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11 OCTOBRE 2013. Fin des vendanges sur le lieu-dit Vigne aux dames. François Rousset-Martin livre la moitié de cette parcelle de 70 ares de savagnin à la coop. Ce cépage ayant dramatiquement coulé, il n'a récolté cette année que 10 hl. PHOTOS F. BAL
FRANÇOIS ROUSSET-MARTIN CULTIVE 1,2 HA DE SAVAGNIN au Clos Bacchus, dans l'appellation Château-Chalon. Sur cette parcelle, il a récolté 35 hl à 12,2°. Au total, il mentionne six lieux-dits sur ces étiquettes.
VIEUX MILLÉSIMES. François Rousset-Martin dispose de vieux fûts de château-chalon élaborés par son père. « Ces vins ont conservé beaucoup de finesse car la cave est très humide », explique-t-il.
PRISE DE DEGRÉ par le directeur Bertrand Delannay lors de la livraison de savagnin à la Fruitière de Voiteur.
LE TABLEAU DE BORD DE SON EXPLOITATION
« Mon projet de cave particulière est exaltant, mais sans ma coopérative, la Fruitière viticole de Voiteur, je ne pourrais pas le mener à bien », commente François Rousset-Martin, installé à Nevy-sur-Seille (Jura), l'une des quatre communes de l'aire de l'appellation Château-Chalon. Entre ce vigneron et sa coopérative, l'accord est gagnant gagnant.
Son domaine compte 11 ha de vignes en production, dont 9 de savagnin en appellations Château-Chalon et Côtes du Jura. Il livre un peu plus de 8 ha à la Fruitière de Voiteur (85 ha, cinquante adhérents dont huit professionnels). Il vinifie et vend en direct le solde, car il tenait à valoriser lui-même une partie de sa production.
Une AOP réputée. C'est en 2007, à l'âge de 31 ans, qu'il s'installe comme vigneron indépendant sur 4,2 ha de vignes. Titulaire d'un diplôme d'oenologue et d'une licence sur la réglementation des vins, il souhaitait revenir sur les terres familiales après trois ans dans l'Aude. « Ici, il y a vraiment la possibilité de faire quelque chose d'intéressant, indique-t-il. L'AOP Château-Chalon est très réputée. »
Il vend l'essentiel de sa première récolte, environ 150 hl, sous forme de raisins au négoce, « avec des prix inférieurs de 20 % à ceux de la coopérative », regrette-t-il. Il ne vinifie alors que 10 hl de vin jaune et de vin de paille.
En 2009, la Fruitière de Voiteur modifie ses statuts pour tenter d'attirer de jeunes vignerons. Elle accepte désormais les apporteurs partiels et permet à ses adhérents de n'engager que 75 % de leur surface. François Rousset-Martin adhère immédiatement. Ce contrat lui convient parfaitement. « Je suis d'un tempérament stressé et cela ne me conviendrait pas de vinifier et de vendre l'ensemble de ma production en bouteilles », confie-t-il. D'autant que la coopérative « rémunère bien » ses adhérents : de 2,44 euros le litre pour le savagnin côtes du Jura en 2011 à 5,18 euros le litre pour le château-chalon.
François Rousset-Martin est exploitant en nom propre mais il vend la part vigneron indépendant à la SARL Rousset-Martin, créée pour commercialiser ses vins. Les vignes correspondantes (2,4 ha en production) sont certifiées en bio. « Je les ai reprises, ainsi qu'un stock de 5 000 bouteilles, à un vigneron bio. Alors je continue, argumente-t-il. À terme, je créerai une seconde société d'exploitation pour les vignes non bio destinées à la coop. »
Entre 2011 et 2012, le chiffre d'affaires de la SARL a progressé de 40 %, à 40 000 euros. En 2013, il devrait augmenter encore de 50 %, à 60 000 euros pour 5 000 bouteilles vendues, soit un prix de vente moyen de 12 euros le col.
« Sur le plan commercial, je suis assez fainéant. Mais j'ai la chance d'avoir un ami d'enfance qui vend des plantes sauvages à des restaurants parisiens étoilés. Depuis début 2012, il y place également mes vins. » Les résultats sont immédiats. Des importateurs le contactent après avoir goûté ses produits dans ces restaurants. « Tout est parti de là », révèle-t-il. Il travaille aujourd'hui avec des importateurs suisses, américains et chinois. Il a aussi quelques contacts avec des Anglais. « Je vais m'orienter franchement vers l'export. C'est plus facile que la vente aux particuliers », continue-t-il.
Comme tout homme de la terre, il ne met pas tous ses oeufs dans le même panier. Il joue sur trois tableaux à la fois : les vins oxydatifs, les vins ouillés (élevés à l'abri de l'air) et de vieux millésimes.
Il cultive principalement du savagnin (11,5 ha plantés) et 85 ares de chardonnay. Il les vinifie séparément, selon les lieux-dits. Il les presse et les entonne immédiatement en fûts de 228 litres ou demi-muid de 500 litres. Partant de là, les vins subissent deux élevages très différents : les uns vieillissent à l'abri de l'air, comme partout, et les autres au contact de l'air, comme c'est la tradition dans le Jura. Dans la région, les premiers sont dits « ouillés » et les seconds « oxydatifs ».
Des vins de quinze à vingt ans d'âge. François Rousset-Martin élève ses vins ouillés entre douze et dix-huit mois. Ses côtes-du-jura vin jaune et ses château-chalon sont encore en vieillissement. Les cahiers des charges imposent un élevage en fût de chêne d'au moins six ans, sans ouillage, dont de longs mois sous voile pour acquérir le goût de jaune. Il ne pourra donc mettre son premier millésime en bouteilles que début 2014. « Mais il n'y a pas d'urgence, assure-t-il. Je veux proposer des château-chalon de quinze à vingt ans d'âge. »
En attendant de mettre sa propre production sur le marché, il dispose de vieux millésimes. « Mon arrière-grand-père était vigneron, raconte-t-il. Et mon père, professeur de microbiologie, s'est toujours occupé des 0,5 ha de savagnin familiaux qu'il a vinifiés. » Sa cave abrite de vieux millésimes de vin jaune ou de château-chalon toujours en tonneaux élaborés par son père. « La cave est humide. Ces vins ont gardé beaucoup de finesse », ajoute-t-il.
Sur le plan commercial, c'est un atout indéniable. « J'ai de très bons retours sur ces millésimes de vingt ans, dit-il. J'ai l'intention d'en vendre 300 à 500 bouteilles par an, aux alentours de 100 euros le col. Je les vendrais sans doute en vin de France, car il est difficile d'obtenir une rétroactivité sur l'agrément. »
Autre pépite : un arsenal de vieux flacons de vin jaune datant de son arrière-grand-père, entre 1949 et 1962. Il en gardera la majorité mais en vendra quelques-uns au gré des occasions.
Si le château-chalon est renommé, « il n'en reste pas moins un vin d'initiés. Or, il est nécessaire d'élargir les débouchés ». Sa courte expérience lui enseigne que le marché apprécie les vins ouillés, alors que la tradition régionale met l'accent sur les vins oxydatifs. « J'ai un très bon retour sur les vins ouillés, notamment à l'export et à Paris depuis début 2012 », expose-t-il. Ce qu'il comprend car, à ses yeux, l'oxydation a tendance à « lisser les goûts ».
Aussi élabore-t-il des vins ouillés avec ses savagnins plantés sur l'aire de Château-Chalon. Comme cette appellation impose un élevage oxydatif sous voile, il ne la revendique pas. Il vend ces vins en AOP Côtes du Jura en mentionnant le lieu-dit sur l'étiquette - comme Vigne aux dames par exemple - ou en vin de France.
Apprentis. En 2013, il récolte son premier millésime en rouge sur 1 ha de pinot noir et de poulsard. Il en vinifie 10 ares, soit 6 hl, de manière à disposer d'une gamme de vins complète. Il l'élabore « comme un vin léger élevé en demi-muid de douze à dix-huit mois ». En 2013 toujours, le savagnin a beaucoup coulé. Il n'a récolté que 25 hl/ha en moyenne pour le château-chalon (degré minimum de 12°) et entre 10 à 15 hl/ha sur ses surfaces en bio et certaines autres parcelles. En 2012 déjà, la récolte avait chuté de 30 %.
« Je pensais bien m'installer un jour, mais peut-être pas m'agrandir si vite », analyse rétrospectivement François Rousset-Martin qui est passé de 4,2 ha en 2007 à 13,2 plantés cette année. Pour faire face à la hausse de sa charge de travail, il a pris deux apprentis pendant quatre ans. « Les premières années, je n'avais pas les moyens d'employer un salarié », se souvient-il. Le premier apprenti est arrivé en 2008. Le second, Julien Digonneaux, est sur l'exploitation depuis 2009. Le viticulteur l'a embauché en septembre 2013.
Confiant dans l'avenir, François Rousset-Martin entend continuer à planter du savagnin, environ 5 ha d'ici cinq ans. « J'aurai alors près de 19 ha à l'horizon 2020. Les trois quarts de la production approvisionneront toujours la fruitière. Et j'élaborerai près de 24 000 bouteilles pour mon compte. »
Sur la même période, il entend construire un bâtiment de 200 m2 au sol sur deux étages. Il y installera une cuverie digne de ce nom, « car pour l'instant, elle est de bric et de broc et mes installations sont éclatées en trois endroits différents », déplore-t-il.
Dans tous les cas, il restera à la Fruitière de Voiteur. « Elle me fait vivre en valorisant bien ma production et me permet de suivre mes objectifs personnels », remarque-t-il. De son côté, la fruitière manque de savagnin. Elle voit donc avec satisfaction ce nouvel adhérent en planter régulièrement.
SUCCÈS ET ÉCHECS CE QUI A BIEN MARCHÉ
Il est ravi d'avoir pu adhérer à la Fruitière de Voiteur, car elle valorise bien sa récolte tout en lui permettant de suivre des objectifs personnels.
Il est très content d'avoir pris Julien Digonneaux en apprentissage en 2009. En septembre 2013, il l'a embauché.
La présence de ses vins dans des restaurants étoilés lui ouvre les portes de l'export, « le marché le plus facile et le plus intéressant », estime-t-il.
SUCCÈS ET ÉCHECS CE QU'IL NE REFERA PLUS
Son épouse a réalisé les premières étiquettes. Elles détaillaient sous forme de graphique tous les arômes détectables dans les vins. Trop complexes, ils vont les simplifier.
Durant les étés 2011 et 2012, ses parents ont tenu un caveau de vente aux particuliers à Baume-les-Messieurs, village voisin très touristique. Cela n'a pas été un échec mais comme il manque de vin après le développement des ventes aux CHR et à l'export, ce n'est plus utile.
SA STRATÉGIE COMMERCIALE Haut de gamme, logique et cohérence des prix
- François Rousset-Martin se positionne sur le très haut de gamme. Ses tarifs sont parmi les plus élevés du Jura. Il ne vend aucun vin à moins de 10 euros TTC le col.
- Il veille à établir une progression logique et affirmée entre ses différents vins. Il vend les savagnins ouillés 18 euros TTC le col et les vins oxydatifs de deux à quatre ans 25 euros TTC. Il mettra ses premiers château-chalon sur le marché à compter de 2014 au prix de 50 euros et il pense vendre ses vins jaunes de vingt ans aux alentours de 100 euros TTC.
- Il veille aussi à « avoir un prix cohérent entre les différents marchés, affirme-t-il. Il faut que les tarifs à l'export et pour les CHR soient en phase avec le prix TTC départ cave ». Suivant cette logique, il propose ses vins vendus 10 euros TTC départ cave à 5 euros HT au réseau CHR ou à l'export. De même, il vend ses vins ouillés à 18 euros TTC départ cave, mais seulement à 11 euros HT à l'export.
