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VIN

Les régions se positionnent sur le VCI

FRÉDÉRIQUE EHRHARD - La vigne - n°255 - juillet 2013 - page 56

La petite récolte de 2012 a motivé une partie des appellations de blancs secs à demander la mise en place d'un volume complémentaire individuel dès cette année. Mais d'autres ne sont pas décidées à franchir le pas.
SELON L'INAO, TRENTE TROIS APPELLATIONS souhaitent mettre en place un volume complémentaire individuel dès cette année © C. WATIER

SELON L'INAO, TRENTE TROIS APPELLATIONS souhaitent mettre en place un volume complémentaire individuel dès cette année © C. WATIER

En février, le comité national de l'Inao a donné son feu vert à un projet de décret autorisant la constitution d'un volume complémentaire individuel (VCI) pour toutes les appellations de vins blancs secs.

Ce système permet aux producteurs qui le souhaitent de mettre en réserve les volumes produits au-delà du rendement annuel, dans la limite du rendement butoir. Ils peuvent ensuite les mobiliser en cas de récolte déficiente sur le plan qualitatif ou quantitatif.

BOURGOGNE : 16 appellations décidées

Seules 16 des 51 appellations de blancs en Bourgogne ont demandé la mise en place d'un VCI. Certaines ont jugé que cela représentait beaucoup de complications pour rien. « Lorsqu'il n'y a qu'un hectolitre par hectare de différence entre le rendement annuel et le rendement butoir, cela ne vaut pas le coup », reconnaît Séverin Barioz, le directeur de la Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne (CAVB). Mais lorsque ce différentiel atteint 5 à 6 hl/ha, comme c'est le cas pour les appellations Mâcon ou Bourgogne, le procédé devient intéressant.

En 2012, les rendements ont reculé de 20 à 30 % suivant les appellations. Pour certaines d'entre elles, c'était la troisième petite récolte consécutive. « L'enjeu est important, affirme Jean-Michel Aubinel, le président de la CAVB. Entre les maladies du bois et les accidents climatiques, réguler les rendements devient plus difficile. Nos clients ont du mal à comprendre ces problèmes d'approvisionnement. Le VCI va nous permettre de lisser les volumes disponibles. » « Sur le plan administratif, nous allons avoir du travail en plus. Mais avec un outil informatique adapté et des moyens mutualisés au sein du CAVB, cela ne devrait pas peser trop lourd », espère Séverin Barioz. Au moment des déclarations de récolte, il prévoit malgré tout d'embaucher quelques personnes en plus pour enregistrer les demandes.

VIGNOBLE NANTAIS : Le Muscadet motivé

Avec une récolte 2012 réduite de moitié par rapport à la moyenne, les huit appellations du Muscadet se sont décidées à demander le volume complémentaire individuel. « Les risques de gel sont importants dans notre vignoble. Constituer des réserves nous aidera à approvisionner plus régulièrement la distribution », relève Frédéric Macé, le directeur de l'ODG. Le rendement butoir est à 66 hl/ha, le rendement annuel se situe à 55 hl/ha. Il y a de la marge. Mais encore faut-il que la nature soit généreuse.

Ces dernières années, le rendement moyen n'a pas dépassé 50 hl/ha. Cela a interpellé l'Inao, qui a demandé des précisions. « Avec les maladies du bois, le potentiel de production des vignes âgées est entamé, observe Joël Forgeau, le président de l'ODG. Dans les vieilles parcelles, il sera effectivement difficile de dégager du VCI. Ce sera plus facile de constituer des réserves dans les parcelles qui ont été renouvelées. » Mais pour cela, il faudra de toute façon attendre que la quantité et la qualité soient au rendez-vous. « Cela arrive de temps en temps ! C'était le cas en 2005 et 2009, par exemple », souligne-t-il.

Chaque année, la décision d'autoriser ou non la constitution d'un VCI sera prise au dernier moment, en fonction des observations du réseau de maturité. « Nous aurons plus de travail administratif et des contrôles supplémentaires à prévoir dans le plan d'inspection. Mais cela devrait rester gérable », estime Frédéric Macé.

ALSACE : Pas encore de décision

Sur le principe, l'association des viticulteurs d'Alsace (Ava) a dit oui au VCI. Mais elle n'a pas encore décidé si elle allait effectivement le demander. Créer un volume complémentaire individuel pour chacun des sept cépages de l'AOC Alsace serait complexe à gérer, et d'un intérêt limité pour certains d'entre eux. « En 2010, la récolte a été réduite de 25 %. Mais nous avons surtout manqué de gewurtztraminer, rappelle Frédéric Bach, le directeur de l'Ava. Ce cépage a du mal à arriver au rendement autorisé. Même les bonnes années, il n'y aurait pas de quoi constituer des réserves. Et en faire avec les autres cépages ne réglerait pas le problème, car ils ne sont pas substituables. »

Parmi les opérateurs, les avis sont partagés. La petite récolte de 2010 a fait perdre des marchés qu'il a fallu reconquérir. Certains souhaiteraient pouvoir constituer des réserves pour éviter une pareille déconvenue dans l'avenir. D'autres craignent que celles-ci pèsent sur les cours.

« Cette petite récolte a aussi raffermi les prix. Si nous avions eu des réserves, cela n'aurait peut-être pas été le cas », relève Jérôme Bauer, le président de l'Ava. Aucune décision ne devrait être prise dans l'immédiat. « Nous allons d'abord organiser des débats dans chaque petite région avant de trancher en assemblée générale », conclut Frédéric Bach.

VAL DE LOIRE : La Touraine y va, Sancerre non

L'appellation Sancerre a décidé de ne pas demander le VCI. « Entre les maladies du bois et les aléas climatiques, nous avons surtout eu des petites récoltes ces dernières années, et aucune qui soit suffisante pour constituer des réserves », constate Nathalie Prieur, directrice de l'ODG.

À l'inverse, trois appellations voisines de Sancerre, Quincy, Reuilly et Menetou-Salon, ont décidé de le demander. « De temps en temps, la grêle et le gel réduisent fortement nos récoltes. Lorsque le millésime est qualitatif, nous voulons mettre en réserve quelques hectolitres par hectare. Ce sera mieux que de les distiller », considère Pierre Clément, président de l'ODG Menetou-Salon.

L'appellation Touraine a également demandé un volume complémentaire individuel. Avec un rendement butoir de 72 hl/ha et un rendement annuel de 65 hl/ha, les viticulteurs sont confiants. « Nous avons déposé notre dossier à l'Inao et nous sommes en train de voir comment nous allons nous organiser. Nous envisageons de nous équiper d'un logiciel adapté, qui nous faciliterait le travail », anticipe Virginie Prinsloo, l'animatrice de l'ODG.

L'Inao rassurant malgré des délais courts

« Nous serons opérationnels dès le comité national de septembre pour répondre aux ODG candidates au VCI », a promis Christian Paly, président du comité national des vins AOC de l'Inao, le 26 juin, après la réunion de ce dernier. Les appellations qui souhaitent engranger du VCI devraient donc pouvoir le faire dès cette année.

Elles sont 33 selon le dénombrement de l'institut : 18 en Bourgogne, 7 à Bordeaux et Bergerac, 6 dans le Val de Loire et 2 dans la vallée du Rhône. Au printemps, ces ODG ont présenté leur dossier et fourni les compléments d'information demandés par l'Inao. Elles ont en même temps sollicité l'avis de leur interprofession. Mais l'instruction des dossiers s'avère longue et le décret autorisant le VCI n'était toujours pas paru fin juin. Ces lenteurs ont provoqué des inquiétudes que Christain Paly a tenu à apaiser. « Nous espérons que le dispositif sera opérationnel à temps. Il y a une belle sortie de grappes en Bourgogne. Si le climat est favorable cet été, nous devrions pouvoir commencer à constituer des réserves dès cette année », prévoit Jean-Michel Aubinel, le président de la CAVB.

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