Victime de deux inondations à un an d'intervalle. Pas de quoi mettre à terre Frédéric Michel, 33 ans, à la tête du domaine du Blavet, à Roquebrune-sur-Argens (Var), la propriété familiale de 10 ha qu'il a reprise il y a cinq ans. La première inondation, d'une ampleur phénoménale, touche le Var dans la nuit du 15 juin 2010. Les précipitations atteignent 400 mm à Roquebrune-sur-Argens.
Frédéric Michel ne pourra accéder à ses vignes que deux jours plus tard. Cinq hectares ont été fortement touchés. L'équivalent de 350 hl est perdu, soit 45 % d'une récolte normale. Financièrement, la perte s'élève à 170 000 euros. « Il n'était pas question de rester abattu. J'ai relevé les manches, d'autant que je n'étais pas le plus malheureux. Certains avaient non seulement perdu leur récolte mais aussi leur habitation. Le travail de reconstruction nous attendait », témoigne-t-il.
Le chantier est lourd. Car une vague torrentielle a tout submergé sur son passage, laissant une caravane et un congélateur au beau milieu des vignes. Alors, tout le monde met la main à la pâte. Pendant une semaine, une quarantaine de bénévoles vient au domaine du Blavet pour redresser les vignes et changer les piquets, 500 au total.
De leur côté, les sapeurs forestiers découpent et enlèvent les arbres et les branchages qui encombrent les vignes. « Je ne les ai pas vus œuvrer. J'ai toujours regretté de n'avoir pu les remercier », confie Frédéric Michel. Et pour réaliser les traitements antimildiou, il fait appel à un hélicoptère. Malgré la catastrophe, il relativise : « Je n'ai pas de crédits sur le dos, je n'emploie pas de salariés et je suis sur un domaine familial», indique-t-il. Même s'il a les reins solides, le viticulteur a dû se « serrer la ceinture » pendant de longs mois. Il a abandonné des projets de vacances, taillé dans ses dépenses quotidiennes et « puisé dans des fonds propres ».
Dans le même temps, il revoit sa stratégie commerciale en renforçant sa présence auprès des cafés, hôtels et restaurants (CHR). Il produit habituellement 750 hl en vin de pays des Maures. Il en écoule 60 % par le réseau des CHR, le reste en vente directe. « J'ai encore plus privilégié la vente aux CHR, car il est plus difficile de reconquérir les professionnels », souligne-t-il.
En matière d'aide, il a reçu 600 euros de l'État au titre des catastrophes naturelles. Après l'inondation, il songe à prendre une assurance récolte. Très vite, il abandonne l'idée. « Le coût m'a fait reculer. Je ne vends pas mon vin assez cher pour prendre une assurance », explique-t-il.
Dans la semaine du 4 au 10 novembre 2011, les inondations frappent de nouveau. Les mêmes 5 ha du domaine sont sous les eaux. Cette fois, les pertes sont matérielles. Frédéric Michel bénéficie alors d'un ouvrier agricole pour redresser les piquets. Ces nouveaux dégâts n'ont pas ébranlé la position du viticulteur en matière d'assurance. C'est toujours non.
« Il faut mieux gérer le milieu naturel »
Frédéric Michel n'en démord pas : « Au-delà des problèmes climatiques, c'est la mauvaise gestion du milieu naturel par les hommes qui est en cause : elle accentue les conséquences des catastrophes naturelles. » Et de dénoncer « l'artificialisation » des berges de l'Argens, le fleuve qui traverse sa propriété, l'ensablement de son embouchure, la suppression de remblais, le sous-dimensionnement des ponts… « Une digue maritime était envisagée pour empêcher le sable de s'accumuler à l'embouchure. Elle n'a jamais été construite », s'indigne-t-il. En février 2012, Frédéric Michel n'a pas hésité à manifester avec les JA et la FDSEA pour dénoncer le désengagement de l'État dans les travaux d'urgence de l'Argens. Pour faire face aux catastrophes climatiques, il en appelle à de gros travaux d'aménagement.