émilion, un assemblage de 80 % de merlot, de 15 % de cabernet franc et de 5 % de vin de presse. Il élève 22 hl dans ces fûts et 68 hl en chêne français. Le résultat lui plaît.
En 2003, il décide d'élaborer une cuvée saint-émilion grand cru, baptisée Entre amis, à partir de vignes de merlot âgées de 55 ans. Il élève ce vin dans trois barriques neuves de chêne américain et douze de chêne français. À l'arrivée, il ne retient que la barrique la plus expressive de chêne américain et les quatre meilleures de chêne français. Soit 1 400 bouteilles. Le reste part en saint-émilion générique.
Sébastien Xans se fournit auprès de la tonnellerie Radoux, qui lui fait du sur-mesure. « Les chauffes doivent s'adapter à nos vins. Nous sommes sur un terroir de sable et de graves, et sur des vins ronds, soyeux, fins en bouche et tout en longueur, rappelle-t-il. La puissance et le tanin ne doivent pas dominer. Il ne faut pas que le bois neuf écrase le vin. Nous avons donc affiné la chauffe. Car plus on chauffe fort, plus on a des tanins toastés. Il faut une chauffe plus lente que le moyen + pour éviter que le côté "planche" ne ressorte trop. »
Un quart de l'assemblage
En 2007, la proportion de chêne américain était un peu plus importante, atteignant 40 % de son parc. « Les arômes me plaisaient. Mais en assemblage final, ils écrasaient les autres », remarque-t-il. Il a donc baissé le dosage pour venir à l'équilibre actuel, avec 25 % de bois américain.
Sébastien Xans entonne ses vins après le premier soutirage qui suit la fin de la malo. Dès que la fermentation alcoolique est terminée, il les déguste pour commencer à envisager lesquels vont aller dans ces barriques. « Si je mets un vin trop léger dans un fût de chêne américain, je n'aurai pas de bons résultats. C'est le bois qui va prendre le dessus sur le vin. Je choisis donc un vin tannique et typé », précise-t-il.
Un élevage plus court
Les pores du bois américain sont plus gros que ceux du chêne français. La micro-oxydation est donc plus rapide. De ce fait, l'élevage est plus court : douze mois contre dix-huit dans le chêne français. Sébastien Xans soutire ses vins au maximum une fois durant l'élevage. Au début, il les goûte tous les mois et demi. À partir de huit mois, il les déguste toutes les deux semaines pour bien percevoir le moment où ils sont prêts à être définitivement soutirés. « Je cherche l'équilibre. D'abord, le bois domine, puis il se fond peu à peu dans le vin », expose-t-il.
Au moment des dégustations, il prélève des échantillons, principalement pour vérifier leur teneur en SO2 libre, un paramètre pour lequel il vise entre 18 et 25 mg/l, comme dans ses fûts de chêne français.
Les barriques sont utilisées pour trois millésimes. Au-delà, elles n'apportent plus de boisé. L'entretien est identique à celui des fûts français. Après le soutirage, Sébastien Xans les nettoie à l'eau chaude sous pression avec une canne Moog, après quoi il les rince à l'eau froide, les laisse s'égoutter puis les soufre.
Sébastien Xans a fait des émules. Également responsable du vignoble du château L'hermitage Lescours (3,5 ha en Saint-Émilion grand cru), il a convaincu les propriétaires d'acheter douze barriques de chêne américain et vingt-quatre de chêne français.
Le Point de vue de
Jean Natoli, directeur du cabinet œnologique Natoli & Co, à Montpellier (Hérault)
« Ne pas forcer le trait sur la sucrosité »
« Dans les années quatre-vingt-dix, le chêne américain est apparu comme une piste intéressante par rapport au chêne français. Il coûte moins cher, il boise plus violemment les vins et à l'arrivée, on peut intégrer des volumes plus faibles dans les assemblages. Le chêne américain apporte de la sucrosité en bouche mais si on force le trait, ce caractère devient un peu lourd. Il faut donc l'utiliser avec précaution et parcimonie. Concernant l'aspect aromatique, il apporte des profils vanillés mais aussi des notes de noix de coco, voire de champignon de Paris. Plus on intervient tôt, mieux ce bois est digéré par le vin. En faisant un boisage tardif, on risque de marquer le vin de façon excessive.
Après le chêne américain sont arrivés les copeaux qui ont amené d'autres réponses et ouvert le champ des possibilités. On peut jouer sur des combinaisons de bois différents et sur des moments d'élevage plus larges. Pour peaufiner un profil de vin en fin d'élevage, on peut avoir une touche finale plus réussie avec des copeaux appropriés. »