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DOSSIER - Exportations : Le palmarès des régions - Les aguerries

VALLÉE DU RHÔNE Des hausses de prix contestées

Chantal Sarrazin - La vigne - n°249 - janvier 2013 - page 42

Le vignoble rhodanien accède à des marchés plus valorisés, l'Amérique du Nord en particulier. Mais la Grande-Bretagne, son premier client en volume, peine à accepter la hausse du prix du côtes-du-rhône régional, locomotive des exportations dans le pays.
CHIFFRES CLÉS AOC DE LA VALLÉE DU RHÔNE

CHIFFRES CLÉS AOC DE LA VALLÉE DU RHÔNE

Stop aux dépenses aux Pays-Bas, en Suisse et en Russie. Depuis 2008, Inter-Rhône a quasiment cessé ses opérations promotionnelles dans ces pays. « Ce sont des marchés de premiers prix, argumente Brice Eymard, responsable du service économie de l'interprofession. Vu nos coûts de production et la récente augmentation des cours du vrac, nos vins peuvent difficilement rivaliser avec des origines plus compétitives. »

En dix ans, les ventes en Suisse et aux Pays-Bas ont chuté de 140 000 hl. Dans le même temps, elles ont progressé de 100 000 hl en Amérique du Nord et en Asie, deux destinations plus rémunératrices, surtout la première. Le côtes-du-rhône s'y vend au-dessus de 5 euros le litre HT départ cave en moyenne, alors qu'il part autour de 2,15 à 2,50 euros dans les pays de bas prix.

L'Allemagne en hausse

Depuis 2011, les États-Unis sont le premier pays acheteur de vins de la vallée du Rhône en valeur. « Les importateurs nord-américains recherchent de belles marques et de beaux produits, indique Valérie Aigron, export manager aux Vignerons de Rasteau. Mais ils sont aussi attentifs au rapport prix plaisir. Ainsi, notre rasteau Les Hauts du village, vendu 20 à 25 dollars chez les détaillants, devient une alternative aux châteauneuf-du-pape dont les prix flirtent avec les 45 dollars. » Cette attention au rapport qualité prix profite à d'autres crus rhodaniens comme Gigondas, Vacqueyras, Lirac et Crozes-Hermitage. Elle profite aussi aux côtes-du-rhône villages Cairanne ou Plan de Dieu et aux costières de Nîmes.

À l'autre bout du monde, les achats de la Chine ont doublé en volume entre 2010 et 2011. Mais ce pays en est aux prémices en matière de consommation de vins rhodaniens. Seulement 29 790 hl y ont été expédiés en 2011. « C'est compliqué, souligne Valérie Aigron. Les bordeaux et les bourgognes tiennent la vedette. »

En Europe, le pays en hausse, c'est l'Allemagne. Après avoir plongé à 45 000 hl en 2005, les ventes sont remontées à 72 360 hl l'an dernier, avec un prix moyen de 4 euros le litre. « Nous y enregistrons une très forte progression », commente Louis Barruol, du château de Saint Cosme, à Gigondas (Vaucluse). Avec trois autres vignerons en côtes-du-rhône Lirac et Ventoux, il a créé Rhône Gang en 2006, une association pour exporter. « Nous avons rencontré un sommelier français installé sur place et qui vend des vins en restauration. Il y a un créneau pour des pépites dans ce pays. Les vins du Rhône en sont. »

En Grande-Bretagne, marché ultrasensible au prix et première destination du côtes-du-rhône en volume, les exportations se redressent aussi. Après un recul de 3 % en 2011, elles enregistrent 13,5 % de hausse en volume et 15,3 % en valeur entre octobre 2011 et septembre 2012. Preuve que les distributeurs ont accepté les hausses de prix liées à l'augmentation du cours.

« Les acheteurs nous suivent », indique Gilles Le Besnerais, directeur général du Cellier des dauphins. Étienne Maffre, directeur adjoint de Gabriel Meffre, nuance : « Les opérateurs rhodaniens ont compensé les hausses tarifaires et l'augmentation des taxes dans ce pays par davantage de promotion. Les taux de promotion sont passés de 60 à 90 % ! » Pas sûr que le négoce poursuive dans ce sens en 2013.

D'après Étienne Maffre, le repositionnement de l'appellation vers le haut n'est donc pas totalement acquis. « Ce n'est pas parce qu'on relève le cours à la production qu'on arrive à imposer une appellation sur des créneaux de prix plus élevés. La preuve, les distributeurs britanniques ont contourné la difficulté en nous demandant d'avantage de soutien promotionnel », argumente-t-il.

Se différencier

D'autres parient sur le marketing. « Nous devons travailler d'avantage notre offre, estime Murielle Chardin-Frouin, responsable marketing de la cave de Tain-l'Hermitage (Drôme). À l'international, notre IGP Collines rhodaniennes évolue sur le segment concurrentiel des vins de syrah. Nos coûts de production sont supérieurs à ceux de nos compétiteurs. » Pour donner le change, la cave complète sa gamme avec un rosé, réalise des insertions publicitaires dans la presse et donne des informations plus détaillées sur ses vins via des collerettes et un QR Code. En le flashant, le consommateur découvre des conseils d'accords mets et vins et la démarche de développement durable de la cave : de quoi se différencier.

L'entreprise est, en outre, parvenue à faire accepter une hausse continue du prix de son crozes-hermitage à la grande distribution. De 6,99 livres en 2009, il est passé à 9,99 livres en 2012. « Nous avons travaillé main dans la main avec nos acheteurs sur le style du produit », explique Murielle Chardin-Frouin.

Le Point de vue de

Frédéric David, gérant des Vignobles David à Saint-Hilaire-d'Ozilhan (Gard). 120 000 cols, 65 % vendus à l'export.

« Des tournées de douze heures par jour »

Frédéric David a rencontré de nombreux détaillants, comme ici dans le quartier de Brooklyn, à New York, dans ce magasin appelé The Wine Exchange.

Frédéric David a rencontré de nombreux détaillants, comme ici dans le quartier de Brooklyn, à New York, dans ce magasin appelé The Wine Exchange.

« Le 16 août au matin, je me trouvais dans l'avion pour New York. Le début d'un périple de douze jours sur place, mon quatrième séjour en huit mois aux États-Unis. Là-bas, j'ai retrouvé mes deux importateurs. Avec leurs commerciaux, j'ai rendu visite à leurs clients, des détaillants dans les États de New York et du New Jersey. Je parle couramment anglais. Ça aide énormément ! Ces tournées sont intenses : neuf à douze heures par jour ! Je me présente à chaque détaillant. Je décris mon domaine, mes vins (des côtes-du-rhône, des villages et des châteauneuf-du-pape), mes méthodes culturales et de vinification… Le soir, ça continue. L'importateur organise des Wine Diners avec des cavistes, des sommeliers, des journalistes… Après ces tournées, les commandes tombent assez rapidement. À mon retour, j'ai expédié plusieurs palettes de côtes-du-rhône, 30 000 euros à la clé. Mes vins tournent bien, surtout depuis que l'euro est redescendu à un niveau de change acceptable. Mes côtes-du-rhône sont positionnés en haut du marché pour l'appellation, entre 15 et 24 dollars. Avec mon œnologue, nous avons travaillé leur style pour les adapter au goût du marché. Ils sont très typés syrah, cela plaît. En intensifiant mes déplacements, les ventes ont progressé. Mais c'est difficile d'être plus présent : j'ai une exploitation à gérer ! Les frais ne sont pas si énormes que cela. Un billet aller-retour pour New York coûte dans les 500 euros et j'ai déniché un hébergement à 70 dollars la nuit. Un conseil dans ce pays : déterminer sa stratégie et choisir l'importateur en conséquence. »

L'essentiel de l'offre

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