En lançant Isonet LE en 2012, Terra Fructi a fait bouger les lignes sur le marché de la confusion sexuelle. De 45 centimes en 2012, le prix d'une capsule de Rak 1+2 de BASF, efficace contre l'eudémis et la cochylis, est passé à 36 centimes cette année, soit une baisse de 20 % en un an. Mais le prix du Rak 1, homologué contre la cochylis uniquement, non concurrencé par Isonet, est resté à 33 centimes d'euro.
« Les viticulteurs sont contents de notre arrivée sur ce marché, constate Guy Salmona, cogérant de Terra Fructi et viticulteur à Fronton (Haute-Garonne). Ils apprécient d'y voir enfin un concurrent. »
Pour justifier sa politique tarifaire, BASF met en avant ses investissements. « Il nous a fallu sept à huit ans de recherches pour mettre au point le produit et fixer la quantité de 500 Rak par hectare, indique Pierre-Antoine Lardier, responsable du pôle cultures spécialisées chez BASF. Nous ne pouvions pas faire d'économie d'échelle car seulement 20 000 ha sont couverts par la confusion sexuelle. Puis nous avons constaté que le prix devenait un frein au développement de cette technique. L'arrivée d'un concurrent n'a pas été neutre dans la baisse de nos tarifs. » Cette année, BASF s'est donc presque al ignée sur son nouveau concurrent. À raison de 500 diffuseurs par ha pour les deux procédés, Rak 1+2 a coûté 180 €/ha, contre 168 €/ha pour Isonet LE. Quelques viticulteurs sont parvenus à obtenir de meilleures offres.
Terra Fructi vise 5 000 hectares
Bien qu'étant moins cher, Terra Fructi reste encore très en retrait par rapport à BASF. En 2013, Isonet LE devrait couvrir 2 500 ha, tandis que le leader couvre 25 500 ha. La Champagne représente à elle seule 50 % des achats avec 13 000 ha. « Nous avons réussi notre premier pari, qui était de rendre la confusion sexuelle plus accessible, affirme Philippe Rothgerber, cogérant de Terra Fructi et viticulteur alsacien. Il nous faut réussir notre second pari, celui d'atteindre 5 000 ha d'ici quelques campagnes. »
Tous les distributeurs n'ont pas référencé Isonet LE, ce qui a freiné sa diffusion en 2013. En Champagne, un distributeur a fait le choix de le mettre en avant. Il s'agit d'Alain Truchon, gérant de la jeune société Truchon diffusion, à Bligny (Marne), dont l'activité a démarré l'année dernière. « Nous nous sommes positionnés un peu tardivement, commente Alain Truchon. Notre travail nous permettra d'être présents pour la campagne 2014. En proposant Isonet LE, nous accompagnons une évolution du marché de la confusion sexuelle. Les viticulteurs qui en achètent souhaitent renvoyer l'ascenseur à Terra Fructi, dont l'arrivée fait quand même gagner 800 000 euros aux viticulteurs champenois ! Ils ont également envie de prendre en main le produit. »
Le temps de pose serait-il un handicap ?
Un autre handicap vient perturber le développement d'Isonet LE : son temps de pose. En Champagne, des essais ont été menés pour comparer le temps nécessaire à la pose de Rak et d'Isonet LE. La différence serait de l'ordre de 30 % en défaveur d'Isonet LE.
Contrairement aux Rak, que l'on accroche d'une main au fil, il faut avoir les deux mains libres pour poser Isonet LE en effectuant un noeud en tête d'alouette. Ces diffuseurs sont en effet composés de deux tubes proches fixés l'un à l'autre à leurs deux extrémités. On les accroche à la vigne en écartant les deux tubes à un bout et en faisant entrer l'autre dans la boucle ainsi formée, tout en ayant pris soin d'enfermer un bras ou une baguette dans cette boucle. Cela augmente-t-il le temps de pose en Champagne ? L'essai grandeur nature qui aura lieu cette année sur environ 150 ha couverts par Terra Fructi permettra de le savoir.
Philippe Rothgerber souligne « qu'en Alsace, le temps de pose entre le Rak et Isonet est globalement le même. En Suisse, la pose d'Isonet est même parfois plus rapide. Tout dépend de l'endroit où est posé le diffuseur. En Italie, les vignerons estiment qu'Isonet prend 10 % de temps en plus. La différence devrait être du même ordre en Champagne. Il faut aussi intégrer qu'Isonet est moins encombrant ». Face à la concurrence, BASF ne reste pas inactive. L'entreprise affine son service à destination des distributeurs qui veulent se lancer dans la confusion sexuelle (voir encadré). Elle prévoit des nouveautés pour 2014 et travaille également à la mise au point d'une capsule biodégradable car tous les viticulteurs ne récupèrent pas les Rak. « BASF sait produire du plastique biodégradable, mais dans le cas présent, il faut que le plastique tienne toute la saison », précise Pierre-Antoine Lardier.
Reste une interrogation, toujours au sujet des tarifs : pourquoi les Rak 1+2 deux générations, principalement vendus au nord de la Loire, sont-ils vendus au même prix que les Rak 1+2 trois générations alors qu'ils contiennent moins d'hormones ?
BASF lance le logiciel EasyRak
Après avoir créé l'école des Rak il y a quinze ans, BASF poursuit son accompagnement des distributeurs pour développer la confusion sexuelle. « Nous leur proposons un petit logiciel de calcul, EasyRak, qui permet de définir le nombre de diffuseurs à poser selon la surface et la configuration de l'îlot, précise Pierre-Antoine Lardier, responsable du pôle cultures spécialisées chez BASF. Le logiciel tient compte des bordures de la parcelle ou de l'îlot à couvrir (forêt, champ, parcelle en diffusion sexuelle, parcelle avec insecticide, etc.). Il propose un plan de pose.
C'est un outil de facilitation, destiné aux distributeurs qui n'ont pas l'habitude de travailler avec les Rak. »
Le Point de vue de
Francis Fischer, président du syndicat viticole de Ribeauvillé (Haut-Rhin)
« Avec Isonet LE, le temps de pose n'est pas plus long »
« Nous avons opté pour la confusion sexuelle il y a une quinzaine d'années. La surface concernée comprend 270 ha et implique environ 60 viticulteurs. Cela faisait déjà quelques années que nous attendions avec impatience l'homologation d'Isonet LE pour qu'il existe une vraie concurrence sur ce marché. Dès 2012, nous avons donc opté pour ce diffuseur. Nous avions quelques inquiétudes sur le temps de pose. Dans les faits, la pose d'Isonet n'a pas pris beaucoup plus de temps. Nous avons réussi à tout poser dans une grosse journée. C'est légèrement plus long que les Rak, de l'ordre de 10 %, mais ce n'est pas significatif. Je n'ai eu aucune remarque des 60 poseurs, ce qui montre que cela n'a pas créé de problème. Quand nous retirons les diffuseurs, c'est un peu plus long également, mais nous n'avons peut-être pas encore trouvé la meilleure méthode. Pour 2013, nous sommes repartis avec Isonet. Nous ne voulons surtout pas retrouver une situation de monopole. La confusion sexuelle sera pérenne si son prix est acceptable. »