Une grosse centaine de tracteurs articulés est immatriculée chaque année en France. La plupart travaillent dans les vergers et dans les espaces verts. Le reste évolue dans les vignes étroites et parfois pentues d'Alsace, du Libournais ou du Val de Loire.
Quatre fabricants se partagent ce petit marché : les Italiens Carraro, Valpadana et Ferrari, ainsi que l'Allemand Holder. Leurs tracteurs ont plusieurs points communs. Outre leur articulation centrale, ils sont très étroits, puisque leur largeur hors tout minimale est comprise entre 95 cm et 1,05 m. Ils peuvent donc évoluer dans les vignes à partir de 1,30 m de largeur. Tous disposent également d'un centre de gravité bas, de quatre roues de même diamètre et d'une oscillation latérale entre l'avant et l'arrière du châssis. Cela leur assure équilibre et stabilité. Ils offrent ainsi une alternative aux enjambeurs dans les vignes en pente et en contre-pente.
« Travailler en frontal »
À la différence de Holder, les trois Italiens proposent des modèles à poste de conduite réversible. Un argument de poids selon Jean-Michel Thibaudat, directeur commercial Ferrari France. « Nos clients achètent nos articulés pour leur poste réversible, explique-t-il. Ils peuvent travailler en frontal en utilisant la prise de force arrière. » Ferrari commercialise les modèles Vega 75 (ch), 85 (ch) et 95 (ch). Tous ont un rayon de braquage de 2,50 m et disposent d'une largeur minimale hors tout de 1,03 m. Leur débit hydraulique est limité à 49 l/min. Il doit être complété par une centrale hydraulique pour certains travaux du sol.
Le groupe Ferrari décline ses tracteurs sous sa propre marque ainsi que sous les marques BCS et Pasquali. Toutes les trois proposent aussi deux modèles de plus faible puissance.
Relevage pendulaire
De son côté, Valpadana dispose de deux tracteurs à poste réversible, l'un de 82 ch (VP 9695 ARR), l'autre de 101 ch (VP 96105 ARR). Ce dernier « est l'unique articulé réversible du marché de plus de100 ch, souligne Frédéric Widiez, de Valpadana. Le seul aussi à disposer d'un inverseur à commande hydraulique sous charge ». Le rayon de braquage est de 2,90 m. La gamme est complétée par deux modèles articulés de plus faible puissance (54 ch et 66 ch), à poste de conduite fixe.
Chez Carraro, la gamme comprend cinq modèles de 70 à 95_ch. Les trois modèles SRX (SRX 8400, 9800 et 10400, de 70_ch, 87_ch et 95 ch) ont une boîte mécanique. Le SRH 9800 (87 ch) possède une transmission hydrostatique. Vendu depuis deux ans, le Mach 4 (87 ch) est à chenilles. Ces tracteurs mesurent 1,06 m de largeur hors tout. Leur débit hydraulique, de 47 litres/min, est également limité. Selon Mathieu Biedinger, inspecteur commercial chez Carraro, les tracteurs articulés à roues ont une aussi bonne tenue dans les pentes que le modèle à chenilles. Ils coûtent 20 000 à 30 000 euros de moins.
L'Allemand Holder se distingue de ses trois concurrents par plusieurs aspects. Ses tracteurs sont les plus étroits et les plus chers du marché. Chaussés de pneus 18 pouces, leur largeur hors tout n'est que de 95 cm, soit 10 cm de moins que les autres marques. Holder propose deux modèles : F 5.60 (62 ch) et F 7.80 (77 ch), ce dernier se négociant à partir de 65 000 euros.
Tous deux bénéficient d'un relevage pendulaire. Cet équipement, associé à l'oscillation latérale mais aussi avant arrière de l'articulation, permet de compenser le dévers. Ces tracteurs ne disposent pas de poste de conduite réversible. Mais ils peuvent être équipés d'un relevage avant pour travailler en position frontale.
Le Point de vue de
Michel Aroldi, propriétaire du château Plain-Point à Saint-Aignan (Gironde). 35 ha plantés entre 1,30 m et 1,50 m en AOC Fronsac
« Une adhérence et une stabilité excellentes »
«En 2009, nous avons remplacé nos deux Fendt par deux tracteurs articulés Holder : un F5.60 (60 ch) et un F7.80 (80 ch). À nos yeux, ce sont les plus adaptés à nos terres exigeantes, argileuses, rocheuses et parfois pentues. Ils ont un centre de gravité bas. Avec un poids réparti sur quatre roues égales, ils sont très équilibrés. Les Fendt avaient une adhérence et une stabilité très correctes. Mais de ce point de vue, les articulés sont encore meilleurs. C'est appréciable quand ils évoluent à la fois en pente et en dévers. Les Holder sont aussi plus maniables.
L'articulation et l'angle de braquage, 30 % inférieur à celui d'un tracteur rigide, permettent de tourner à la fois plus court et plus tôt en bout de rang.
Le F5.60 à cabine réalise les traitements avec notre pulvé Holder. Il sert aussi pour des travaux du sol légers avec des disques ou un rotavator. Le F7.80 sans cabine, qui développe 20 ch de plus, dispose d'un relevage avant. Il travaille avec nos interceps seuls ou en combiné, avec des lames de décompactage à l'avant et un rotavator à l'arrière, ou encore avec une tondeuse devant et une rogneuse deux rangs derrière. La conduite nécessite un temps d'adaptation. Mais une fois qu'on a le tracteur en mains, il tire droit. Nous avons un broyeur à sarment Souslikoff qui pèse 600 kg et est en porte-à-faux. C'est trop lourd pour les tracteurs articulés. Seul notre tracteur Case rigide peut le soulever. »
Le Point de vue de
Vincent Wagner, gérant de l'EARL Pom d'Alsace à Bennwihr (Haut-Rhin). 8 ha de vignes plantées à 1,60 m et 1,80 m en AOC Alsace
« Les outils sont plus proches »
«Nous avons un tracteur articulé BCS Volcan depuis deux ans. Son premier intérêt est d'offrir un poste de conduite inversé. Le siège pivote de 180 degrés en quelques secondes. Les outils que j'attelle sur le relevage arrière se retrouvent alors devant moi. Ils sont ainsi plus proches et plus accessibles que s'ils étaient montés sur un mât à l'avant d'un tracteur rigide. L'articulé permet aussi de manoeuvrer plus facilement dans nos tournières de 5, voire 4 mètres de largeur. Son angle de braquage est très court.
La reprise de rang est plus rapide, car on ne saute qu'un rang. Enfin, dans nos vignes à 1,60 m, il y a moins de risque de blesser les grappes avec l'articulé qu'avec le tracteur rigide (un New Holland TNV 75 de 2007), car il est chaussé de quatre roues de même hauteur, ce qui limite le contact avec la végétation. Nous utilisons le BCS pour broyer l'herbe et les sarments, pour effeuiller et pour palisser. Nous réalisons ces travaux avec le poste inversé. Les outils sont alors en position frontale. Lorsqu'on passe un broyeur, l'herbe ou les sarments sont pulvérisés avant d'être écrasés par les roues du tracteur. Le résultat est de meilleure qualité. Par ailleurs, le BCS peut traîner notre pulvé Lochmann de 900 litres si besoin. Il peut aussi être équipé d'un lève-palettes. En revanche, nous ne l'utilisons pas pour le travail du sol parce qu'avec l'articulation, il ne fait pas bloc comme un tracteur rigide. Il a tendance à partir en crabe. Et cela d'autant plus vite qu'il n'est pas large.
Nous préférons aussi rogner avec le New Holland parce que le risque de retournement est élevé quand on travaille avec un articulé équipé d'un outil lourd en déport. De même, il faut faire attention dans les descentes avec un pulvé ou une remorque, à cause de la poussée des outils sur l'attelage. »