GÉRARD LIGER-BELAIR, professeur à l'université de Reims Champagne-Ardenne, a étudié trois verres de champagnes dessinés par Philippe Jamesse, le chef sommelier du domaine les Crayères, à Reims (Marne). De profil similaire, ces verres possèdent des contenances différentes. Les deux spécialistes du célèbre effervescent se sont rencontrés en 2009 grâce à Hervé Fort, le directeur général de l'hôtel du domaine. « Il voulait croiser les univers de la science et de la sommellerie », rapporte Gérard Liger-Belair.
Le chercheur a donc utilisé différents modèles mathématiques pour comprendre comment évolue un champagne lorsqu'on en verse 10 centilitres dans chacun des trois verres.
Hauteur, surface du disque et volume. Gérard Liger-Belair indique que trois paramètres sont déterminants. « Tout d'abord, la hauteur de vin servi n'est pas la même dans les trois verres. » Du plus étroit au plus évasé, elle est de 7 cm, 5 cm et 4,5 cm. Cela a un impact sur la taille des bulles à la surface. « Les bulles grossissent en remontant, illustre Gérard Liger-Belair. Plus la hauteur de vin servi est faible, plus les bulles sont petites. Or, les petites bulles permettent aux arômes de s'évaporer plus facilement que les grandes lorsqu'elles éclatent », affirme-t-il. En d'autres termes, dans le verre où la hauteur de vin est faible, les bulles sont plus fines et l'arôme du champagne est plus intense.
Le deuxième élément qui intervient, c'est la surface du disque de champagne au contact de l'air. « Plus cette surface est grande, plus le dégazage est rapide et plus les arômes s'évaporent vite », explique Gérard Liger-Belair. Cette surface est d'environ 125 cm2 pour le verre le plus étroit, 190 cm2 pour l'intermédiaire et 240 cm2 pour le verre plus évasé. Dans ce dernier, le champagne s'exprimera plus intensément et s'oxydera plus rapidement au contact de l'air que dans le verre le plus étroit.
Enfin, le volume de l'espace de tête (l'espace entre le disque de vin et le sommet du verre) est de 67 cl dans le verre le plus évasé et de 35 et 20 pour les deux autres. « Nous sommes en train de travailler sur l'impact de ce volume sur la perception aromatique du champagne, car c'est dans cette partie que le gaz carbonique et les arômes se mélangent », assure Gérard Liger-Belair.
Pour ce chercheur, il est nécessaire que cet espace de tête soit confiné afin de retenir les arômes, ce qui est le cas pour les trois verres dessinés par Philippe Jamesse. À l'inverse, « avec une coupe très évasée et basse, il n'y a pas d'espace de tête. Le champagne semble alors très peu aromatique, car il n'y a pas d'espace libre et confiné qui permet de concentrer les arômes qui s'en échappent », conclut-il.