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DOSSIER - Tour des vignobles : gagnants et perdants d'une récolte compliquée

JURA Les stocks se raréfient

MARTIN CAILLON - La vigne - n°260 - janvier 2014 - page 49

Fragilisés par deux petites récoltes de suite, les vignerons du Jura puisent dans leurs stocks pour satisfaire la demande.

Les vignerons du Jura se font du mouron. « La récolte 2013 est la plus faible depuis plus de vingt ans », se désole Jean-Charles Tissot, président du Comité interprofessionnel des vins du Jura (CIVJ). Elle n'excédera pas 60 000 hl, selon les dernières estimations et toutes appellations confondues. C'est 25 % de moins qu'une année normale.

Déjà, l'année 2012 avait été déficitaire de 15 %, avec 70 000 hl récoltés. Mais comme la récolte 2011 avait été exceptionnelle avec 102 000 hl, ce déficit n'avait pas trop inquiété la profession. La récolte calamiteuse de 2013 change la donne. Les exploitations vont devoir puiser dans leurs stocks pour satisfaire la demande. Or, ces derniers sont en baisse régulière depuis presque dix ans, de 6 % encore l'an dernier. Ils n'étaient plus que de 234 000 hl au 31 juillet 2013. « C'est peu. Compte tenu des conditions de vieillissement de nos vins - le vin jaune est élevé pendant plus de six ans - il nous faut de gros stocks », rappelle Jean-Charles Tissot.

Prix à la hausse. Chez la plupart des producteurs, la situation est tendue, en particulier pour ceux qui déplorent un rendement nettement en dessous de la moyenne. « Le millésime 2011 ne compensera pas les pertes que nous avons subies ces dernières années », explique Bruno Cuiofi, directeur du domaine de la Pinte, à Arbois. En 2013 comme en 2012, le domaine n'a récolté que 11 hl/ha.

À la Fruitière d'Arbois, la situation semble meilleure. « À court terme, ça devrait aller, pronostique de son côté Christophe Botté, le directeur. Nous avons encore du stock. Mais sur certains produits comme le vin de paille ou le macvin, nous sommes en rupture de plus en plus tôt dans l'année. »

Le manque de volume limitera le développement de nouveaux marchés ou la progression de celui des crémants, en hausse depuis quelques années. En contrepartie, les prix des bouteilles devraient continuer à grimper, alors qu'ils sont en hausse de 15 à 20 % depuis deux ou trois ans. Jusqu'où ? « Difficile d'augmenter nos prix quand, dans le même temps, on observe une déflation sur les prix alimentaires », note Olivier Gwiss, directeur commercial du négoce la Maison du vigneron, à Crançot.

234 000 HL

C'était le niveau des stocks de vin dans le Jura fin juillet. Après celui de 2011, c'est le niveau le plus bas enregistré par les douanes depuis dix ans.

Le Point de vue de

Christian, Romain et Patrick Clavelin, du Gaec Clavelin, 30 ha au Vernois (Jura)

« Une succession d'aléas climatiques »

Christian, Romain et Patrick Clavelin © R. HELLE

Christian, Romain et Patrick Clavelin © R. HELLE

« L'année 2013 a été vraiment très compliquée. Nous avons subi une succession d'aléas climatiques. Les pluies régulières tombées entre le 15 mars et la fin juin ont fortement compromis le potentiel de récolte. Nous avons eu du filage, de la coulure, du millerandage, une énorme attaque de mildiou fin juin ainsi qu'une tardive et très forte attaque d'oïdium. Nous avons aussi perdu de la récolte au moment de la vendange. Nous avons commencé trop tard. Il est tombé 60 mm de pluie par plus de 20°C. Les raisins ont pourri sur pied en moins de 48 heures. Pendant une semaine, nous avons doublé nos effectifs de vendangeurs manuels. Nous sommes passés de 15 à 30 personnes pour sauver la récolte. Au bout du compte, nous avons récolté 43 hl/ha cette année. C'est supérieur à la moyenne de la région car la moitié de nos vignes est destinée à la production de crémants. Nous taillons ces vignes un peu plus long et nous complétons par un plan d'amendements. Nous avions eu une belle année en 2011 : 68 hl/ha. Mais aujourd'hui, nos stocks sont très bas. Pour bien fonctionner, il faut deux ans et demi de stocks. Nous en possédons à peine deux. C'est dangereux. Si l'année 2014 n'est pas bonne, on s'expose. Nous n'avons pas la trésorerie suffisante pour passer une année déficitaire supplémentaire. Malgré cela, nous allons augmenter nos prix normalement, entre 2 et 5 %. »

Cet article fait partie du dossier Tour des vignobles : gagnants et perdants d'une récolte compliquée

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