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Quand la viticulture emploie des handicapés

FLORENCE JACQUEMOUD - La vigne - n°258 - novembre 2013 - page 102

De nombreuses personnes handicapées travaillent sur les propriétés viticoles, à l'année ou à la tâche. Bien formées et bien encadrées, elles remplissent parfaitement leurs missions.
JEAN-ANDRÉ FONTVIEILLE, SAÏD OULAD ALI ET JULIEN SALVIAC (de gauche à droite) font partie de l'équipe vigne de l'Ésat du domaine René Rieux, à Gaillac (Tarn). Ils effectuent une partie des vendanges à la main, sur les parcelles inaccessibles à la vendangeuse (photo du bas). PHOTOS F. JACQUEMOUD

JEAN-ANDRÉ FONTVIEILLE, SAÏD OULAD ALI ET JULIEN SALVIAC (de gauche à droite) font partie de l'équipe vigne de l'Ésat du domaine René Rieux, à Gaillac (Tarn). Ils effectuent une partie des vendanges à la main, sur les parcelles inaccessibles à la vendangeuse (photo du bas). PHOTOS F. JACQUEMOUD

Au domaine René Rieux, à Gaillac (Tarn), un établissement de service et d'aide par le travail (Ésat), Saïd Oulad Ali, Jean-André Fontvieille, Julien Salviac et Stéphane Colette terminent de couper à la main des grappes de fer servadou. Ils font partie de l'équipe vigne de l'Ésat, créé comme tous les établissements identiques pour accueillir des adultes en situation de handicap intellectuel ou physique. Ils travaillent 32 heures par semaine, sont polyvalents et, pour beaucoup, très expérimentés. « Nous les engageons à se former le plus possible, de la taille à la commercialisation », précise Anne Kœnig, œnologue et responsable de l'établissement qui cultive 22 hectares.

« Avec Stéphane, nous avons suivi une formation de tractoriste pour pouvoir conduire la machine à vendanger, raconte Saïd. De temps en temps, je participe aussi aux travaux de la cave, notamment au moment du remontage du vin. »

Prestation de services. Jean-André et Julien se sont formés à la dégustation, à la gestion de magasin et aux techniques théâtrales. Depuis, ils vendent les vins du domaine sur des salons. Une démarche pas toujours facile, car il faut surmonter l'appréhension d'être confronté au « milieu ordinaire de travail. Mais nous avons plaisir à proposer notre vin à des clients, expose Julien, satisfait des deux premiers salons auxquels il a participé. Penser que nous avons tout fait pour le produire, de la plantation des vignes à l'étiquetage des bouteilles, et qu'il se retrouve sur les tables des gens, c'est très motivant ».

D'autres Ésat proposent des prestations de services, comme les Charmettes, à Saint-Mont (Gers), qui collabore avec une quinzaine de viticulteurs. « Nous réalisons tous les travaux, sauf les traitements et les vendanges, indique Alain Cohen, le directeur. Nous avons une équipe pour la vigne et une autre pour les espaces verts qui peut venir en renfort. Huit de nos usagers et un moniteur sont également en intégration, toute l'année, à la cave de Saint-Mont, où ils travaillent sur des séries de bouteilles spéciales et rectifient les anomalies qu'il peut y avoir sur les chaînes d'embouteillage. »

À Molsheim (Bas-Rhin), l'association de services la Main verte est une entreprise qui permet d'apprendre. « Nous embauchons et formons les personnes handicapées pour les emmener vers la qualification, confie Pierre Hœrter, vigneron et président de l'association. Nous avons une équipe spécialisée dans l'ébourgeonnage et nous travaillons chez une cinquantaine de clients vignerons pour toutes sortes de travaux. »

« Ne pas avoir à embaucher de personnel. » Pour un viticulteur, la prestation de services d'un Ésat ou d'une association coûte le même prix que celle d'une société privée. Mais pour une entreprise d'au moins vingt salariés, soumise à l'obligation d'emploi de personnes handicapées, la mise en place d'une telle sous-traitance peut permettre de s'acquitter de la moitié de cette nécessité.

« Il y a deux ans, alors que j'avais un problème pour vendanger une parcelle d'un hectare, j'ai eu la chance de trouver une équipe disponible à l'Ésat de Castelnau-Rivière-Basse (Hautes-Pyrénées), explique Denis Dufau, du domaine de la Hargue, à Sarragachies (Gers). Encadrée par deux moniteurs, elle est restée une journée pour réaliser le travail, avec mon chauffeur qui conduisait le tracteur. Les saisonniers handicapés coupaient le raisin, les moniteurs et le chauffeur transportaient les seaux. Travailler avec un Ésat permet de ne pas avoir à embaucher de personnel. Les charges et les démarches sont moins lourdes. »

Le Point de vue de

CLAUDE SUBRA, CHÂTEAU BELROSE MAUCAILLOU, À SADIRAC (GIRONDE

« Dix-sept ans de coopération »

CLAUDE SUBRA, CHÂTEAU BELROSE MAUCAILLOU, À SADIRAC (GIRONDE

CLAUDE SUBRA, CHÂTEAU BELROSE MAUCAILLOU, À SADIRAC (GIRONDE

« Nous travaillons avec l'Ésat Jean Jacquemart d'Artigues-près-Bordeaux (Gironde) depuis 1996. Mon épouse, mon fils et moi avons une exploitation familiale de 43 ha et nous ne voulons pas de salariés. Nous assurons les travaux de la moitié de l'exploitation et confions l'autre moitié à cet établissement. Chaque année, je contacte le responsable pour convenir d'un planning.

Nous accueillons une équipe de quatorze travailleurs handicapés, encadrés par deux moniteurs, pendant vingt jours pour la taille, autant pour la descente des bois, et dix jours pour l'épamprage et le levage. Ils travaillent moins vite que nous, mais leur nombre permet de compenser. Le travail est bien fait et nos vignes sont en très bon état. Certains viennent chez nous depuis dix-sept ans. Le coût est le même que si nous faisions venir une entreprise de travaux viticoles. Et il y a beaucoup moins de paperasse à gérer que si nous embauchions du personnel. Nous réglons sur facture. Nous avons un seul interlocuteur et n'avons pas à nous inquiéter, le matin du chantier, de savoir qui va venir ou non. En revanche, je ne peux pas leur demander de former les jeunes vignes. Ils ne taillent que les vieilles parcelles. »

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