LA VITECO D'ERO permet de tirer et broyer les bois dans les parcelles taillées en guyot. Son système de préhension des fils et de broyeur à couteaux limite son usage aux vignes dotées d'un palissage solide et adapté. PHOTOS M.CAILLON
Les DEUX ROUES happent les sarments. Ces derniers sont projetés dans le rang après leur passage dans le broyeur
LES FILS DE PALISSAGE passent dans une gorge et un guide étroits au milieu du broyeur. Les tendeurs, trop larges, et les fils inox, cassants, sont proscrits.
Elle est encore rare en France. La machine à tirer les bois Viteco, du constructeur allemand Ero, était le 8 février dernier en démonstration chez Jean-Marc Blanchet, à Asnières-la-Giraud (Charente-Maritime). Comme la quarantaine de personnes présentes, ce viticulteur en AOC Cognac réfléchit à une solution moins pénible et plus rapide pour tirer les bois. Tous sont impatients de voir le chantier démarrer.
Mais d'abord, Thomas Junck, technico-commercial chez Ero, présente sa machine. Elle est constituée d'une tête de broyage inclinable montée sur un parallélogramme et un bras articulés à l'avant du tracteur. Cette tête est composée de deux roues crantées superposées suivies d'un broyeur. Normalement, une vis sans fin guide l'entrée des bois à l'avant de la tête. Le temps étant humide en ce 8 février, Ero l'a démontée car elle peut provoquer un bourrage des sarments.
Décrocher un à un tous les crampillons
La démonstration va avoir lieu dans une vigne d'ugni blanc de 200 mètres de long, plantée à 3 mètres de largeur. La parcelle, conduite en guyot double, a été taillée. Thomas Junck fait remarquer que les bois des huit premiers ceps ont été tirés manuellement au début et à la fin de chaque rang. Cela pour limiter le risque de rupture des fils lorsque la machine va les soulever.
Il montre également que les fils releveurs ont été posés à terre et que deux fils de palissage fixes ont été retirés des piquets. Pour cela, une petite équipe a décroché un à un tous les crampillons à l'aide de tenailles. En effet, avant l'intervention de la Viteco, il faut poser les fils releveurs à terre, libérer les fils fixes « et bien vérifier l'état du palissage », indique Thomas Junck.
Ces explications données, la démonstration commence. Le chauffeur avance jusqu'au deuxième piquet du premier rang. À l'aide du joystick, il ouvre le capot de la tête, la baisse à hauteur de genoux, puis l'incline vers les fils. Un second opérateur saisit les deux fils de palissage fixes et les introduit dans deux guides au centre de la tête. Le chauffeur referme le capot. À l'avant de la tête, la roue en caoutchouc cerclée de dents métalliques vient se placer au-dessus du rouleau à mâchoires.
Ça y est, les fils sont pris ! Le conducteur relève la tête à mi-hauteur. Il lance la Viteco à mi-régime. Puis il démarre en montant progressivement la tête jusqu'au-dessus des piquets pour bien tendre les fils. Mais gare à leur tension ! Trop faibles, les fils risquent de se prendre dans les couteaux du broyeur. Trop forte, et c'est la casse !
Tournant en sens inverse, les deux roues de la Viteco happent les sarments et les dirigent vers le broyeur qui les déchiquette et les éjecte dans le rang via un déflecteur. Le tracteur avance entre 3 et 3,5 km/h. Le second opérateur précède la machine pour s'assurer que les fils sont bien libres de monter dans la tête. Précaution utile, car cinquante mètres plus loin, un crampillon oublié sur un piquet contraint le chauffeur à un premier arrêt. Puis rapidement à un deuxième. Cette fois-ci, le fil porteur est pris dans un cep. Il faut couper le fil et le rabouter. Alors seulement, la machine peut repartir.
Des sarments tombent régulièrement devant ou sur le côté de la tête sans être broyés. Ceux qui n'échappent pas au broyeur en ressortent en morceaux de 10 à 30 cm. « Il est recommandé d'effectuer un minimum de coupes lors de la taille pour que les bois restent accrochés aux fils, précise Thomas Junck. Le broyage est aussi beaucoup plus fin et régulier par temps sec. »
« Beaucoup de travail »
Tel un escargot, la Viteco s'arrête à nouveau une ou deux fois dans chacun des rangs suivants. Pour déprendre un fil resté accroché à un tendeur sur un piquet ou après la rupture d'un fil. Ce n'est pas tout. Après avoir terminé un rang, le chauffeur repart à vide. Il remonte les 200 mètres de vignes pour reprendre le rang suivant dans le même sens que le premier. « Pour éviter cela, il faudrait alterner l'accrochage des fils à droite et à gauche des piquets, car la machine ne travaille que du côté droit », fait remarquer Thomas Junck. « Tout ça fait beaucoup de travail », résume un vigneron.
Selon le constructeur, la Viteco serait plus à son avantage dans une parcelle palissée sur des piquets métalliques dotés de crochets extérieurs et de fils en bon état. Elle avancerait alors jusqu'à 5,5 km/h et réaliserait ainsi une économie d'au moins trente heures de travail par hectare par rapport à un tirage manuel. À ce rythme, la Viteco, qui coûte 40 000 euros, serait rentable à partir de 35 hectares par an.