Vins à fortes personnalités. C'est le nom donné en Bourgogne aux vins d'appellations (AOC) résultant d'itinéraires techniques alternatifs, exploratoires, voire à risques, mais assumés par leurs producteurs. Ces vins sont, par exemple, vinifiés en grappes entières ou avec peu, voire pas du tout de soufre. Quelle liberté leur laisser alors qu'ils peuvent présenter des notes évoluées ou d'autres caractères habituellement jugés comme des défauts mais qui sont la signature d'un domaine ou d'une maison ? La Bourgogne réfléchit à un système pour ne pas les exclure systématiquement des dégustations d'acceptation de mise en marché (agrément) ou du suivi en aval de la qualité (SAQ).
Selon les chiffres qui circulent dans la région, vingt à cent domaines et maisons sont directement concernés. Pourtant, le débat passionne toute la filière. Jean-Yves Bizot, fin connaisseur du dossier et membre du conseil d'administration de la Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne (CAVB), explique : « Ce qui est en cause, c'est la manière de concevoir les appellations. Comment préserver un champ de liberté dans un cadre institutionnel ? »
« Pas le moindre laxisme. » Depuis 2008, les réunions se succèdent pour répondre à cette question. Le 26 novembre, un groupe de travail de l'interprofession a présenté un rapport d'étape. À cette occasion, Claire Naudin, la présidente de la commission SAQ du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne chargée du dossier, a exposé la possibilité de « faire évoluer la dégustation » pour l'agrément. Alors qu'aujourd'hui les vins de Bourgogne sont dégustés selon deux grilles, l'une pour les blancs, l'autre pour les rouges, à l'avenir, chaque appellation pourrait disposer de sa propre grille de dégustation.
La CAVB va proposer aux ODG qui le souhaitent de tester ce nouveau système. Les uns pourraient alors accorder moins d'importance que les autres aux notes évoluées, à la couleur... « L'idée serait que chaque ODG construise sa grille de description du produit par le dégustateur et qu'il définisse à partir de quel niveau un critère est acceptable ou non », souligne Marion Sauquère, directrice adjointe de la confédération.
La CAVB se montrera « très vigilante pour ne pas dévier vers le moindre laxisme », prévient Jean-Michel Aubinel, son président. Car les nouvelles grilles devront être défendues devant l'Inao. « Même dans le nouveau système, il faudra que les opérateurs assument leurs loupés », ajoute Claire Naudin.