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VIGNE

Le dragster des vignes

MARTIN CAILLON - La vigne - n°256 - septembre 2013 - page 40

Un viticulteur champenois a transformé un tracteur agricole à chenilles de 300 chevaux en enjambeur vigneron. Le résultat est spectaculaire.
Un John Deere 8285 RT d'origine coûte 150 000 euros. Jean-Daniel Dommange a consacré 40 000 euros à sa transformation. Et il n'a pas compté son temps.

Un John Deere 8285 RT d'origine coûte 150 000 euros. Jean-Daniel Dommange a consacré 40 000 euros à sa transformation. Et il n'a pas compté son temps.

Jean-Daniel Dommange jouit d'un confort de travail appréciable dans une cabine spacieuse équipée d'un GPS. Il a substitué le levier de commande d'origine par un joystick multifonctions.

Jean-Daniel Dommange jouit d'un confort de travail appréciable dans une cabine spacieuse équipée d'un GPS. Il a substitué le levier de commande d'origine par un joystick multifonctions.

Les deux roues arrière suppriment tout risque de basculement du tracteur dû à la position haute et en porte-à-faux du pulvé. PHOTOS M. CAILLON

Les deux roues arrière suppriment tout risque de basculement du tracteur dû à la position haute et en porte-à-faux du pulvé. PHOTOS M. CAILLON

Jean-Daniel Dommange ne fait pas dans la quincaillerie ! Il y a deux ans, cet agriculteur et vigneron champenois achète un tracteur de grande culture à chenilles John Deere 8295 RT de 300 chevaux qu'il transforme en enjambeur pour cultiver ses 11 hectares de vignes étroites. Toute une affaire ! Pour commencer, il écarte la voie du tracteur à 3 m de largeur. Sur le 8295 RT, la chose est assez simple. Le constructeur propose un kit d'extension des trompettes de 2 X 50 cm à cet effet. Une fois l'opération effectuée, il faut surélever le train de chenilles d'origine de près d'un mètre pour pouvoir enjamber les rangs. Pour cela, rien n'est prévu. Jean-Daniel Dommange ajoute donc une roue et un galet au train de chenilles. Il fabrique une pièce ad hoc intégrant la roue d'entraînement principale, située plus en hauteur. Il remplace aussi la paire de chenilles d'origine, trop courtes, par un jeu plus long. Après les premiers essais au champ, il réduit de moitié la hauteur des crampons qui dégradent trop le sol dans les tournières. Sur la route, il limite aussi sa vitesse à 20 km/h pour les ménager.

Jean-Daniel Dommange installe ensuite un chargeur frontal sur le tracteur pour en faire un porte-outils. À ce jour, ce chargeur permet d'atteler une rogneuse double rang (voir photo principale), un broyeur ou un localisateur de chélates.

À l'arrière, le trois points accueille un pulvé Precijet de Tecnoma, également modifié. « J'ai ajouté une dixième descente et monté une plus grosse pompe. J'ai aussi raccourci un peu le trois points pour réduire le porte-à-faux de l'appareil, raconte-t-il. Mais cela n'a pas suffi. Il fallait charger lourdement le porte-masses avant. » Pour y remédier, le viticulteur, jamais à court d'idée, décide d'installer deux roues ni directionnelles, ni motrices à l'arrière du tracteur. Montées sur un vérin réglable en hauteur depuis la cabine, elles permettent de répartir le poids de l'engin sur toute la longueur des chenilles pour le rendre plus sûr. Concrètement, lorsque le tracteur monte, le chauffeur les descend pour qu'elles prennent appui sur le sol. Une fois les roues dans l'axe des rangs, il les bloque pour éviter qu'elles ne tournent à droite ou à gauche et n'abîment les ceps et le palissage. Il les relève en sortie de rang.

Avec son allure de dragster, le John Deere relooké en impose. Il enjambe maintenant trois rangs et mesure à lui seul presque 4 m de large, 6 m de long, 4,20 m de haut et pèse 15 tonnes. L'engin dispose d'une grande stabilité et d'une excellente adhérence. Avec une surface totale de 2,25 m² au sol, « les chenilles ne tassent pas plus le sol qu'un enjambeur à roues », remarque le vigneron, que nous avons rencontré le 21 juin à Saint-Amand-sur-Fion (Marne), en plein rognage dans ses vignes pentues. Mais cette machine consomme un peu plus, 25 litres en moyenne.

Aux commandes dans sa cabine high-tech et haut de gamme, Jean-Daniel Dommange est serein. Il règle l'avancement et les outils à l'aide de l'ordinateur et du levier de commande qu'il a converti en joystick. Il surveille l'arrière du tracteur, filmé par une caméra, ainsi que les rangs travaillés, tracés par le GPS, sur un écran. « La conduite n'a rien à voir avec celle d'un enjambeur à roues », apprécie le vigneron. Le moindre coup de volant, en effet, peut provoquer un grand écart de la rogneuse. « Un bip retentit si je m'écarte de plus de 10 cm de l'axe du rang », rassure-t-il.

Le viticulteur n'en est pas à son coup d'essai. En 1998, ingénieux et déjà soudeur hors pair, il avait converti une ensileuse John Deere 5440 en enjambeur vigneron. Il s'en est servi pour traiter ses vignes pendant une douzaine d'années. « Les problèmes de fiabilité étaient récurrents sur mes enjambeurs. En matière d'équipement viticole, on a vingt ans de retard sur l'agriculture », observe-t-il. C'est pour le combler qu'il a opéré ces transformations inédites.

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