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Propriétaires et locataires partagent le coût de la complantation

Aude Lutun - La vigne - n°250 - février 2013 - page 64

Les propriétaires participent depuis peu aux frais de remplacements des pieds morts. Souvent, ils paient le cep alors que l'exploitant prend en charge la complantation. Un changement du statut du fermage imposé par les ravages de l'esca.
La main-d'œuvre est souvent sous-estimée dans le coût de la complantation. Pourtant, c'est un poste de dépense important. © WATIER

La main-d'œuvre est souvent sous-estimée dans le coût de la complantation. Pourtant, c'est un poste de dépense important. © WATIER

Avec le développement des maladies du bois se pose la question du coût du remplacement des pieds morts. Qui doit assumer la complantation ? Le propriétaire ou le viticulteur ? La plupart des régions sont confrontées à cette problématique. Beaucoup n'ont pas changé les règles du jeu, à savoir que c'est aux fermiers d'arracher les ceps morts et de les renouveller. D'autres ont avancé sur ce dossier.

En Indre-et-Loire, un nouvel arrêté préfectoral a été signé le 18 juillet 2012. Il instaure le partage des frais de remplacement entre le propriétaire et l'exploitant de la manière suivante : le plan, la fumure de fond, le piquet, le fil de fer, le tuteur et le dispositif de protection contre le gibier sont à la charge du propriétaire, comme c'est le cas pour les nouvelles plantations. Le viticulteur s'occupe de l'arrachage des pieds morts, des travaux de plantation et de l'entretien.

Un consensus vite trouvé

« Cela faisait deux ans que nous signalions, lors des commissions départementales des baux ruraux, que les maladies du bois changeaient la donne pour la complantation », précise Guillaume Lapaque, directeur de la Fédération des associations viticoles d'Indre-et-Loire (FAV 37).

Dans ce département, les nouvelles plantations sont assumées à égalité par le propriétaire et le locataire, mais le remplacement des ceps morts était à la charge exclusive de l'exploitant. Le consensus pour faire participer les propriétaires aux frais de complantation a été assez vite trouvé, car les représentants de tribunaux ruraux commençaient à voir apparaître des litiges en fin de bail sur des parcelles touchées par l'esca et non complantées. « Nous avons profité d'un toilettage de l'arrêté préfectoral pour couper la poire en deux sur les frais de complantation. C'est une situation équilibrée, de bon sens », poursuit Guillaume Lapaque.

Dans son département, une étude économique avait mis en avant le coût important, et souvent sous-estimé, de la main-d'œuvre dans la complantation. Outre l'arrachage des pieds morts et la replantation des nouveaux plants, il faut intégrer le temps d'arrosage, la surveillance des complants, l'attention redoublée lors du désherbage mécanique pour ne pas blesser le plant, etc. La FAV avait même pensé à demander une réduction des fermages en guise de compensation. « Ce n'était pas une bonne solution, estime Guillaume Lapaque. Le propriétaire ne se serait pas rendu compte de l'importance des maladies du bois. Or, on estime que la mortalité moyenne des ceps a été de 3,5 % en 2012, certaines parcelles ayant jusqu'à 10 % de pieds détruits. »

« Une somme de solutions »

Avant de se lancer dans la complantation, l'exploitant prévient son propriétaire du nombre de ceps à remplacer. Il doit attendre son accord pour acheter les plants. Si les deux parties ne parviennent pas à un accord, le fermier peut saisir le tribunal des baux ruraux.

« Pour contrer l'esca, il n'existe malheureusement pas de réponse unique, mais une somme de petites solutions. Le partage des coûts de complantation en est une », ajoute Guillaume Lapaque. À noter que si un viticulteur en société loue ses propres vignes à sa société, il a le droit de lui faire assumer la totalité des coûts.

En Saône-et-Loire, locataires et propriétaires se sont également mis d'accord sur une nouvelle mouture de leur contrat type en 2011. Là aussi, chaque partie était disposée à trouver un terrain d'entente. « Une étude de la chambre d'agriculture de Saône-et-Loire montre que le coût du plant est passé d'une moyenne comprise entre 4,50 et 5 euros en 2008 à 5,50 euros en 2012, indique Thibault Laugaa, animateur à l'Union viticole de Saône-et-Loire. Le nombre de pieds morts a doublé, atteignant désormais 4 % du vignoble. Avec cette augmentation des charges, le propriétaire risquait de voir son bien perdre de la valeur suite à un non-remplacement des ceps morts. »

Exploitants et propriétaires ont convenu que ce dernier paierait les plants jusqu'à la quarantième année d'une parcelle et que le locataire réaliserait à sa charge la complantation. Au-dessus de 25 % de manquants, dus à un gel violent ou à une maladie, le bailleur et le preneur doivent trouver une solution.

En Côte-d'Or, l'arrêté préfectoral devrait également changer. Il est question de faire participer le propriétaire au remplacement des pieds morts au-delà d'un seuil qui n'est pas encore fixé.

À Bordeaux (Gironde), région également touchée par l'esca, les règles n'ont pas bougé. C'est l'exploitant qui assume la complantation pour les vignes de moins de 25 ans. Au-delà, le propriétaire prend en charge l'achat du plant et la main-d'œuvre. Il peut indemniser le viticulteur si c'est lui qui effectue la complantation ou faire appel à un prestataire de service.

Pays nantais, de nouvelles règles selon l'âge des vignes

À Nantes (Loire-Atlantique), c'est le Syndicat des vignerons indépendants nantais (Svin), appuyé par la FDSEA et la Confédération paysanne, qui a piloté la révision de l'arrêté préfectoral datant de 1997. « Les négociations avec les propriétaires ont duré un an, précise David Destoc, directeur du Svin. Avec l'esca, les rendements sont affectés de manière significative. Cette maladie n'ayant pas de traitement, chacun doit en assumer une part. » Comme dans d'autres régions, le bon sens a prévalu et un nouvel arrêté préfectoral a été signé le 30 octobre 2012. Pour les vignes de moins de 20 ans, le propriétaire paie le plant de remplacement (uniquement en cas de mort naturelle) et le vigneron assume la plantation. Pour les vignes de 21 à 30 ans, le propriétaire a le choix : soit il remplace les pieds touchés par l'esca – la plantation étant toujours assurée par le locataire –, soit il baisse le fermage proportionnellement au pourcentage de manquants. Pour les vignes de plus de 30 ans, l'abattement du fermage s'effectue automatiquement. L'arrêté prévoit aussi qu'à partir de 35 % de manquants, quel que soit l'âge de la vigne, le vigneron peut demander à son propriétaire une modification du bail, voire sa résiliation. La modification ou la résiliation n'est possible que d'un commun accord.

Inscrire l'esca dans la liste des organismes nuisibles

En marge de la révision des arrêtés préfectoraux sur le statut du fermage, des viticulteurs demandent à l'administration que l'esca soit inscrite dans la liste des organismes nuisibles aux végétaux soumis à des mesures de lutte obligatoire. La Fédération des associations viticoles d'Indre-et-Loire (FAV 37) voudrait que ce sujet soit inscrit à l'ordre du jour du prochain conseil de bassin Centre-Val de Loire dont la date n'est pas encore fixée. « Notre objectif est de réparer une aberration, souligne Guillaume Lapaque le directeur de la FAV 37. Une inscription à cette liste ouvrirait droit au fond de mutualisation sanitaire et environnemental qui devrait voir le jour. » La FNSEA y travaille. La cotisation à ce fond se fera à 35 % par les agriculteurs et à 65 % par l'État français et l'Europe.

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