En 2012, les metteurs en marché du Languedoc-Roussillon ont récolté le fruit des efforts entrepris depuis deux ans sur les pays tiers. Avec les aides européennes destinées à la promotion dans ces pays, ils ont pu mener un travail de terrain qui s'est révélé payant. Ils ont ciblé prioritairement deux grands pays, les États-Unis et la Chine, où la consommation progresse et où d'importants moyens sont nécessaires pour acquérir une visibilité. Les ventes ont ainsi fortement progressé, que ce soit pour l'IGP Pays d'Oc ou pour les AOC.
« Avec l'affaire des faux pinots (où plusieurs caves, un négociant, un courtier et une société de commercialisation avaient été sanctionnés pour avoir vendu au prix fort du merlot et de la syrah sous l'appellation de pinot noir, NDLR), nous avions perdu 100 000 hl sur le marché américain, rappelle Florence Barthès, la directrice d'Inter Oc. Il nous a fallu rassurer et réaffirmer que les IGP Pays d'Oc sont la référence française des vins de cépage. »
Pour créer l'événement, cette interprofession a fait appel à Fred Dexheimer, un sommelier très médiatique. À New York, il a mené une dégustation pour des importateurs et des journalistes, lesquels en ont ensuite largement parlé sur les réseaux sociaux. « Pour alimenter le buzz, nous avons aussi organisé des dégustations pour les blogueurs », ajoute Florence Barthès. Avec une progression sur les neuf premiers mois de 2012 de 29 % en volume et de 24 % en valeur, les retours sur les ventes sont très positifs. « En 2013, nous allons renouveler ces opérations en Floride et en Californie », prévient la directrice de l'interprofession du Pays d'Oc.
Percer en Amérique
Sur le marché américain, les AOC du Languedoc commencent à percer. « Les vins de cépage Pays d'Oc sont connus, mais le Languedoc beaucoup moins, constate Jérôme Villaret, le directeur du Conseil interprofessionnel des vins du Languedoc (CIVL). Depuis deux ans, nous faisons découvrir notre offre en allant au-devant des opérateurs. Cela fonctionne bien. Sur les neuf premiers mois de 2012, nos ventes ont progressé de 27 % en volume et de 26 % en valeur. » « Les États-Unis ont souffert de la crise. Des importateurs ont fait faillite, d'autres ont été repris. J'ai dû reconstruire mon réseau », souligne Charles Pacaud. Installé à Saint-André-de-Sangonis (Hérault), dans les Terrasses du Larzac, ce vigneron a participé aux actions organisées par Sud de France et le CIVL. « En 2012, j'ai ciblé trois pays qui me semblent devoir sortir de la crise les premiers : les États-Unis, l'Allemagne et les Pays-Bas. J'ai eu de bons retours et je vais continuer en 2013 sur ces marchés. »
La Chine dans le top cinq
En Chine, les ventes grimpent rapidement. L'IGP Pays d'Oc a progressé de 40 % en volume et de 60 % en valeur pour arriver à 220 000 hl et 43 millions d'euros.
« La Chine est devenue notre cinquième marché en 2012. Et si la croissance se maintient au rythme actuel, dans trois ans, ce serait notre deuxième marché », relève Florence Barthès.
Les appellations de la région s'y taillent aussi une place croissante en cœur de gamme, derrière Bordeaux et ses grands crus. « La Chine est devenue notre premier marché en valeur, devant le Canada », confirme Jérôme Villaret. En 2012, le CIVL a reçu des importateurs chinois à Vinisud, puis il a organisé une mission de prospection avec des vignerons. « En février, nous serons avec une vingtaine d'entreprises à Vinisud Shanghai. » Une progression aussi rapide est-elle durable ? Pour l'instant, la demande chinoise continue à augmenter, même si la croissance économique tend à marquer le pas. « Les relations commerciales ne sont pas toujours solides », constate Florence Barthès. Des opérateurs apparaissent et disparaissent très vite. Les choses évoluent peu à peu. Depuis janvier, les importateurs chinois de vins doivent être homologués. C'est un premier pas vers une professionnalisation. Mais la présence sur le terrain reste irremplaçable pour bien choisir ses partenaires. Le groupe Foncalieu a ainsi créé un bureau à Shanghai avec une équipe franco-chinoise sur place.
Au Japon et au Canada, les ventes se développent aussi. Dans ces deux pays, les AOC du Languedoc-Roussillon se positionnent à des prix moyens départ cave autour de 4 euros par litre, contre seulement 2,70 euros par litre en Chine. Sur les neuf premiers mois de 2012, leur chiffre d'affaires progresse de 10 % sur le Canada, un marché de longue date, et de 50 % sur le Japon, un pays qui s'est ouvert plus récemment. « Avec les Japonais, il faut être patient. Mais on crée des relations durables, car ils sont fidèles, contrairement aux Chinois », analyse Lionel Lavail, directeur de la maison Cazes, en Roussillon.
Ne pas perdre les marchés européens
Dans l'Union européenne, les ventes progressent plus modestement. La croissance pour les AOC du Languedoc-Roussillon n'est que de 4,3 % en valeur contre 24 % sur les pays tiers. Pour autant, il n'est pas question de négliger nos voisins, car ils représentent des volumes conséquents. « Sur ces marchés matures, nous devons entretenir la demande en nous démarquant de la concurrence, qui est forte. C'est un challenge », insiste Éric Aracil, le responsable export de l'interprofession des vins du Roussillon (CIVR). Les AOC comme l'IGP Pays d'Oc cherchent à monter en gamme. « En dessous de 3,20 euros par col rendu consommateur, nous perdons de l'argent sur les appellations, affirme Jérôme Villaret. En entrée de gamme, il vaudrait mieux placer des IGP de département, qui sont plus compétitives en coût. »
Cette stratégie de valorisation porte ses fruits. En Allemagne, les volumes d'AOC reculent de 8 % alors que le chiffre d'affaires augmente de 2 %. Pour les vins de Pays d'Oc, l'Allemagne reste le premier marché en valeur, avec un prix moyen en progression. « Nous montons en gamme, comme en Belgique, aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne », indique Florence Barthès.
En Grande-Bretagne, l'IGP Pays d'Oc, comme les appellations, continue à reculer en volume. « Nous progressons dans le circuit traditionnel des cavistes et des restaurants. Mais dans les chaînes de supermarchés, la concurrence reste forte et les prix d'achat très serrés. Nous avons encore perdu 7 millions de cols », déplore Florence Barthès.
Les appellations perdent des parts de marché sur les entrées de gamme. « Nous devons retravailler le marché anglais pas à pas, en nous repositionnant sur le cœur de gamme. C'est la présence sur le terrain qui payera », assure Jérôme Villaret.
Sur ce pays, le groupe Foncalieu, qui vend principalement des IGP, a réussi à redresser ses ventes avec un commercial dédié au circuit traditionnel. « Nous allons embaucher une seconde personne qui se concentrera sur les grandes enseignes. Elles ont un fonctionnement très différent », souligne Heidi Van den Akker, la responsable marketing de l'entreprise.
Se spécialiser sur un circuit
D'autres préfèrent rester sur un seul circuit. « Nous avons renoncé à travailler avec les supermarchés anglais. Avec nos petits rendements en Roussillon, nous ne pouvons pas vendre des vins à 1,50 euro le col ! Mais nous poursuivons nos efforts auprès des restaurants haut de gamme et des cavistes. Dans ce pays, il y a une culture du vin, cela en vaut la peine », avance Lionel Lavail.
D'autres encore ont préféré donner la priorité à des pays différents. « Le marché anglais est très déprimé. En 2012, nous avons mis l'accent sur l'Allemagne, moins touchée par la crise. Avec l'aide d'un volontaire international à l'export, nous avons prospecté les cavistes et les restaurateurs, détaille Lionel Laszloffy, le directeur commercial des vignobles Dom Brial. Il faut se battre palette après palette pour vendre. Mais cela paye. »
Des vins doux naturels en haut de gamme du Roussillon
Avec les vins doux naturels, le Roussillon a en main une carte originale pour construire son image. « Les gens qui ne les connaissent pas ont souvent un a priori négatif.
Aux États-Unis, le mot doux renvoie à de mauvaises expériences avec des vins édulcorés, explique Éric Aracil, responsable export au CIVR. Mais une fois que les consommateurs américains ont accepté de les goûter, ils s'apercoivent que ces vins ne sont pas du tout ce qu'ils s'imaginaient ! Nos vins ont une fraîcheur, une complexité et une harmonie qui les séduisent. » En 2012, pour faire connaître ces vins aux prescripteurs, il est intervenu dans le cadre des Masters of Wines, à New York, ainsi qu'à la rencontre annuelle de la Society of Wines Educators de Californie. Il a convaincu ses interlocuteurs, qui ont apprécié la découverte. Ce n'est pas tous les jours qu'ils peuvent déguster des millésimes allant de 1998 à 1875 ! « Nous allons poursuivre ces actions de formation en 2013 », précise-t-il. Pour l'instant, seulement 5 % des vins doux naturels du Roussillon partent à l'export, contre 25 à 30 % des vins secs. « C'est une niche très valorisante », constate Lionel Lavail, le directeur de la maison Cazes. Cette entreprise exporte surtout des vieux millésimes de Rivesaltes, à des prix qui peuvent atteindre 100 euros le col. « Ces grands vins nous aident à développer notre notoriété. Lorsque nous faisons déguster à nos clients étrangers des cuvées des années 1930, cela les marque. D'autant plus lorsque nous arrivons à les faire venir sur place pour leur faire découvrir tout à la fois les vins, la cuisine catalane, les paysages et le dynamisme de notre équipe », relève-t-il. En 2012, l'entreprise a ainsi reçu des journalistes et des clients étrangers pratiquement tous les mois. « Cela nécessite un budget. Mais c'est un investissement qui en vaut la peine », souligne-t-il.
Le Point de vue de
Bernard Pitié, directeur des Vignerons du Narbonnais, à Ouveillan (Aude). 120000 hl, 10% vendu à l'export.
« Des ouvertures au Salon du vrac d'Amsterdam »
« Avec un collègue lui aussi directeur de coopérative, j'ai participé au Salon du vrac qui s'est tenu aux Pays-Bas, à Amsterdam, les 19 et 20 novembre 2012. Il nous a fallu débourser 6 000 euros pour le stand.
C'était la première fois que j'allais au-devant d'acheteurs internationaux. En deux jours, j'ai enchaîné une vingtaine de rendez-vous et j'ai pu constater qu'il y a une demande pour du vrac bien travaillé. Ces acheteurs n'ont pas eu de réaction de blocage lorsque je leur ai annoncé des prix de 80 à 85 €/hl pour les cépages rouges. Sur le marché français, c'est bien différent ! En discutant avec d'autres exposants, j'ai pu obtenir des informations sur leur positionnement en prix. Pour les rouges, les Espagnols affichent un objectif de 60 à 70 €/hl et les Sud-Africains plutôt de 90 à 100 €/hl. Des échantillons de chaque stand étaient proposés en dégustation libre dans une salle. Je suis allé en goûter. J'ai pu me situer par rapport à la concurrence, ce que je n'avais jamais eu l'occasion de faire au niveau international. J'en suis sorti plutôt rassuré. Des acheteurs qui avaient d'abord dégusté nos vins dans cette salle sont ensuite venus sur le stand.
C'est signe qu'ils les ont appréciés. Je suis reparti avec trois contacts prometteurs, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Suède, à qui je viens d'envoyer de nouveaux échantillons. Je compte bien revenir sur ce salon en 2013.
Pour élargir notre clientèle et améliorer la valorisation de nos vins, nous devons sortir de chez nous. En IGP Pays d'Oc, nous pouvons proposer des lots de plusieurs milliers d'hectolitres prêts à la mise, aromatiques, d'une couleur soutenue et sans tanins agressifs. C'est ce que recherchent les acheteurs de vrac sur le marché international. »
Le Point de vue de
Marie-Pierre Piquemal, domaine Piquemal, à Espira-de-l'Agly (Pyrénées-Orientales). 160 000 cols, 35 % vendus à l'export.
« Avec les Américains, il faut que les vins tournent pour dégager un bon chiffre d'affaires »
« J'étais déjà présente sur la côte ouest des États-Unis. Fin septembre, j'ai tourné pendant quatre jours à New York. J'en reviens avec de bonnes perspectives de développement. L'importateur avec qui je travaille depuis un an pour deux de mes vins – un rosé IGP Côtes catalanes et un côtes-du-roussillon rouge – avait organisé des rendez-vous avec les cavistes et les restaurateurs qu'il fournit. J'ai pu leur présenter mon domaine et ma gamme. Après ce voyage, j'ai eu des retours très positifs. L'importateur m'a demandé de faire agréer trois nouvelles contre-étiquettes pour un côtes-du-roussillon village et deux vins doux naturels. J'ai donc bon espoir d'avoir bientôt des commandes pour ces vins-là aussi. Lors de ce voyage, j'ai pu confirmer que les Américains sont pragmatiques et qu'ils vont droit au but. Leur objectif, une fois qu'ils ont choisi de travailler avec vous, est de faire tourner vos vins pour dégager un bon chiffre d'affaires. Pour cela, il faut être situé dans la fourchette de prix au détail où la demande est la plus forte.
En discutant avec mes interlocuteurs, j'ai compris que ce prix se situe entre 9 et 12 dollars le col. Mon importateur est en même temps distributeur. Cela fait un intermédiaire de moins et me permet de me placer dans ces prix-là. J'ai aussi profité de mon voyage pour participer à une journée de dégustation organisée par le CIVR à la Maison du Languedoc-Roussillon. C'est là que j'avais rencontré cet importateur l'année dernière. Ce pied-à-terre, créé par le conseil régional, est très pratique. J'ai pu y mettre mes bouteilles au frais et trouver des informations auprès de l'équipe. Pour quatre jours, ce voyage m'a coûté 2 000 euros, financé à moitié par les aides à la promotion sur les pays tiers, bienvenues mais vraiment très compliquées à obtenir ! Je devrais amortir sans problème l'investissement. Mon objectif est de progresser tout en gardant un équilibre avec les marchés européens et français. C'est sur l'Asie et les États-Unis qu'il y a le plus d'ouvertures. Je cherche à y construire des partenariats solides. »