Dégâts de grêle à Vouvray. Les deux tiers du vignoble ont été touchés entre 20 et 100 %. Pour l'instant, le syndicat ne communique pas d'estimation de perte de récolte, préférant attendre la fin de la floraison. © PHOTOPQR/LA NOUVELLE REPUBLIQUE/P. DESCHAMPS
Tornade dans le Châtillonnais. Chez Sylvain Bouhélier, vigneron à Chaumont-le-Bois (Côte-d'Or), 2,8 ha de vignes ont été décapités au niveau du fil de relevage. © P. BOUHELIER
Vouvray : 1 500 ha grêlés
Le 17 juin, des rafales de vent et des grêlons gros comme des œufs ont déferlé sur le vignoble de Vouvray, en Indre-et-Loire. Autour de 1 500 ha, soit les deux tiers des cultures, ont été touchés entre 20 et 100 %. 75 % des exploitations sont concernées. Pour l'heure, le syndicat ne communique pas d'estimation de perte de récolte, préférant attendre la fin de la floraison. Mais la vendange prochaine sera réduite, au même titre que celle de 2014. Et moins de la moitié des vignerons sont assurés contre la grêle.
Le ministre de l'Agriculture a annoncé des mesures de soutien, comme le dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti. « Mais cela ne sauvera pas nos exploitations, lâche Jean-Michel Pieaux, président du syndicat des vignerons de Vouvray. Il nous faudrait des taux d'intérêts faibles, voire nuls, pour des prêts à court terme, ainsi que des aides pour pouvoir garder nos salariés permanents. » Il espère qu'un arrêté autorisant l'achat de vendange entre vignerons sera pris. « Certains pourront peut-être proposer quelques hectolitres, même si peu d'entre nous ont été épargnés par la grêle. »
Les stocks devraient permettre de tenir jusqu'à l'année prochaine. « Mais la récolte 2012 a été petite et le manque de volume se fera sentir. Chaque vigneron tentera de préserver ses meilleurs marchés : l'export et la vente directe », confie Jean-Michel Pieaux.
Cahors : 8 000 hl seraient perdus
À Trespoux-Rassiels, dans le Lot, les dix viticulteurs ont été touchés par l'énorme orage de grêle du 18 juin. « Les grêlons étaient plus gros que des balles de golf. La totalité de mes 10 ha a été touchée, plus ou moins sévèrement, témoigne Francis Pouderoux, propriétaire du domaine des Trois Cazelles. Je ne devrais récolter que 20 hl/ha, soit 60 % de moins que d'habitude. Comme je travaille en bio, j'ai traité au cuivre, au soufre et à la Solithe (une marque de lithothamne, NDLR), pour que le bois cicatrise et pour éviter le mildiou. Mais j'aurai un gros souci avec la taille l'an prochain, car les bois principaux sont très abîmés. »
Chez Delphine Combarieu, au château Combarieu, les 27 ha de malbec et de merlot ont été affectés. « Sur 20 ha, la vigne est complètement mâchée et nous ne vendangerons rien. Sur les sept autres, de nombreuses grappes ont été coupées, nous ne savons pas si elles donneront quelque chose », constate-t-elle.
Selon Maurin Béranger, président du syndicat de l'AOC Cahors, 200 à 250 ha ont été touchés par la grêle, subissant 80 à 100 % de pertes. Au total, les intempéries auraient emporté 8 000 hl. Le syndicat demande un dégrèvement des impôts fonciers de 2014 et un échelonnement des cotisations à la MSA.
Châtillonnais : La tornade ravage aussi les vignes
Sylvain Bouhélier, vigneron à Chaumont-le-Bois (Côte-d'Or), qui travaille sur 5,8 ha, n'est pas prêt d'oublier la journée du 19 juin. Vers 17 h 30, le ciel s'est assombri d'un coup et la température est passée de 30 à 18°C en quelques minutes. Des vents violents accompagnés de pluie et par endroits de grêlons se sont levés. « Je préparais ma rogneuse dans mon atelier. Je me suis enfermé à clé. J'ai cru que le bâtiment allait s'envoler », se souvient-il.
Les rafales de 130 à 140 km/h ont même atteint plus de 180 km/h à Étrochey et Montliot-et-Courcelles, l'épicentre de cette tornade qui a meurtri le Châtillonnais, région située au nord de la Bourgogne. Tous les médias ont rendu compte des dégâts qu'elle a causés aux habitations. Mais ils sont tout aussi considérables dans les vignes.
« Avec le vent, les grêlons circulaient à l'horizontale. Ils ont mitraillé les vignes », déplore le viticulteur. Sur 2,8 ha de son domaine, les vignes sont décapitées au niveau du fil de palissage « comme si elles avaient été écimées ». La récolte est perdue. Les piquets en bois sont truffés d'impacts. Un autre hectare a été grêlé à 30 %. Au moins, le reste de son vignoble a été épargné.
D'après un premier bilan effectué par la chambre d'agriculture de Côte-d'Or sur l'ensemble de l'appellation qui compte 250 ha, 40 ha seraient détruits entre 80 et 100 % et environ 40 ha entre 30 et 60 %.
La tornade a également provoqué des dégâts sur les toitures des bâtiments viticoles et des chais situés sur son passage. « J'ai dû changer 20 m2 de plaques en fibrociment et 10 m2 de tuiles sur le bâtiment où se trouve ma cuverie », rapporte Sylvain Bouhélier. Chez d'autres vignerons, les pluies ont entraîné du ravinement : il faudra donc remonter la terre.
Champagne : « Ça a tapé fort »
Les violents orages du 19 et du 20 juin n'ont pas épargné la Champagne. Et aux dires de conseillers viticoles : « Ça a tapé fort. » Les cumuls de pluies enregistrés oscillent entre 10 et 80 mm. Le sud de la côte des Bars et le secteur de Mareuil-le-Port, dans la vallée de la Marne, ont été les plus arrosés. Accompagnés de grêle et de vents violents, les orages ont fait des ravages : rameaux et feuilles hachés, inflorescences et pousses sectionnées, surtout dans les parcelles non relevées.
Au 28 juin, les estimations étaient encore en cours. Les fortes précipitations ont également provoqué du ravinement sauf « dans les parcelles enherbées », souligne Marie-Pierre Vacavant, du CIVC.
Alsace, Beaujolais : Des rameaux cassés
En Alsace et dans le Beaujolais, vents et orages ont cassé des pousses. « Les dégâts sont localisés, mais 20 à 30 % des rameaux sont à terre dans les jeunes vignes, », affirme Frédéric Schwaerzler, de la chambre d'agriculture du Haut-Rhin. Dans le Nord Beaujolais, les dégâts sont notables dans des parcelles de gobelet, dont la base des rameaux était fragilisée par l'excoriose et la forte pousse. Dans les cas les plus graves, jusque 30 % des pousses se sont brisées.
Quelques dégâts sont également à déplorer en Gironde et en Bourgogne, notamment dans les parcelles où les viticulteurs n'avaient pas terminé le relevage. « Mais cela reste minime », précise toutefois Pierre Petitot, de la chambre d'agriculture de Côte-d'Or.
Nombreux symptômes de botrytis
« De nombreux symptômes de pourriture grise sur feuille et même sur des bouts de grappe sont observés », selon Magdalena Girard, de la chambre d'agriculture de Charente-Maritime. Même chose dans plusieurs vignobles, dont le Muscadet. « Mais nous n'y portons pas trop d'importance, car les souches de botrytis foliaire ne sont pas les mêmes que celles s'attaquant aux grappes en fin de saison », rassure Nadège Brochard-Mémain, de la chambre d'agriculture de Loire-Atlantique. En Gironde, avec les pluies, beaucoup de capuchons floraux sont restés collés aux inflorescences. Le botrytis y a sporulé.
Tordeuses : vigilance en Gironde
Presque partout, les vers de la grappe sont discrets. « La fraîcheur a gêné les papillons », confie Nadège Brochard-Mémain, de la chambre d'agriculture de Loire-Atlantique.
Sauf en Gironde et en Dordogne. « Nous constatons de fortes infestations. C'est étonnant, vu les conditions. Peu de parcelles se situent en dessous du seuil d'intervention pour les traitements préventifs en deuxième génération, qui est de cinq glomérules pour cent grappes », relate Stéphanie Florès, de l'Adar de Coutras (Gironde). Les viticulteurs devront se montrer vigilants, d'autant que le risque botrytis est élevé.
Vers des vendanges tardives
« On se dirige vers des vendanges début octobre. Ce sera certainement le millésime le plus tardif de ces trente dernières années », avance Michel Badier, de la chambre d'agriculture du Loir-et-Cher. Même chose à Cognac (Charente) où on ne s'attend pas à vendanger avant le 10 octobre. Même dans le Midi, début juillet, les vignes n'étaient pas en avance. « Nous avons un retard de dix à douze jours par rapport à une année moyenne. Nous prévoyons une récolte en septembre », confirme Emmanuel Rouchaud, de la chambre d'agriculture de l'Aude. Vignerons et techniciens comptent sur une belle arrière-saison pour que les raisins mûrissent bien.